Chantal Cazaux, Piotr Kaminski et Pauline Sommelet élisent la version de référence de L’Elixir d’amour de Gaetano Donizetti.
Le compte-rendu de Jérémie Rousseau
Il ne fait pas bon s’appeler Carlo Bergonzi aujourd’hui… D’un côté on loue un aristocrate du chant, de l’autre on fustige un ton et un style qui seraient en contradiction avec Nemorino. Et tant pis pour Scotto… Addio Maestro !
Le Nemorino de Nicolai Gedda ressemble plus à Werther, mais l’interprète a du charme et de l’élégance à revendre. Cela n’empêche pas sa « Furtiva Lagrima », à l’italien tortueux, de donner dans le sentimental et le larmoyant. Qui a dit « fabriqué » ?
L’Elixir d’amour vif et tendre enlevé par John Pritchard vaut pour sa cohérence et son homogénéité. Plácido Domingo costume le paysan Nemorino en héros verdien, puissant, vaillant, timbre ravageur mais dynamiques timides, quand la délicieuse Ileana Cotrubaș s’aventure dans une langue dont elle ne possède pas toutes les couleurs. On aura mieux ailleurs.
Evelino Pidò aime se faire remarquer, s’agitant tout seul et précipitant son plateau. Mais Roberto Alagna nous régale d’une « Furtiva Lagrima » en situation, transposée, plus enlevée, et donc différente des autres. Adina enjôleuse, Angela Gheorghiu jouit d’une santé étincelante et joue un peu aux grandes dames. Enfin comment oublier le Dulcamara si charismatique et étourdissant de verve de Simone Alaimo, qui jongle avec les mots ?
Le Nemorino de Luciano Pavarotti a triomphé dans le monde entier : sa « Furtiva Lagrima » est un bonheur complet, timbre insolent, soleil à lui seul, même si la composition du personnage et les nuances qui vont avec n’intéressent guère le tenorissimo. Sa fidèle partenaire Joan Sutherland livre une leçon de bel canto en Adina, gorgée d’accents maternels qui sembleront ceux de Norma. Si Spiro Malas s’amuse en Dulcamara, l’Italien lui échappe parfois. Un magnifique cru néanmoins, tonique et revigorant.
Roberto Alagna, deuxième ! Première plutôt, car la « Furtiva Lagrima de ses tout débuts rallie les suffrages, fusion parfaite d’une voix et d’une incarnation : on aime ce timbre doré, sa spontanéité, sa longueur de souffle, ces dynamiques, et le dosage parfait entre naïveté, tendresse et rêverie ! Mariella Devia, virtuose aguerrie, sculpte le son, colore les mots en faisant vivre avec espièglerie et abandon son Adina. Le tout porté par une équipe au taquet, en la compagnie idéale de Marcello Viotti, qui ouvre un à un tous les bouquets de cet Elixir. Le rêve, tout simplement !
Palmarès
N°1 : Version E
Roberto Alagna, Mariella Devia, Bruno Praticò, Tallis Chamber Choir, English Chamber Orchestra, dir. Marcello Viotti
Erato (1992)
N°2 : Version F
Luciano Pavarotti, Joan Sutherland, Spiro Malas, Ambrosian Opera Chorus, English Chamber Orchestra, dir. Richard Bonynge
Decca (1971)
N°3 : Version C
Roberto Alagna, Angela Gheorghiu, Simone Alaimo, Choeurs et Orchestre de l’Opéra de Lyon, dir. Evelino Pidò
Decca (1996)
N°4 : Version A
Plácido Domingo, Ileana Cotrubaș, Geraint Evans, Choeurs et Orchestre du Covent Garden de Londres, dir. John Pritchard
Sony (1977)
N°5 : Version D
Nicolai Gedda, Mirella Freni, Renato Capecchi, Choeurs et Orchestre de l’Opéra de Rome, dir. Francesco Molinari Pradelli
Warner (1966)
N°6 : Version B
Carlo Bergonzi, Renata Scotto, Carlo Cava, Choeurs et Orchestre du Mai Musical Florentin, dir. Gianandrea Gavazzeni
Opera d’Oro (1967)
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