Doctorante en musicologie à Sorbonne Université sous la direction de Raphaëlle Legrand, Nahoko Sekimoto s'intéresse dans sa thèse au concept de mode dans les traités de musique en français au 18ème siècle.
Nahoko Sekimoto est doctorante en musicologie à Sorbonne Université sous la direction de Raphaëlle Legrand, et chercheuse associée au projet ANR AcadéC. Sa thèse, initiée sous la direction de Nicolas Meeùs, analyse l’évolution terminologique et conceptuelle du mot « mode » à travers la lecture systématique des traités de musique en français au XVIIIe siècle. Docteure en musicologie à l’Université des Arts de Tokyo, elle a également publié au Japon des ouvrages, notamment la traduction annotée des Elémens de musique, théorique et pratique de d’Alembert (2012) et Explorer l’harmonie musicale : théorie et conception (2019), dont elle est co-autrice.
"Tous les amateurs de musique savent ce que signifient les modes majeur et mineur, deux façons d’agencer les tons et demi-tons de la gamme qui sert de base à un morceau de musique. Souvent, le majeur est employé pour exprimer des sentiments heureux, tandis que le mineur inspire la tristesse. Mais quand et comment cette catégorisation binaire s’est-elle établie comme un concept largement partagé ? C’est beaucoup moins clair.
Il y a tout juste trois cents ans, en 1722, le célèbre compositeur et théoricien Jean-Philippe Rameau publie le Traité de l’harmonie, qui pose les bases de la théorie de l’harmonie moderne. Depuis quelques décennies, les modes majeur et mineur tels qu’on les connait aujourd’hui commencent à être décrits. En partant de cette base, Rameau donne des exemples musicaux. Écoutez l’extrait du Laboravi. Il s’agit très clairement du mode mineur pour traduire les paroles du psaume : « j’ai poussé des cris vers le ciel ».
Écoutons cette fois-ci l’exemple du mode majeur, le canon à la quinte « Ah ! loin de rire, pleurons ». S’agit-il vraiment du mode majeur ? Ce canon est certes écrit pour différentes voix qui entrent l’une après l’autre à la quinte, ayant chacune une armure (c’est-à-dire les dièses et bémols près de la clé) distincte correspondant bien au mode majeur. Mais les mouvements chromatiques et la présence perpétuelle de dissonances dans la sonorité verticale nous rendent perplexes. Rameau ne s’est-il pas amusé à déstabiliser constamment la luminosité du majeur pour rendre l’idée des pleurs ? Mais, alors, qu’est-ce qu’un « mode » ?
L’objectif de ma thèse est d’éclairer l’évolution conceptuelle du mot « mode » tel qu’il se manifeste d’une part dans la terminologie des traités de musique anciens et d’autre part dans les concepts que les termes dénotent. Je ne suis pas la première à m’attaquer à ce vaste problème, qui d’ailleurs se pose différemment selon les temps et les lieux. Ce qui rend la chose difficile, c’est que le mot « mode » est polysémique et désigne plusieurs concepts, outre les modes majeurs et mineurs, comme les modes ecclésiastiques, les modes authentes ou plagaux… D’un autre côté, les concepts immanents du terme « mode » peuvent être exprimées par un autre mot (comme ton), ou distingués par un nombre (comme 8 modes, 12 modes), ou encore par une épithète (mode ecclésiastique, modes de Glarean). Enfin, pour couronner le tout, le mot « mode » est instable non seulement dans des traités anciens, mais également dans le langage actuel, et même selon la langue.
Ainsi, compte tenu de ces complexités, ma thèse se focalise sur les traités de musique en français au XVIIIe siècle, qui semble constituer un parachèvement terminologique et conceptuel vers ce que nous entendons aujourd’hui par le terme « mode ». C’est à travers la lecture systématique des textes contenant ce mot que je cherche à identifier les concepts de mode, tels qu’ils sont appris, acceptés, modifiés et développés par les musiciens et théoriciens de l’époque."
L'équipe
- Production
- Autre
- Réalisation
- Collaboration