Alors que nous venons d'apprendre la nomination de Nathalie Stutzmann à la tête de l'Atlanta Symphony Orchestra, Christian Merlin nous explique pourquoi les chefs français sont si présents aux Etats-Unis.
On savait que Nathalie Stutzmann, dont la carrière de cheffe a beaucoup décollé ces dernières années, avait la cote aux Etats-Unis car elle a déjà été nommée voici quelques semaines première cheffe invitée de l’Orchestre de Philadelphie, un des big five. Cette fois, elle prend la direction musicale de l’Orchestre Symphonique d’Atlanta, un des meilleurs du pays qui en compte environ 200. Dès la création de son ensemble Orfeo 55, qu’elle a dissous depuis par manque de moyens, on a senti que la grande contralto française avait quelque chose à dire avec une baguette. Elle a achevé de nous convaincre en dirigeant le difficile Mefistofele de Boito aux Chorégies d’Orange, dispositif considérable qu’elle a coordonné de main de maître : elle avait non seulement un bras, mais une technique.
Si sa nomination à Atlanta est un signal fort, c’est à au moins quatre niveaux. D’abord, une fondatrice d’ensemble indépendant spécialisé dans le baroque s’impose dans le monde des grands orchestres symphoniques permanents, souvent méfiants vis-à-vis de ce profil de chef. Ensuite, elle vient compléter la longue liste des chefs français qui triomphent aux Etats-Unis, de Charles Munch à Boston, Pierre Monteux à San Francisco, Paul Paray à Detroit autrefois, à Louis Langrée à Cincinnati, Stéphane Denève à Saint-Louis ou Ludovic Morlot plus près de nous. Troisièmement, elle est une femme, apportant ainsi sa pierre à la féminisation de la profession musicale demeurée la plus masculine, et rejoignant aux Etats-Unis Marin Alsop à Baltimore, JoAnn Falletta à Buffalo ou Eun Sun Kim à l’Opéra de San Francisco.
En 2019, sur les quelque 800 orchestres symphoniques professionnels existant dans le monde, j’avais dénombré 4,3% de directrices musicales, on est passé à 6,4% en 2021 : encore loin du compte, mais le frémissement est réel.
Enfin, c’est une reconversion réussie : se lancer dans une seconde carrière alors qu’on en a déjà mené une au sommet force le respect.
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