Le renouvellement des publics de la musique classique

France Musique
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Depuis 30 ans, l'âge médiandu public de la musique classique ne cesse de reculer atteignant désormais en France 61 ans. C'est ce qui ressort d'une grande étude menée par le sociologue Stéphane Dorin auprès de 5 000 spectateurs lors de 110 concerts donnés par 19 orchestres.

C'est une question qui revient régulièrement : comment attirer de nouveaux publics à la musique classique? Depuis plus de 30 ans, les spectateurs qui vont aux concerts vieillissent, et de plus en plus rapidement ces dernières années. C'est l'une des conclusions de la grande enquête menée par le sociologue Stéphane Dorin, professeur à l'Université de Limoges et dont les conclusions seront présentés lors d'un colloque organisé du 4 au 6 février à Paris en amont du salon Musicora.

Premier constat, en 1981, l'âge médian de ceux qui allaient aux concerts de musique classique était de 36 ans. Plus de 30 ans plus tard, il est donc de 61 ans en France. Et ce sont surtout les moins de 40 ans qui sont les grands absents des salles puisqu'ils ne représentent que 17% de l'audience.

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Deuxième constat, les spectateurs ne sont pas fidèles à un ensemble ou une salle puisqu'à chaque concert, une personne sur quatre vient pour la première fois. Une seule expérience qui se répète rarement et ne permet pas de renouveller le public. Autre fait marquant, l'étude de Stéphane Dorin vient mettre à mal le mythe qui consiste à penser qu'on se met à la musique classique en vieillissant.

Bien au contraire, c'est l'expérience musicale reçue pendant l'enfance qui est bien souvent déterminante dans les habitudes de "consommation" des concerts. Quelqu'un qui aura été élevé aux Beatles ou aux Rolling Stones continuera à écouter ce style de musique après ses 50 ans. Pour appuyer cette tendance, l'étude montre également qu'un spectateur sur deux a reçu une formation musicale dans sa jeunesse, dont un quart dans un conservatoire.

La mixité sociale existe peu également en musique classique. 75% du public a un Bac +3 ou plus et 45% a un Bac + 5 ou plus avec un salaire moyen net de 5 600€ net par ménage. Toutes ces statistiques confortent certains clichés sur le milieu des amateurs de la grande musique mais ils constituent également des pistes pour tenter d'enrayer l'érosion de ce public.

Décloisonner la musique classique

Certaines solutions existent et donnent déjà des résultats. Exemple avec l'Orchestre Lamoureux qui propose une dizaine de concerts par an à Paris, principalement Salle Gaveau. L'ensemble a participé à cette étude et sait maintenant qu'un de leur spectateur sur trois est à la retraite mais heureusement l'âge médian est en train de rajeunir. Et ce, notamment grâce à la Garderie musicale, une initiative adressée aux parents d'enfants âgés de 3 à 6 ans.

Mise en place l'année dernière, elle permet de ne plus se creuser la tête pour savoir que faire de sa progéniture pendant qu'on assiste à un concert. Pour 15€ par enfant - moins cher qu'un baby sitting - l'Orchestre Lamoureux leur propose une visite de la salle, d'assister à la première oeuvre du concert puis de s'adonner à des activités ludiques d'éveil à la musique autour d'un bon goûter.

"L'opération est un succès et nous avons immédiatement vu venir un public qui nous était méconnu : les jeunes parents. Cela nous a d'ailleurs permis de faire baisser l'âge médian de nos spectateurs à 53 ans, contre 61 ans au niveau national " explique Marie de Lombardon, chargée de développement et de communication à l'Orchestre Lamoureux.

Parmi les autres pistes, il faut citer les mini-concerts très en vogue depuis quelques années. Entre trente minutes et une heure de musique proposées souvent à l'heure de déjeuner en semaine ou en début de soirée, à l'heure de la sortie des bureaux. Que ce soit l'Orchestre Lamoureux avec ses Croque-musiques, les auditoriums de Lyon ou de la Maison de la Radio avec leurs concerts Expresso ou encore l'Opéra de Bordeaux et ses midis musicaux, l'initiative fonctionne et attire un nouveau public : les actifs.

Le sacro-saint concert du soir n'est plus forcément celui qui attire. C'est la diversité de l'offre qui permet d'attirer un nouveau public et de le fidéliser. Une diversité qui ne doit pas se contenter d'exister seulement au niveau des horaires mais aussi au niveau de la programmation. Et ça, le théâtre du Chatelet l'a visiblement bien compris puisque selon son directeur tous les voyants sont au vert aujourd'hui. **Jean-Luc Choplin ** milite pour un décloisonnement de la musique classique en assumant un certain éclectisme.

"La musique classique souffre d'être coupée de la vie et réservée à une élite ", estime Jean-Luc Choplin, directeur du Théâtre du Châtelet et partisan du "métissage ". "Elle ne survivra que lorsqu'elle est proposée dans une offre variée, éclectique, intelligente, où on éduque et on ne méprise pas ".

"Quand je programme l'humoriste Florence Foresti, je fais entrer au Châtelet des gens qui n'avaient jamais passé la porte du théâtre ", souligne-t-il. "Et à côté, je propose aussi une comédie musicale de Gershwin et un opéra de Mozart! Il faut faire tomber les murs de Berlin de la diffusion culturelle aujourd'hui ".