Le Tricorne de Manuel de Falla

Le compositeur espagnol Manuel de Falla
Le compositeur espagnol Manuel de Falla ©Getty
Le compositeur espagnol Manuel de Falla ©Getty
Le compositeur espagnol Manuel de Falla ©Getty
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Le Compte-rendu de Jérémie Rousseau

Une énergie à revendre, un climat un peu écrasant… et pas de temps à perdre ! Pablo Heras-Casado et le Mahler Chamber Orchestra désarçonnent par leur lecture séquentielle, précipitée et pleine d’effets, sur laquelle la prise de son zoome artificiellement.

Ernest Ansermet fut en 1919 le créateur du Tricorne , qu’il enregistra à trois reprises. On écoute ici son ultime gravure, avec une toute jeune Teresa Berganza, au timbre envoûtant de pythie menaçante. Mais l’Orchestre de la Suisse Romande et son chef légendaire ne varient pas les éclairages au sein d’un même numéro. Et sortent précipitamment.

Introduction , Après-midi , Fandango … Les épisodes s’enchainent et la même élégance demeure, chaque tableau s’habillant des mêmes aplats et harmonies, sans les humeurs et le mouvement appropriés : c’en est plat. Dommage car Victoria de los Ángeles apporte sa lumière à la baguette très stylisée, voire ennuyeuse, de Rafael Frühbeck de Burgos à la tête du Philharmonia.

Comment ne pas s’enivrer de ces bois vif-argent, de ces cordes de soie, de cette crépitante batterie de percussions ? Seiji Ozawa valorise à merveille les timbres du Boston Symphony Orchestra. Seul hic : cet hédonisme sonore lisse les arêtes et baigne le Tricorne dans une esthétique globalisante, qui s’éloigne à grands pas de Falla – en dépit, à nouveau, du timbre ensorceleur de Teresa Berganza.

Le Tricorne de Consuelo Rubio et de l’Orchestre National de la Radiodiffusion Française, porté par la baguette épicée d’Eduard Toldrà, s’ancre immédiatement dans la terre et le folklore espagnol. Nous voici au théâtre, sur une scène gorgée de danses et d’Andalousie, dans un contexte psychologique poisseux. De plus, la continuité entre chaque numéro fascine, tendue comme un arc. Ce sera la version de l’authenticité, qui vaut bien les légères scories d’une prise de son d’antan.

Josep Pons est incisif, tranchant, et tire de l’Orchestre de la ville de Grenade des coloris flamboyants, tendres, rugueux, ironiques : la farce s’anime telle une fresque, tourbillon d’orchestre qui renoue avec les diaprures des Ballets Russes. C’est une apothéose de la danse, le règne du double sens, jusque dans des fandango et farruca décortiqués jusqu’à la moelle. Joie, tendresse, perversité, rire, voici la tragi-comédie du Tricorne rendue à son âme espagnole…. Et servie dans une prise de son magistrale. Olé !

Palmarès

N°1 : Version F
Itxaro Mentxaka, Orchestre de la ville de Grenade, dir. Josep Pons
HM (1996)

N°2 : Version E
Consuelo Rubio, Orchestre National de la Radiodiffusion Française, dir. Eduard Toldrà
EMI (1956)

N°3 : Version D
Teresa Berganza, Boston Symphony Orchestra, dir. Seiji Ozawa
DG (1976)

N°4 : Version B
Teresa Berganza, Orchestre de la Suisse Romande, dir. Ernest Ansermet
Decca (1961)

N°5 : Version A
Victoria de los Ángeles , Philharmonia Orchestra, dir. Rafael Frühbeck de Burgos
Warner (1964)

N°6 : Version C
Carmen Romeu, Mahler Chamber Orchestra, dir. Pablo Heras-Casado
HM (2019)

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