Darius Milhaud et le cinéma

Saviez-vous que le Boeuf sur le Toit, l’une si ce n’est la pièce la plus célèbre de Darius Milhaud avait été pensée comme une véritable musique de film ? Lorsqu’en 1919, Darius Milhaud arrange et coud ensemble des airs de salsa, de tango et de fado entendus lors d’un séjour au Brésil il pense à un film imaginaire et surtout à un réalisateur précis. Ce n’est pas à Jean Cocteau qui adaptera cette musique en ballet-pantomime mais à Charlie Chaplin, au jeune Charlot que Darius Milhaud destine sa nouvelle oeuvre sous-titrée « Cinéma-Fantaisie ». Malheureusement, Chaplin n’utilisera jamais la musique de Milhaud, et il faudra attendre encore quelques années pour que le compositeur entre dans le monde du cinéma…

Neuf ans plus tard, en 1928, Darius Milhaud et Arthur Honegger participent à un festival de musique contemporaine organisé à Darmstadt et dont le thème cette année porte justement sur ce le cinéma. C’est à cette occasion que Darius Milhaud compose sa première musique de film avec la partition de La P’tite Lilie d’Alberto Cavalcanti. C’est aussi lors d’une visite à Paul Hindemith, l’organisateur du festival, qu’il découvre une machine sensationnel, le Musikchronometer, un appareil qui permet de synchroniser avec  les images d’un film le déroulement d’une partition et le déclenchement de bruits ou de musique enregistrée. Cet appareil fascine Milhaud qui l’utilisera en 1929 pour mettre en musique des films d’actualités comme ce reportage portant sur des kangourous boxeurs !

Grand cinéphile, Darius Milhaud a composé entre 1928 et 1968 une trentaine de musiques pour des longs métrages, des courts métrages et des documentaires. Elles nous permettent de se rendre compte du talent de dramaturge de Milhaud et du grand respect que ce compositeur nourrissait pour les musiques de film. Prenez la partition du film Cavalcade d’Amour réalisé par Raymond Bernard en 1939. Pour accompagner une scène de joute qui se déroule au Moyen-Âge, de faux instruments un quintette à vent imite le son d'instruments médiévaux et joue une musique où des gammes et des formules archaïques se superposent à des rythmes et des dissonances très modernes.

Darius Milhaud tenait à ses musiques de films et les a souvent arrangés pour qu’elle soit jouées en concert. Ainsi la bande originale de Cavalcade d’Amour devint La Cheminée du Roi René, le lever de rideau du film l’Espoir de Malraux et Beskine se transforma en Cortège Funèbre pour grand orchestre tandis que sa musique pour le Madame Bovary de Jean Renoir fit l’objet d’un cycle de petites pièces pour piano que l’épouse de Marius, Madeleine Milhaud aimait au point de mêler un jour, le temps d'un disque, sa voix au jeu d’Alexandre Tharaud…