

Anne-Charlotte Rémond nous raconte aujourd'hui la genèse du "Poème pour violon et orchestre" d'Ernest Chausson, né de l'amitié indéfectible entre le compositeur et le violoniste Eugène Ysaÿe, dédicataire de l'oeuvre, qu'il a créée à Nancy en 1896.
''Un morceau seul pour "violon et orchestre"... J'y ai songé : ce serait un morceau d'une forme très libre, avec de nombreux passages où le violon jouerait seul."
Lorsqu’Eugène Ysaÿe crée le Poème pour violon de Chausson le 27 décembre 1896 à Nancy, c'est véritablement l'œuvre d'un ami qu'il crée. Ils se connaissent depuis assez longtemps. Ysaÿe a vécu à Paris pour y parfaire ses études, dès l'âge de 17 ans, et il s'y est installé comme musicien à 24 ans, en 1882, après avoir bourlingué un peu en Europe. C'est là qu'il a fait connaissance avec ceux qu'on appelle "la bande à Franck". Il a commencé à entretenir avec eux des liens d'amitié étroite, à tel point que César Franck, son compatriote liégeois, lui a offert pour son mariage la dédicace de sa Sonate pour violon.
Pour afficher ce contenu Youtube, vous devez accepter les cookies Publicité.
Ces cookies permettent à nos partenaires de vous proposer des publicités et des contenus personnalisés en fonction de votre navigation, de votre profil et de vos centres d'intérêt.
Il est difficile d'évoquer l'amitié entre un violoniste et un compositeur, sans imaginer que l'un va demander un concerto à l'autre. Ce que probablement Ysaÿe réclame à Chausson, puisque celui-ci lui écrit en juillet 1893 "Je travaille en ce moment au Roi Arthus : il est impossible que je tarde plus longtemps à terminer ce drame, commencé depuis plusieurs années. Je ne vois donc guère le moyen de penser à un concerto, qui est une bien grosse chose, difficile en diable et si délicate à écrire. Mais… un morceau seul pour "violon et orchestre", cela devient plus possible. J'y ai songé : ce serait un morceau d'une forme très libre, avec de nombreux passages où le violon jouerait seul."

Chausson remet toujours à plus tard la composition de son "morceau pour Ysaÿe" ; en décembre 1895 il promet au violoniste qu'il l'aura dans le courant de l'hiver : "J'espère en faire quelque chose de pas mal", lui écrit-il. Mais en février il lui avoue "Pour le moment, je n'ai rien. Ça viendra. Pour l'hiver prochain…" Et au début du printemps 95 "Je n'oublie pas ton morceau de violon". Enfin il s'y met très vite, et le 29 juin il a terminé. Au début de l'œuvre, il a écrit "Chant de l'amour triomphant", du titre d'une nouvelle d'Ivan Tourgueniev.
A la lecture de la nouvelle de Tourgueniev, on comprend qu'Ernest Chausson, dans son Poème pour violon, n'a pas illustré pas à pas la nouvelle, mais qu'il en a retranscrit à la fois le caractère mystérieux et entêtant, et son esprit passionné, qui se déploie en grands crescendos, en grandes montées de passion et d'exaltation.
Pas de critique ou alors des mentions désobligeantes dans les journaux après la création du Poème de Chausson. Pourtant, les violonistes, eux ne s'y sont pas trompé, et ils se sont rués sur la pièce, qu'ils ont voulu jouer, et qu'ils ont imposée aux chefs et au public. Cela, nous le devons à l'amitié indéfectible entre Eugène Ysaÿe et Ernest Chausson…
Pour afficher ce contenu Youtube, vous devez accepter les cookies Publicité.
Ces cookies permettent à nos partenaires de vous proposer des publicités et des contenus personnalisés en fonction de votre navigation, de votre profil et de vos centres d'intérêt.
Programmation musicale
Ernest Chausson (1855-1899)
Poème pour violon et orchestre (1896)
Nathan Milstein, violon
The Philharmonia Orchestra, direction Anatole Fistoulari
EMI Columbia SAXF 1 029
César Franck (1822-1890)
Sonate pour violon et piano (1886) II. Allegro
Augustin Dumay, violon, Louis Lortie, piano
Onyx 4096
Ernest Chausson (1855-1899)
Concert en ré majeur pour piano, violon et quatuor à cordes (1892) IV. Très animé
Jasha Heifetz, violon
Jesus Maria Sanroma, piano, Quatuor Musical Arts
RCA 09026 61736 2/2
Ernest Chausson (1855-1899)
Poème pour violon et orchestre (1896)
Jasha Heifetz, violon
Orchestre de San Francisco, direction Pierre Monteux
Sony 8884307348207
Ernest Chausson (1855-1899) / Maurice Maeterlinck (1862-1949)
Serres chaudes op 24 (1896) Serre chaude
Catherine Trottmann, mezzo-soprano, Eloïse Bella Kohn, piano
(Enregistrement France Musique, Paris 10 décembre 2016)
Ernest Chausson (1855-1899)
Poème pour violon et orchestre (1896)
David Oistrakh, violon
Orchestre de Boston, direction Charles Munch
RCA GD 60683
Ernest Chausson (1855-1899)
Poème pour violon et orchestre (1896)
Gidon Kremer, violon
Grand Orchestre Symphonique de la RTBF, direction Daniel Stenefeld
(Enregistré en 1967, au Concours Reine Elisabeth de Belgique, ex-Concours Ysaÿe)
Muso MU018
L'équipe

