Le 3 avril 1913, le public parisien du Théâtre des Arts applaudit la création du ballet d’Albert Roussel, ''Le Festin de l’araignée''. Dans Musicopolis, Anne-Charlotte Rémond observe à la loupe la genèse de cette œuvre adaptée des ''Souvenirs entomologiques'' de Jean-Henri Fabre.
"On dirait une adaptation au théâtre des très poétiques œuvres de l'entomologiste Fabre… Et c'est fort émouvant : comme tout ce qui, comblant l'ouïe et la vue, induit à penser ; c'est fort émouvant, surtout, par le fait de M. Albert Roussel qui a composé, pour la plus neuve gloire de l'Insecte, un véritable petit chef-d'oeuvre." Article paru dans Gil Blas le 4 avril 1913 (extrait)
Voici à peine 3 saisons que Jacques Rouché a pris la direction du Théâtre des Arts. En janvier 1912, on a pu voir chez lui un ballet commandé à Maurice Ravel autour de Ma Mère l'Oye. Après le beau succès obtenu, Rouché a cette fois-ci demandé à Albert Roussel de s'y mettre à son tour.
Pour composer son ballet, Roussel commence par se plonger dans les Souvenirs entomologiques de Jean-Henri Fabre ; il demande à son librettiste de changer un peu le scénario, et le 27 novembre 1912, il peut écrire à Jacques Rouché : "Cher Monsieur, Je reçois ce matin de M. Gilbert de Voisins le livret du Festin de l'araignée. Il me semble un peu plus long, mais plus amusant que le projet primitif. Je vais m'y mettre de suite et j'espère bien être prêt pour la fin de février."
Dans l'élaboration du Festin de l'Araignée, Roussel a lui-même choisi à quels personnages il consacrait les danses principales. Il distingue également les rôles tournés davantage vers la danse ou vers la pantomime. "En dehors de l'araignée, écrit-il à Rouché, qui est à la fois un rôle de mime et un rôle de danseur (ou de danseuse), il y a deux sujets principaux, l'éphémère et le papillon dont les danses sont assez développées. Les vers de fruit s'accommoderaient parfaitement de clowns dans le genre des fils Footitt. Les mantes sont des rôles de mimes ; les bousiers et les fourmis ne demandent pas des qualités bien spéciales."
"Je ne sais, écrit Roussel, si le talent de Mme Sahary-Djély pourra trouver à s'employer dans ce ballet. Peut-être l'araignée ou l'éphémère lui conviendraient-ils ? Ce serait à voir avec elle et Dethomas (le décorateur) qui a probablement ses idées très arrêtées au point de vue costumes. Si je ne me trompe, la plastique de Mme Sahary-Djely s'accommoderait assez bien du rôle de l'éphémère qui doit, d'après les indications du livret, danser dans un costume assez sommaire."
Le 2 février 1913, Roussel a terminé son ballet. C'est Léo Staats, maître de ballet à l'Opéra, et directeur artistique du Théâtre des Arts qui doit faire la chorégraphie.
''Si elle consentait à se rendre laide, ridicule et un peu effrayante, pourquoi ne danserait-elle pas l'araignée ?''
Les rôles ne sont pas encore distribués, mais Roussel participe à la discussion. Nouvelle lettre à Jacques Rouché. "Je reçois à l'instant, un mot du librettiste qui me dit à propos de Sahary-Djély : "Si elle consentait à se rendre laide, ridicule et un peu effrayante, pourquoi ne danserait-elle pas l'araignée ? Sa taille serait plutôt un avantage." L'idée me paraît bonne (poursuit Roussel) et je tiens à vous en faire part, mais il est douteux qu'une jolie femme consente à s'enlaidir. Il faudrait en tout cas qu'elle puisse voir Dethomas et causer avec lui de son costume."
La danseuse Henriette Sahary-Djély est qualifiée par certains critiques de "danseuse tragique", ce qui est dû sans doute à son pouvoir expressif très important. Et quoiqu'il en soit, son physique les épate tous.
''C'est une danseuse, une mime et une contorsionniste… mais si proche qu'elle puisse être de l'Araignée qu'elle figure, elle demeure conforme à la beauté''
"Cette artiste — une véritable artiste — est un prodigieux spectacle écrit Georges Pioch dans le Gil Blas. C'est une danseuse, une mime et une contorsionniste ; mais si proche qu'elle puisse être, par certains de ses mouvements, de l'Araignée qu'elle figure, elle demeure conforme à la beauté. La vie physique a en elle des façons de miracle. Et on découvre vite que Mlle Sahary-Djéli est intelligente et volontaire. Et ses yeux éclatent d'une énergique lucidité."
Programmation musicale
Albert Roussel (1869-1937)
Le Festin de l'Araignée (1912-13) Prélude - Un jardin. L'araignée est dans sa toile. Elle surveille les alentours
Orchestre National de l'ORTF, direction Jean Martinon
Erato 0190295489168/4
Albert Roussel (1869-1937)
Le Festin de l'Araignée (1912-13) Entrée des fourmis
Orchestre National de l'ORTF, direction Jean Martinon
Erato 0190295489168/4
Albert Roussel (1869-1937)
Le Festin de l'Araignée (1912-13) Entrée des bousiers - Retour des fourmis
Orchestre National de l'ORTF, direction Jean Martinon
Erato 0190295489168/4
Albert Roussel (1869-1937)
Le Festin de l'Araignée (1912-13) Danse du papillon
Orchestre National de l'ORTF, direction Jean Martinon
Erato 0190295489168/4
Albert Roussel (1869-1937)
Le Festin de l'Araignée (1912-13) Eclosion de l'éphémère
Orchestre National de l'ORTF, direction Jean Martinon
Erato 0190295489168/4
Albert Roussel (1869-1937)
Le Festin de l'Araignée (1912-13) Entrée des vers de fruit Entrée guerrière de deux mantes religieuses - Ronde des fourmis Les mantes se provoquent en combat singulier
Orchestre National de l'ORTF, direction Jean Martinon
Erato 0190295489168/4
Albert Roussel (1869-1937)
Le Festin de l'Araignée (1912-13) Eclosion de l'éphémère
Orchestre National de l'ORTF, direction Jean Martinon
Erato 0190295489168/4
Albert Roussel (1869-1937)
Le Festin de l'Araignée (1912-13) Danse de l'araignée
Orchestre National de l'ORTF, direction Jean Martinon
Erato 0190295489168/4
Albert Roussel (1869-1937)
Le Festin de l'Araignée (1912-13) L'araignée s'apprête à commencer son festin
Orchestre National de l'ORTF, direction Jean Martinon
Erato 0190295489168/4
Albert Roussel (1869-1937)
Le Festin de l'Araignée (1912-13) Funérailles de l'éphémère - La nuit tombe sur le jardin solitaire
Orchestre National de l'ORTF, direction Jean Martinon
Erato 0190295489168/4
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