La rencontre de Yehudi Menuhin et Ravi Shankar

Il a troqué son costume trois pièces pour une chemise blanche à col mao. Assis à même le sol, en position du lotus, Lord Yehudi Menuhin dialogue non pas avec un orchestre ou un piano mais avec un imposant sitar. Celui qui en joue se nomme Ravi Shankar, c’est un Pandhit, c’est-à-dire un maître des arts en Inde. Sur cette photo prise en 1966 au Festival de Bath, en Angleterre, le regard des deux musiciens nous en dit long quant à leur complicité, leur admiration réciproque et leur amitié.

Si cette photographie du duo Shankar et Menuhin est aussi célèbre, c’est parce qu’elle a été utilisée comme pochette pour un album pionnier de crossover musical entre la musique classique européennes et les musiques « dite du monde ». Il s’agit du disque West meets East, la rencontre de l’Ouest et de l’Est sorti en 1967 chez le label EMI. Dans ce disque, Yehudi Menuhin interprète des ragas indiens comme ce Prabhati inaugural composé par Ravi Shankar. Une pièce évoquant le lever du jour et qui s’achève par un duo entre violon solo et tabla, un instrument percussif indien !

Dans ses passionnantes mémoires intitulées « Musique Ma Vie », Ravi Shankar se souvient de la toute première fois qu’il a rencontré Yehudi Menuhin. Ce fut lors d’un récital donné par ce dernier au début des années 1930 à Paris. Après le concert, Georges Enesco a insisté pour que son élève violoniste fasse la rencontre du maître indien.

« Yehudi a pris contact avec la musique indienne ce soir-là » se rappelle Ravi Shankar, « Je n’avais jamais vu un musicien classique occidental  « répondre aussi de manière affective à notre musique, au lieu de s’intéresser seulement à ses aspects techniques. » écrit-il « Cette réaction de Yehudi à notre musique et ma propre réaction à sa personnalité furent le commencement d’une très belle amitié. »

West meets East est probablement la meilleure preuve de l’amitié musicale de Yehudi et Ravi. Deux musiciens curieux de mieux connaître une tradition musicale étrangère en jouant ensemble. D’ailleurs pendant l’enregistrement de ce disque, quelque chose de magique s’est produit. Yehudi Menuhin, l’aîné, l’idole, le héros de Ravi Shankar s’est finalement changé en vinaya, c’est-à-dire en humble étudiant qui considérait Ravi comme son Guru, un maître qui l’a initié à la grande tradition musicale millénaire de l’Inde.