El Sistema continue de fêter ses 40 ans d'existence au Venezuela et célèbre son succès avec une tournée européenne de l'Orchestre symphonique Simon Bolivar. Plus de 700 000 enfants bénéficient du programme social d'éducation musicale dans le pays. Retour sur une organisation qui a transformé la société et inspiré le monde entier.
- Victor Tribot Laspière Journaliste radio
Et dire qu'en 1975 lors de la création, ils n'étaient qu'une douzaine d'enfants dans un garage à pratiquer la musique. 40 années plus tard, ils sont plus de 700 000 dans tout le Venezuela à bénéficier d'El Sistema et devraient être 1 million d'ici à 2020. Une idée que l'on doit à Jose-Antonio Abreu, un économiste et pianiste qui a eu la folle ambition de vouloir aider les enfants défavorisés en leur faisant pratiquer la musique.
Mais pas de n'importe quelle façon. Le coeur d'El Sistema, c'est la pratique collective de la musique. Les enfants qui bénéficient du programme démarrent très tôt dans des choeurs puis dans des orchestres, toujours avec cette idée de s'épanouir avec les autres, d'apprendre à s'investir pour le bien commun.
Ils ont cours le matin et musique l'après midi. Au total, 20h de formation musicale par semaine en orchestre ou en choeur. El Sistema compte près de 500 formations dans tout le pays de différents niveaux. La plus connue d'entre elle, c'est bien sûr l'Orchestre symphonique Simon Bolivar du Venezuela, celui qui se produit ce soir à Toulouse sous la baguette de Gustavo Dudamel, lui aussi pur produit du programme social.
El Sistema est une organisation impressionnante, sans égale sur la planète. Et selon Eduardo Mendez, le directeur général El Sistema a profondément transformé la société vénézuélienne. "Nous avons calculé que depuis 40 ans, à peu près 2 millions d'enfants ont bénéficié du programme d'éducation musical. Et nous pensons que cela a vraiment changé la vie des gens. Avant, il était compliqué d'avoir un accès à l'art, la culture. Maintenant cela se démocratise. Les gens savent ce que signifie la musique, et pas seulement les enfants, aussi leur frères et soeurs, leur parents, leur voisins. Tout le monde sait quand quelqu'un fait parti d'un orchestre d'El Sistema et c'est une grande source de fierté. Maintenant, leVénézuela est perçu comme un pays d'excellence musicale, et cela a eu beaucoup d'impact sur la société en général. "
Pour afficher ce contenu Youtube, vous devez accepter les cookies Publicité.
Ces cookies permettent à nos partenaires de vous proposer des publicités et des contenus personnalisés en fonction de votre navigation, de votre profil et de vos centres d'intérêt.
Un succès que les gouvernements vénézuéliens successifs ont bien compris et su mettre en valeur. El Sistema est certainement l'une des meilleures vitrines possibles pour un pays à l'économie exsangue, avec l'un des plus haut taux de criminalité au monde, gangréné par la corruption. C'est d'ailleurs l'Etat qui finance intégralement El Sistema : les prêts d'instruments de musique, les repas, les trajets des élèves, etc.
Et c'est précisément ce que certaines voix critiquent. Totalitarisme, instrument de propagande au service du pouvoir, nombre d'enfants inscrits invérifiable... c'est notamment l'avis de la pianiste vénézuélienne Gabriela Montero, par exemple. Un livre du musicologue Geoffrey Baker avait également fait grand bruit. Il y dénonçait un programme social pas tant tourné que ça vers les enfants les plus démunis, mais plutôt ceux de la classe moyenne.
Des accusations qu'Eduardo Mendez nie en bloc. "El Sistema s'est étendu depuis 40 ans et est passé sous 9 gouvernements successifs et pourtant nous sommes toujours là. Bien sûr, nous sommes financés par des fonds publics, mais n'est-ce pas le cas de nombreuses organisations partout dans le monde ? Nous conservons une grande marge de liberté et nous ne délivrons aucun message politique. Nous ne sommes pas au service de la politique mais de l'ensemble de la communauté".
Et la principale ligne de défense d'El Sistema c'est son rayonnement à l'international. Le programme a été reconnu par l'Unesco, plus d'une trentaine de pays ont lancé des opérations similaires, idem en France avec El Sistema France né en 2010. L'association porte le même nom mais n'est pourtant pas affiliée à l'organisation vénézuélienne. Pascale Macheret, la directrice précise que "la direction d'El Sistema nous a dit de nous appeler comme on le souhaitait. Nous avons choisi ce nom parce que la charte d'El Sistema est de loin la plus intéressante. Et cela nous permet de se démarquer de tous les programmes musicaux qui existent en France. Nous sommes un programme social d'éducation à la musique comme El Sistema et nous avons décidé de coller le plus possible à leur charte ".
El Sistema France a débuté son action en Loire-Atlantique avec un programme pilote dans une école accueillant des élèves s'étant fait exclure d'autres établissements. Des enfants qui souvent sont issus de milieux démunis et pour qui l'accès à la pratique de la musique n'est même pas une option. "Il s'agit de leur redonner confiance en eux avec faisant de la musique collectivement" déclare Pascale Macheret. A raison de 10h de musique par semaine pendant toute l'année, les évolutions de certains élèves ont stupéfait la directrice.
"Nous avons principalement remarqué la modification de la relation des enfants entre eux et avec les adultes. Nous avons souvent affaire à des enfants agressifs par protection, des enfants qui ne parviennent pas à se parler, à jouer ensemble. Le fait de les avoir mis tous ensemble dans un orchestre symphonique les a fait progresser ensemble. Ils partaient tous de zéro, ils ont tous progressé au même rythme. Ils ne se sentaient pas nuls, ni inutiles. C'est aussi ca l'effet de la musique. Dès que vous commencez à émettre un son et qu'il est en accord avec celui d'à-côté, cela fonctionne de manière bien plus rapide que les cours de mathématiques ou de français ".
Certains élèves ont également vu leur niveau scolaire progresser mais il faudra encore attendre quelques années pour le programme porte réellement ses fruits. Pour l'instant El Sistema France ne compte sur aucune subvention publique pour fonctionner, cela se fait uniquement grâce à des partenariats avec des fondations et des entreprises. Un nouveau programme sera lancé le mois prochain en Alsace : un choeur d'une cinquantaine d'enfants dont le but est d'accueillir des enfants handicapés.
** Sur le même thème **
L'équipe
- Production
- Production
- Production