Chantal Cazaux, Piotr Kaminski et Yannick Millon élisent la version de référence d'Alexandre Nevski de Sergueï Prokofiev.
Emission enregistrée en public le 20 mars 2019 à 19h au Studio 109 de la Maison de la Radio.
Compte rendu
Est-ce du russe qu’annone le chœur ? On en doute. Et la direction de Claudio Abbado lisse les angles, gomme les rugosités. C’est du très joli Prokofiev : autant dire ici que c’est hors-sujet.
Sage et retenu ne sont pas deux vertus qu'on prête généralement à l’incendiaire Evgeny Svetlanov. Mais l’introduction comme l’Ode à Nevski paraissent sans poids ni pouvoir d’évocation, aimablement calligraphiés et rien d’autre.
Ce sont des zooms, des travellings, des plans américains, un vrai Nevski en technicolor ! Dans une lecture flamboyante (chantée en anglais), Fritz Reiner et ses forces de Chicago versent dans le panache et la démesure. Alors pourquoi cette Bataille sur la glace semble soudain si tranquille, aux timbres fades et relâchée rythmiquement ?
Le climat est sombre, tendu dès les premières mesures : Neeme Järvi s’emploie à faire gronder les basses et charrier la menace, dans une Bataille sur la glace très efficace. Mais tout cela s’opère avec une certaine distance, et on juge trop civilisé ce Nevski à qui manque l’effroi véritable. D’autant que le russe du chœur n’est pas très idiomatique et que Linda Finnie livre un Champ des morts extérieur.
D’emblée l’inquiétude s’installe et ne vous lâchera plus. Karel Ančerl dirige un Nevski sec, cru, froid, nerveux, où les timbres typés de la Philharmonie tchèque contribuent à l’atmosphère de guerre et d’agonie. Une trompette cauchemardesque s’échappe de la Bataille sur la glace, fouettée par des violons cinglants. Věra Soukupová, timbre entre chien et loup, cisèle un Champ des morts anéanti. Voici la version la plus moderniste.
C’est le feu et le sang à nouveau dans ce Nevski bouillonnant, mais dans une optique plus théâtrale, urgente, mouvementée, où rien n’est laissé au hasard. Galvanisé par le concert, Valery Gergiev prend son temps pour distiller la terreur et livre une Bataille sur la place épique, agressive et déchirante, où les chœurs hurlent de rage dans un souffle suicidaire. Et Olga Borodina apporte une touche intérieure et douloureuse, d’un chant simplement somptueux.
Palmarès
la Tribune des internautes:
N°1 : Version B
Olga Borodina, Chœurs et Orchestre du Mariinsky de Saint-Pétersbourg, dir. Valery Gergiev (Philips, 2002)
N°2 : Version E
Věra Soukupová, Chœurs et Orchestre philharmonique tchèque, dir. Karel Ančerl (Supraphon, 1962)
N°3 : Version D
Linda Finnie, Chœurs et Orchestre National d’Ecosse, dir. Neeme Järvi (Chandos, 1987)
N°4 : Version F
Rosalind Elias, Chœurs et Orchestre symphonique de Chicago, dir. Fritz Reiner (RCA, 1959)
N°5: Version A
Larisa Andreyeva, Chœurs et Orchestre symphonique d’Etat de l’URSS, dir. Evgeny Svetlanov (Melodiya, 1967)
N°6: Version C
Elena Obraztsova, Chœurs et Orchestre symphonique de Londres, dir. Claudio Abbado (DG, 1979)
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