Doctorante contractuelle à Sorbonne Université, Marie Renaudin étudie, sous la direction de Jérôme Clerc la coexistence du temps musical et du temps social chez les musiciens dans la région Podhale au sud de la Pologne.
Marie Renaudin est doctorante contractuelle à Sorbonne Université. Sa thèse, débutée en 2020 sous la direction de Jérôme Cler, s’inscrit dans le champ de l’ethnomusicologie et porte sur la coexistence du temps musical et du temps social chez les générations actuelles de musiciens dans la région Podhale, au sud de la Pologne.
"Imaginez-vous dans la région Podhale au sud de la Pologne, au pied des montagnes Tatras dans les Carpates. Au fond de la vallée de Chochołów, la clairière bordée par les pentes de la montagne prend vie pour le solstice d’été. Après la messe, autour des feux, les chants jaillissent, s’interrompent, se perdent pour laisser les discussions suivre leur cours puis resurgissent de nouveau. En prenant de la hauteur, les familles de propriétaires semblent se répondre de part et d’autre, danser, conter et rejouer la scène d’une époque qui n’est plus : celle des bergers et de la vie pastorale.
Voilà comment Karol Szymanowski décrit cette musique : « On l’aime pour la vie qui vibre en elle, pour cette vie, impliquée dans une forme rugueuse, anguleuse et comme taillée dans le roc. Autrement, elle paraît insupportable, horripilante choquant l’ouïe et les nerfs […] mais il ne peut être question de rester indifférent ou indulgent envers son caractère particulier ». Artistes, ethnographes, scientifiques… Nombreux sont ceux que ce relief montagneux a inspirés depuis presque deux siècles. Si les recherches ethnologiques continuent d’intéresser les érudits locaux, la musique est rarement au centre des travaux. Pourtant, avec le regard particulier de l’étrangère, portée par l’envie d’en percevoir les subtilités, d’en conter les ambiguïtés, c’est bien elle que je suis venue chercher dans les cours, les fêtes et les concours.
Au-delà de l’intérêt pour la musique et ses formes, le goût de la rencontre avec les musiciens et la construction patiente de ce « terrain » rythment ma recherche. Dans ce projet d’ethnomusicologie participante, l’apprentissage du violon me permet de mieux comprendre la grammaire musicale et d’en pénétrer toutes les couches : les variantes de la mélodie, le jeu entre les échelles ou les rythmes, la diversité des parties intermédiaires.
L’expérience ethnographique montre une contradiction entre le contexte de la vie pastorale évoqué par la musique et celui, bien actuel, de la pratique. Ainsi le thème du temps se décline-t-il dans ma thèse sous différentes sous-thématiques comme la mémoire, les âges de la vie, les générations...
Plusieurs niveaux de temps semblent évoqués : d’une part le présent, d’autre part les souvenirs d'une vie pastorale idéalisée, ou de contextes historiques encore présents dans la mémoire collective. A Chochołów, le temps de la musique, l'occasion, se superpose à des temps de nature différente (temps de la fête, temps des veillées, etc.). Le rapport au temps entretenu par les générations actuelles de musiciens, dans leurs références au souvenir, et à travers la musique et la sociabilité qu’elle implique fait surgir une multitude de questions. Si la musique crée sa propre dimension temporelle, structure-t-elle le rapport au temps et l'image du passé entretenue par les générations actuelles de musiciens ? Enfin, de quelle manière le « temps de la musique » (quel qu'il soit) coexiste-t-il avec d'autres temps (par segments, ou simultanément) ? C’est à toutes ces questions que je m’efforce de répondre dans ma thèse."
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