Véronique Truffot : La matérialité vocale dans le culte gabonais du bwiti fang

Gabon, Port Gentil, mask in jungle hut
Gabon, Port Gentil, mask in jungle hut ©Getty - Chris Salvo
Gabon, Port Gentil, mask in jungle hut ©Getty - Chris Salvo
Gabon, Port Gentil, mask in jungle hut ©Getty - Chris Salvo
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Vocaliste, Véronique Truffot explore la voix à travers différentes expressions et techniques pour approcher la pluralité qu’offre l’organe vocal. Le sujet de sa recherche en thèse de doctorat porte sur sur la matérialité vocale dans le culte gabonais du bwiti fang.

Vocaliste, Véronique Truffot explore la voix à travers différentes expressions et techniques pour approcher la pluralité qu’offre l’organe vocal. Elle est titulaire d’un DEUG de musicologie, d’un DUMI à l’université d’Aix-Marseille, du DU Voix et Symptômes, psychopathologie et clinique de la voix et d’un Master, ethnomusicologie et anthropologie de la danse à Nanterre pour lequel elle a obtenu la Bourse Martine Aublet du Quai Branly. Ce dernier fut dirigé par deux ethnomusicologues: Katell Morand et Magali De Ruyter. Elle poursuit sa recherche en thèse de doctorat sur la matérialité vocale dans le culte gabonais du bwiti fang, sous la direction de Grégory Delaplace, de l'EPHE et de Joseph Tonda, de l'Université Omar Bongo à Libreville, Gabon. Tous deux s'inscrivent dans le champ de l'anthropologie de l'invisible. Depuis 2017, elle transmet le chant et le piano à des personnes avec autisme, avec la pédagogie Dolce à laquelle elle a été formée. Elle intervient régulièrement auprès de publics empêchés, tels que des jeunes filles en rupture sociale ou des personnes en milieu carcéral.

"Le bwiti est un culte des ancêtres, essentiellement pratiqué au Gabon, il a pour principal objectif de rendre visible l’invisible. Ma recherche de master mais qui sera aussi celle de ma thèse (de doctorat) porte sur la branche fang et plus précisément sur la vocalité en tant que dispositif de médiation avec l’invisible.

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Le bwiti est un ensemble complexe de rituels mais pour qu’il puisse être reconnu comme tel il doit réunir deux éléments. Le premier est la manducation de la racine d’un arbuste, l’iboga – appelé par les initiés « le bois » ou encore « le bois sacré » – aux propriétés hallucinogènes et utilisé dans le cadre initiatique à des fins visionnaires. Le second élément est la musique :

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Les chants, discours et pratiques langagières du bwiti, qui se déploient dans différents cadres et à travers différents actes, engagent une vocalité par laquelle les participantes et participants se font les porte-parole des morts et des esprits, soumis à l’invisibilité ainsi qu’au silence.

Si une des fonctions du bwiti est de rendre visible l’invisible, la façon dont la branche fang s’y emploie est en rétablissant la communication entre ces deux mondes opposés, entre humains et non-humains. Cela se fait par l’intermédiaire d’un instrument sacré, la harpe ngoma, que le musicien, spécialiste du rituel, le béti, fait parler grâce à l’action de ses doigts et de sa voix :

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(C’est parce qu’il a la capacité de faire parler la harpe sacrée que le béti entretien une relation d’intimité avec cet instrument.)

La voix ne fait certes pas l’objet d’un traitement extra-ordinaire mais elle répond néanmoins à des modes de production spécifiques que ce soit en termes d’intensité, d’ engagement corporel, d’intentionnalité ou encore d’adresse. Le béti mobilise sa voix en l’adressant à la harpe, la harpe lui répond en retour en passant par la propre voix du béti. Cette intrication génère un phénomène vibratoire qui sera prolongé par le chœur formé par l’ensemble des initiés, ce qui crée une mise en circulation vibratoire et assure le lien entre visible et invisible.

Du couple béti-harpe, émane et émerge donc une entreprise collective où chaque agent du rituel interagit avec l’autre et s’avère indispensable dans l’efficacité du bwiti". (Véronique Truffot)

Ocora Couleurs du monde
1h 29

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