Les risques auditifs pour les musiciens d'orchestre

France Musique
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Ecouter la musique au casque ou en boîte de nuit n'est pas le seul facteur de risque auditif, les musiciens d'orchestre peuvent eux aussi en subir les conséquences. Quels sont les moyens de préventions? Invité: Christian Hugonnet, acousticien et fondateur de la Semaine du son.

La semaine du son se tiendra à partir de lundi prochain, du 19 au 25 janvier. Une semaine pour sensibiliser différents publics aux dangers d'une trop forte exposition au bruit et à la musique, dans les casques notamment. Selon une étude, on y apprend que les trois quarts des 15-30 ans ont déjà ressenti des troubles auditifs: acouphènes, perte d'audition, etc.

Mais écouter la musique au casque n'est pas le seul facteur de risque, il y a aussi les musiciens professionnels et notamment les musiciens d'orchestre. Des journées de 5 à 6h de musique avec des instruments pouvant produire jusqu'à 95 décibels. Alors quels sont les risques réels pour les musiciens, quels sont les moyens de prévenir les troubles auditifs ?

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En moyenne, la puissance sonore générée au milieu d'un orchestre peut atteindre 110 db, c'est à dire le même bruit qu'un marteau piqueur situé à 1 m. L'orchestre ne joue pas à la même puissance pendant des heures mais c'est la répétition de ces pics d'importants volumes qui peut provoquer des lésions. Il faut combiner à cela, les différents lieux dans lesquels on joue de la musique.

"Plus les musiciens sont confinés dans des petites fosses d'orchestre, plus les risques sont importants ", explique le Docteur Christian Meyer-Bisch, consultant en audiologie. "Cela dépend aussi du type d'oeuvre qu'on joue. Une durée de 4h20 de Siegfried de Wagner n'aura pas le même impact qu'une petite pièce de Mendelssohn ".

Le Docteur Christian Meyer-Bisch, consultant en audiologie et spécialiste des risques auditifs chez les musiciens d'orchestre. (© Victor Tribot Laspière / France Musique)
Le Docteur Christian Meyer-Bisch, consultant en audiologie et spécialiste des risques auditifs chez les musiciens d'orchestre. (© Victor Tribot Laspière / France Musique)

Les musiciens ne sont pas tous égaux devant les risques précise le spécialiste. "Un premier violon, situé à côté du chef d'orchestre, sera plus protégé qu'un musicien situé juste devant les percussions ou les cuivres. Idem pour un violoncelliste du dernier rang placé juste devant la petite harmonie ".

En moyenne, les musiciens sont exposés à 20h de musique par semaine et c'est sans compter leurs activités annexes. Certaines lésions peuvent donc apparaître : acouphènes, hyperacousie ou traumatisme sonore. C'est-à-dire que le musicien entendra moins bien une partie des fréquences aigues entre 3 et 6 khz, ce qui peut s'avérer très gênant pour continuer à jouer de la musique.

Heureusement, les lésions auditives sont plutôt rares même si certains musiciens souffrent de désagréments épisodiques. Selon une étude finlandaise, 41% de ceux qui jouent en orchestre souffrent d'acouphènes intermittents après les répétitions et 18% après avoir joué seul. Mais les plans de prévention ne sont pas assez suffisant selon Jean-Paul Quenesson, corniste à l'Orchestre National de France. "Cela fait partie des grands non-dits de la profession. Certains de nos collègues âgés de plus de 50 ans commencent à nous faire répéter nos questions parce qu'ils n'ont pas bien entendu. Je pense qu'il n'y a pas assez de prévention faite au sein des orchestres."

Le problème vient du fait que les ensembles instrumentaux jouent de plus en plus fort depuis le 19e siècle. Les salles sont plus grandes et il faut forcer pour les remplir. La facture des instrumentsa aussi son rôle à jouer. Elle s'est améliorée en fonction de la taille des salles afin qu'ils projettent mieux le son. "Il nous est également difficile de contredire le chef d'orchestre ", précise Jean-Paul Quenesson. "Lorsque nous sommes en effectif important pour jouer certaines oeuvres, les chefs ont tendance à nous demander de nous resserer pour avoir une meilleure cohésion au niveau du son mais c'est souvent dommageable pour les tympans ".

Quels moyens de prévention?

Certains musiciens utilisent des bouchons d'oreilles mais peu aiment jouer avec puisqu'il modifient la perception du son de leur instrument et celui de l'orchestre. Il y a aussi les pare-sons, ces plaques en plastique transparent situées derrière la tête de certains musiciens. Ils servent à couper le son provenant des percussions ou des cuivres.

On peut également privilégier l'utilisation des praticables qui permettent d'installer les musiciens à différentes hauteurs mais ils ne sont efficaces que si leur hauteur est supérieure à 30 cm, alors qu'en moyenne ils font une vingtaine de centimètres.

Les musiciens d'orchestre ne sont d'ailleurs pas les seuls concernés. Selon le Docteur Meyer-Bisch, les amateurs ou les étudiants sont aussi exposés au risque puisqu'ils pratiquent généralement leur instrument dans de petites pièces. "Il faudrait faire de la prévention dès le conservatoire, notamment avec les professeurs, pour s'assurer que les jeunes musiciens prennent dès le début des bonnes habitudes ", plaide l'audiologue.

Il est donc déconseillé de jouer dans une petite pièce avec une résonnance trop importante. On peut également mettre des absorbeurs dans les coins de la pièce pour rendre le son plus mat, de nombreux matériaux se trouvent facilement dans le commerce.

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