Quand François de Roubaix fait pleuvoir les cordes

Sur ce lamento qui rappelle l’Adagio d’Albinoni, il faut imaginer Lino Ventura et Alain Delon plonger dans les profondeurs de l’Atlantique. A la recherche d’un trésor, ces aventuriers entendent la voix d’une sirène qui a nom Christiane Legrand. L’inflexion si légère qui s’oppose aux accords lourds et sombres de cordes sonne comme une terrible prémonition. Car cette voix est celle d’une disparue, celle de Laetitia qui trouve la mort lors d’une plongée sous-marine, comme François de Roubaix disparu en mer à l’âge de 36 ans.

En seulement dix années et plus d’une centaine de partitions écrites pour la télévision et le cinéma, François de Roubaix a laissé une marque indélébile dans la musique de film. Le premier compositeur à être récompensé par le César de la musique de film avec la partition sublime du Vieux Fusil (1976) se considérait comme un artisan du cinéma. Artisan et artiste, il s’est distingué par la beauté de ses mélodies et ses orchestrations inventives. Je ne me remets toujours pas de la musique des Lèvres Rouges avec cet ostinato de harpe, ce violoncelle plaintif et ces soufflets de cuivres, des morsures parfaites pour accompagner un film de vampire.

Les cordes de François de Roubaix ne sont pas toujours synonymes de requiem ou d’effroi. Elles sont aussi le symbole de la fête et de l’exigence quand elles font des entrées fuguées pour accompagner les castings du directeur d’une compagnie de danse contemporaine nommé Evan Evans alias Louis de Funès dans l’Homme-Orchestre de Serge Korber !

Une partition néoclassique où l’orchestre symphonique se mêle à une batterie énergique. Un mélange des genres qu’affectionnait particulièrement François de Roubaix comme le prouve aussi le thème principal de Dernier Domicile connu, le film de José Giovanni sorti en 1970, la même année que l’Homme-Orchestre.

Les arpèges ascendants et répétés façon prélude de Bach peuvent s’entendre comme l’obstination du commissaire Léonetti joué par Lino Ventura. Une partition qui a été reprise par de nombreux musiciens comme Dr. Dre, Lana Del Rey, Kid Cudi ou encore Robbie Williams avec le titre Supreme. Preuve, s’il en est besoin, de l’intemporalité des partitions François de Roubaix !