

Dernier volet de la saison 2 des Bad boys du jazz, et des bad girls. La première partie leur est consacrée : de l’égrillarde Lucille Bogan à Hociel Thomas, la blueswoman meurtrière. La seconde partie ne peut mener…qu'en enfer.
Une moitié d’émission consacrée aux bad girls, c’est peu, même si plusieurs interprètes féminines sont réparties dans les précédents volets. Mais les sources, notamment les enregistrements, sont moins nombreuses à leur sujet. Néanmoins, elles ne sont pas en reste par rapport à leurs collègues masculins. Comme l’an dernier, la guitariste et chanteuse Memphis Minnie ouvre cette partie et se rachète une conscience. En 2019, elle se disait Bad Luck Woman -femme porte-malheur -, en 2020, elle l’assure : I’m not a bad girl.
C’est l’occasion de faire connaissance avec Lucille Bogan, spécialisée dans le répertoire salace, comme Lil Johnson, présentée l’an dernier. En 1935, Bogan a commis un des disques les plus osés de l’histoire du blues : Shave ‘em dry. Il en existe deux versions, la moins diffusable, rare et retrouvée en 1991, a sûrement été enregistrée à la sauvette et distribuée en dehors des circuits traditionnels. Même en anglais, impossible de retenir ce disque dans l’émission.
Quant à la pianiste et chanteuse Hociel Thomas, seuls les disques gravés avec Louis Armstrong en 1925 et 1926 lui ont permis d’échapper à l’oubli total. N’ayant pas réussi à gérer sa carrière, elle n’est retournée en studio qu’en 1946 pour une séance de moindre envergure. Son nom ne réapparaitra que plus dans les journaux, deux ans plus tard, pour un sordide fait divers.
Délices musicaux et infernaux
Le paradis, c’est bon pour les prêcheurs de gospel. Dans les titres de jazz et de blues, l’enfer, le diable, les démons… reviennent bien plus souvent que les anges et leurs harpes. Beaucoup des musiciens présentés dans ces émissions ont tiré le diable par la queue durant leur vie terrestre.
Certains allaient jusqu’à s’en réclamer. En 1931, Peetie Wheatstraw, bluesman de Saint-Louis, enregistre The devil’s son-in-law (le gendre du diable), un titre dont il fera son surnom, imprimé sur les étiquettes de ses disques. Irrité par cette utilisation de son image, le diable rappelle Wheatstraw à lui de manière brutale une nuit de 1941. Vers 1937, le guitariste Floyd Council enregistre sous le pseudonyme The devil’s father-in-law (le beau-père du diable), clin d’œil à son collègue de Saint-Louis ou volonté de profiter de sa notoriété. La discographie de ce dernier en bien moins fournie.

Le diable s’amuse parfois à mettre des bâtons dans les carrières des musiciens. En 1928, lorsque Sonny Clay et son orchestre, sont chassés d’Australie où ils effectuent une tournée. Une cabale sur fond de drogue et de prostitution mais qui apparaît surtout raciale. En 1959, lorsque Johnny David tente désespérément de profiter du phénomène Gene Vincent et son 45 tours Race with the devil, gros succès discographique. Il a été réédité des dizaines de fois, celui de Johnny David est tombé dans les oubliettes. Les bluesmen et jazzmen ont donné beaucoup de travail à Satan, à tel point qu’il a dû prendre quelques jours de repos. Ironique, Tommy Dorsey a gravé Satan takes a holiday en 1937, morceau tout en finesse avec une partie de batterie confiée à Dave Tough, musicien qui a toujours promené une poisse incroyable.
Programmation musicale
Memphis Minnie
I’m not a bad girl (Lawlar)
Memphis Minnie (voix, guitare), Little Son Joe (guitare)
Okeh

Little Junior Parker "The Chronogical Little Junior Parker 1952-1955"
Bad Whiskey, Bad Women (Toub, Parker)
Little Junior Parker (voix, guitare)
Classics Records

Lucille Bogan "Super Sisters - Independant Women's Blues"
Coffee grindin’ blues (Lucille Bogan)
Lucille Bogan (chant), Georgia Tom (piano), Tampa Red (guitare)
Rosetta

Hociel Thomas
Gambler’s dream (Hersal Thomas) Hociel Thomas (chant, piano), Mutt Carey (trompette)
Okeh

Lee Hazlewood "The Lee Hazlewood Story - 1955-1962"
The girl on death row (Lee Hazlewood)
Lee Hazlewood (voix), Duane Eddy & His Orchestra
Jasmine

Bessie Smith "BD Music Presents Bessie Smith"
Send Me to the ‘lectric Chair ((G. Brooks aka F. Henderson)
Bessie Smith (voix) & Her Blues Boys : Joe Smith (cornet), Charlie Green (trombone), Fletcher Henderson (piano)
BD Music

Mundell Lowe "Blues For a Stripper"
Satan in High Heels (Mundell Lowe)
Mundell Lowe (guitare), Clark Terry (trompette), Joe Newman (trompette), Doc Seversinsen (trompette), James Buffington (cornet), Urbie Green (trombone), George "Buster" Cooper (trombone), Walter Levinsky (saxophone alto), Ray Beckenstein (saxophone alto), Al Klinl (saxophone ténor), Al Cohn (saxophone ténor), Sol Schlinger (saxophone baryton), Eddie Costa (piano, vibraphone), George Duvivier (basse), Ed Shaughnessy (batterie)
Fresh Sound

Fletcher Henderson And His Orchestra
Hotter Than ‘ell (Fletcher Henderson)
Russell Smith (trompette), Irving Randolph (trompette), Henry Allen (trompette), Claude Jones (trombone), Keg Johnson (trombone), Buster Bailey (saxophone), Russell Procope (saxophone), Hilter Jefferson (saxophone ), Benny Carter (saxophone), Ben Webster (saxophone), Fletcher Henderson (piano), Lawrence Lucie (guitare), Elmer James (contrebasse), Walter Johnson (batterie)
Decca

Stellio "Le créateur de la biguine à Paris - Intégrale chronologique 1929-1931"
Mussieu Satan fâché (Stellio)
Alexandre Stellio (clarinette), Archange Saint-Hilaire (trombone), Ernest Léardée (violon, voix), Victor Collat (violoncelle), Jeanne Rosillette (voix)
Frémeaux & Associés

Peetie Wheatstraw "The Blues - Saint-Louis, Chicago, New York 1931-1941"
Peetie Wheatstraw’s Stomp (Peetie Wheatstraw)
Peetie Wheatstraw (voix, piano), Charlie McCoy ? (guitare), non-identifié (basse)
Frémeaux & Associés

Johnny David
Race With the Devil (John McNeill)
DOT

The Mississippi Sheiks
I'm the Devil
The Mississippi Sheiks : Lonnie Chatman (violon), Bo Chatman (guitare, voix)
Bluebird

Sonny Clay & His Orchestra
Devil's Serenade
Sonny Clay (piano), autres membres probables : Ernest Coycault (trompette), W.B. Woodward ou Luther Graven (trombone), Willie McDaniels (batterie). Autres musiciens non-identifiés
Vocalion

Tommy Dorsey "Anthology of Jazz Drumming 1936-1937"
Satan takes a holiday (Larry Clinton)
Tommy Dorsey & his orchestra
Masters of Jazz
