Le nouveau « Nouveau Monde » de The Streets

Le premier album solo de l’anglais Mike Skinner, alias The Streets commence ainsi. Avec un accord orchestral qui se répète, auquel s’ajoute une boucle rythmique délicieusement boiteuse et enfin un motif de cordes répétitif dans les aigus. Et je ne sais pas vous mais à chaque fois que j’entends le début d’Original Pirate Material, je ne peux m’empêcher de penser aux cuivres et aux trémolos de cordes dans les aigus qui ouvraient en 1840, l’opéra le Vaisseau Fantôme de Richard Wagner.

Que ce soit chez Wagner en 1840 ou The Streets en 2002, l’objectif est le même. Il s’agit de nous en mettre plein la vue en occupant tout l’espace sonore et en faisant appel à la puissance d’un orchestre. En choisissant une telle introduction, très classique, The Streets donne à son premier album enregistré chez lui avec très peu de moyen une dimension épique. D’ailleurs l’entrée fracassante du jeune Anglais dans l’arène musicale démarre justement par une évocation du péplum Gladiator de Ridley Scott.

Bien que The Streets fasse référence, avec son accent cockney, au film Gladiator de Ridley Scott, les sons de cordes qui accompagnent le texte ne viennent ni de l’ouverture de Richard Wagner, ni de la bande originale de Gladiator. Elles sortent tout droit de l’imaginaire du rappeur et de logiciels de compositions qu’il a utilisés chez lui. En revanche, si vous poursuivez l’écoute de l’album Original Pirate Material, vous tomberez alors nez à nez avec un extrait d'une vraie symphonie.

Avez-vous reconnu d’où vient cette boucle orchestrale, ce sample, c’est-à-dire un très court enregistrement d’un disque préexistant joué en boucle ? Il s’agit de quelques notes de la Neuvième Symphonie d’Anton Dvorak qui accompagne le titre Same Old Thing. Après Serge Gainsbourg et sa chanson Initials B.B, l’anglais, The Streets a lui aussi utilisé un petit extrait du premier mouvement de cette symphonie dite du Nouveau Monde.

Quand il a composé sa dernière symphonie en 1893, Dvorak a voulu rendre compte des impressions que les paysages étasuniens ont eu sur lui. Il a aussi voulu remercier ce grand pays où il vivait alors. Un siècle plus tard, The Streets s'inspire quant à lui de grands rappeurs américains tels que le Wu Tang Clan ou Nas. En revanche, l'Anglais propose quelques chose de nouveau en préférant rapper sur des cordes aux allures classiques plutôt que sur des samples plus attendus de soul, de funk ou de musiques de film.