La partition du « Molière » d’Ariane Mnouchkine

Quel miracle que ce Molière, ou la vie d'un honnête homme sorti au cinéma en 1978. Grâce à ce film fleuve, l’hommage d’une femme de théâtre au saint-patron des comédiens français, Molière est désormais indissociable du visage de Philippe Caubère. On le voit bouger, grandir dans des décors grandioses. Ariane Mnouchkine a donné à sa vie dont ne sait pas grand-chose, un souffle, un réalisme poétique. Molière ne nous avait jamais semblé aussi humain, aussi proche. Elle lui a donné des sentiments, une voix, mais aussi une musique !

La bande originale de Molière, ou la vie d’un honnête homme a été pensée par un très grand musicien autrichien disparu il y a un mois. Il se nommait René Clemencic, c’était un virtuose des flûtes à bec mais aussi un musicien pionnier du mouvement baroque. Il fut le fondateur de l’ensemble Musica Antiqua en 1958 et surtout du Clemencic Consort en 1968. Un ensemble de musiciens venus du monde entier à qui l’on doit la quasi intégralité de la bande originale du film de Mnouchkine et notamment cet extrait du ballet de l’Impatience composé en 1661 par un collègue musicien de Molière qui n’est autre que Jean-Baptiste Lully !

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, car les films d’aujourd’hui cèdent souvent à cette facilité, le Molière de Mnouchkine ne fait pas appel à un pot-pourri d’œuvres contemporaines ou antérieures à la vie de Molière. Mis à part un air de Jean Japart ou de Lully, la quasi-intégralité des musiques que l’on peut entendre dans ce film ont été composées par René Clemencic lui-même. Ce sont des airs composés dans le style baroque par un spécialiste de cette époque.

Pourtant, malgré la beauté de certains airs comme ce thème de l’amour composé par René Clémencic, la musique que l’on identifie le plus souvent au Molière de Mnouchkine n’a ni été écrite par Clémencic, ni joué par ce Consort.

Cet air, vous l’avez sans doute reconnu, il s’agit de celui chanté par le génie du froid dans le King Arthur de Henry Purcell. Une aria glaçante avec ses accords lancinants et ses notes répétées qui grelotent jouées par l’ensemble du contre-ténor Alfred Deller à savoir le Deller Consort ! Et pourquoi cette musique est aussi marquante dans le film ?  Car elle retentit lorsque la mort frappe la mère de Molière et Molière lui-même, quand le visage en sang il est porté à bout de bras par le peuple, des comédiens et des comédiennes qui scènes après scènes, finiront par le rendre immortel.