Quand le public des orchestres en cache un autre

Quand le public des orchestres en cache un autre
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Une grande enquête nationale sur le public des orchestres vient d'être présentée à la Philharmonie. Si elle confirme les tendances d'un spectateur-type plutôt âgé et appartenant à une catégorie sociale aisée, elle démontre aussi une réalité plus complexe et plus diverse.

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Réalisée à la demande de l'Association française des orchestres (AFO) par l'agence Aristat, l'enquête nationale sur les publics des orchestres est une grande nouveauté. Pour la première fois, une étude sociologique et statistique cherche à établir une photographie de l'état des lieux des spectateurs des concerts symphoniques. Pendant la saison 2013-2014, les publics de 13 orchestres permanents ont été sondés lors de 234 concerts. Au total, 11 400 questionnaires ont été analysés ainsi que 125 entretiens individuels, permettant une grande solidité de l'étude statistique.

L'étude dirigée par Xavier Zunigo, sociologue et Loup Wolff, statisticien est surtout une véritable aubaine pour les orchestres français car elle va leur permettre d'avoir des arguments supplémentaires pour défendre leurs activités devant les élus. Trop souvent, les hommes politiques s'appuient sur des idées reçues pour justifier une coupe budgétaire. Combien de fois avons-nous entendu les poncifs suivants ; la musique classique n'intéresse que les vieux, les riches et les gens cultivés...

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L'étude permet pour la première fois de tordre le cou à des idées reçues qui se sont confortablement installées dans de nombreux cerveaux. Notamment l'une des plus répandues : celle du vieillissement du public. Avec un âge moyen de 54 ans pour le spectateur des concerts symphoniques, l'enquête constate en effet ce vieillissement depuis les années 1980, date de la première étude sur les pratiques culturelles des français. Mais contrairement à ce que l'on pourrait penser, il n'y a pas d'accélération du phénomène. La courbe d'évolution suit très nettement celle du vieillissement global de la population française.

Et plus que la question du vieillissement, c'est celle du renouvellement que cette enquête pointe. Près de 20% du public a moins de 30 ans et ont été exclus du calcul, les concerts jeune-public afin de n'observer que l'offre payante standard. Les grands absents des salles de concert sont les 30-49 ans qui ne représentent que 6,3% des spectateurs. Le chiffre s'explique par l'entrée dans la vie familiale et professionnelle réduisant considérablement le temps libre consacré aux loisirs.

Autre découverte importante : la période de la vie où l'on prend gout aux concerts symphoniques. Pour 55% du public, cela se passe dès l'enfance grâce à l'école, aux parents et aux grands parents, à la pratique musicale, etc. et ce n'est pas une grande surprise. En revanche, l'étude nous apprend que 45% du public y a pris goût à l'âge adulte, c'est-à-dire un public qui se met à la musique classique sur le tard, parfois influencé par des proches, par des amis, parfois tout seul. Une donnée qui brise le cliché d'une appétence pour le classique se forgeant exclusivement dès l'enfance.

Encore plus étonnant, 12% des publics ont eu une socialisation secondaire inversée. Ce qui signifie en langage de sociologue que 12% des spectateurs adultes ont découvert la musique classique et y ont pris goût grâce à leurs enfants. On voit là aussi l'intérêt et le rôle des actions éducatives à destination du jeune public. Elles servent à former le public de demain bien sûr mais aussi à séduire leurs parents directement.

Enfin dernier point remarquable de cette enquête : la diversité sociale des publics. Les cadres ne représentent qu'un peu plus de la moitié des spectateurs, l'autre moitié étant composée de professions intermédiaires, d'ouvriers, d'employés, etc. Cette diversité s'accentue encore plus pour les publics des orchestres de région qui sont plus hétérogènes que ceux implantés en milieu urbain.

L'étude met également en lumière un phénomène intéressant. Plus le public d'un orchestre est diversifié, plus son âge moyen sera élevé et vice-versa. Ce qui veut dire qu'il n'est pas évident pour une institution musicale de courir après deux lièvres à la fois : et à la diversification, et le rajeunissement.

L'enquête nous permet d'en apprendre plus sur les raisons qui poussent le public à aller écouter un orchestre. Premièrement, les mélomanes dits "exclusifs", c'est-à-dire ceux qui se déplacent principalement pour les œuvres jouées et pour les artistes présente ne sont pas majoritaires (34%). Les spectateurs viennent avant tout pour partager un moment de plaisir avec des proches ou des amis et pour ressentir l'émotion de la musique. Le lieu est un aspect très important de leur motivation. Pour 40% du public, la salle est un facteur primordial contre 20,5% pour les interprètes et seulement 12% pour l'œuvre jouée, et peu importe les catégories sociales concernées.

Cette enquête procure une bouffée d'oxygène au milieu de la musique classique que certains disent condamnée. Elle montre que toutes les actions culturelles mises en place donnent des résultats. S'il y a encore beaucoup de travail à faire, au moins les orchestres et les salles de concert peuvent regarder l'avenir avec optimisme.

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