William Sheller : les inspirations classiques d’un Symphoman

Quand il était petit, l’Opéra de Paris et le Théâtre des Champs-Elysées étaient sa cour de récréation. Grâce à son grand-père décorateur et sa grand-mère ouvreuse, il a découvert les Indes Galantes de Rameau, chanté le rôle de l’enfant dans Wozzeck de Berg, s’est pris de passion pour les symphonies de Tchaikovsky, de Beethoven. Il paraît que sa mère lui faisait écouter du Stravinsky quand il était encore dans son ventre. Il parait aussi que c’est après s’être procuré un traité d’harmonie d’Yves Margat que William a plaqué le lycée pour étudier le contrepoint et l’orchestration auprès de cet ancien élève de Gabriel Fauré !

Ce que vous entendez est Lux Aeterna. Sorti en 1972, il s’agit du tout premier album de William Sheller, paru trois ans avant le disque Rock’n’dollars. Composé pour le mariage d’un couple d’ami en 1969, Lux Aeterna est une sorte de messe étrange et ambitieuse. Une oeuvre qui mêle choeur, orchestre, guitare, basse et batterie amplifiées dans la droite ligne de ce que seront les compositions de rock progressif de Pink Floyd ou des Beatles. En 1969, à 23 ans, William Sheller a fait un choix. Il préfère au Grand Prix de Rome et à la musique contemporaine les mélodies plus faciles et accrocheuses de Rubber Soul. Mais contrairement aux Beatles, William Sheller arrangera tous ses titres. Il en a la capacité et surtout il a gardé un amour inaltérable pour les instruments classiques !

Sa chanson Nouveau Monde est la preuve que William Sheller connaît sur le bout des doigts l’Ancien Monde, les marches harmoniques des maîtres du passé qui ont nom Haendel et Corelli, l’argument de l’opéra Madame Butterfly de Puccini qu’il résume en quelques minutes dans sa chanson Le Capitaine. Celui qui évoque Wagner dans Genève, Schubert dans sa chanson noble et sentimentale ou encore Mozart dans Symphoman brille aussi quand il s’agit, exercice redoutable, de composer un quatuor ou un quintette avec piano.

Ses quatuors qu’il surnomme ses chansons à cordes, sa Suite Française, ses symphonies, son Concerto pour Trompette ont été joués par des orchestres et des artistes prestigieux. De Jean-Claude Casadesus à Emmanuel Krivine en passant par Françoise Pollet ou encore le Quatuor Parisi, on ne compte plus les artistes classiques qui ont fait confiance à William Sheller. Ce musicien qui confiait un jour ces mots : « Ce que je fais, c’est du faux classique. Je suis peut-être mégalomane dans mes envies de machins énormes, mais j’ai été formé dans le respect de ces choses-là. Je n’écris pas au dessus de ce que je peux faire. Si en plus, un connaisseur trouve que le contrepoint, là, est plutôt bien foutu, c’est tant mieux. Si ça ne sonne pas bien, je remballe ».