La musique comme résistance : Le Dernier piano de Jimmy Keyrouz

A Ramza, ville fictive de Syrie, des notes discrètes de piano tentent de couvrir la rumeur des coups de feu et des bombes. Dans une cave, un pianiste joue une berceuse. C’est un extrait des Scènes d’Enfants, la rêverie de Robert Schumann. Entouré d’autres résistants qui refusent de se soumettre à l’Etat Islamique et à la Charia qui interdit toute référence à l’Occident, Karim rêve lui aussi. Il espère pouvoir vendre ce piano droit pour permettre à son père de faire comme des millions de Syriens : fuir ce pays tant qu’il est encore temps.

C’est ainsi que commence le Dernier Piano. Le nouveau film du réalisateur libanais Jimmy Keyrouz. Il s’agit d’une adaptation d’un court-métrage du même réalisateur, intitulé Nocturne in Black, sorti en 2016, et qui raconte la même histoire vraie que celle du Dernier Piano. Celle d’un jeune pianiste syrien qui tentaient de redonner le sourire à ses voisins en jouant du piano et qui fut découvert par des membres de l’Etat Islamique. l’Histoire ne dit pas ce qu’il est advenu de ce musicien mais dans le film de Keyrouz, Karim, le pianiste incarné par Tarek Yaacoub va tout faire pour tenter de réparer son piano détruit par la milice.

Comme dans Le Pianiste de Polansky qui partage plusieurs points communs avec le Dernier Piano, plusieurs morceaux classiques jalonnent ce film tourné dans sa quasi-intégralité au Liban. La rêverie de Schumann, une sonate de Beethoven ou encore un prélude de Chopin défient la brutalité et se dressent comme autant de symboles de liberté et de paix. Mais ce film nous fait aussi entendre une musique inédite, une bande originale signée Gabriel Yared.

Le rôle de Gabriel Yared est central pour Jimmy Keyrouz. Selon le réalisateur, Yared était le musicien parfait pour ce film car il conjugue à la fois une excellente connaissance des musiques du Moyen-Orient mais aussi de la musique classique. Comme dans Le Patient Anglais, le film pour lequel Gabriel Yared avait reçu l’Oscar de la meilleure musique originale en 1997, la bande originale du Dernier Piano est un pont entre des sonorités occidentales et orientales, entre une musique originale et des pièces classiques.

Pour Jimmy Keyrouz, je cite : « La musique est ce à quoi ressemble un sentiment » et c’est exactement ce qu’exprime la musique de Gabriel Yared. La bande-son traduit ce que Karim traverse tout en montrant une autre facette de lui, intime et personnelle. En outre, elle ajoute des vagues d’émotions aux images en pénétrant les personnages et en transmettant des sentiments comme seule la musique peut le faire. »