
Entre les premières idées pour l'opéra remontant à 1880 et sa première en 1892 à Vienne, 12 ans de revirements, de refus et de rebondissements se sont écoulés. Suivons la genèse houleuse de Werther de Jules Massenet via les nombreux comptes-rendus des journaux de l'époque.
Une genèse longue
Massenet doit d'abord composer avec plusieurs versions du livret qui s'étaleront sur 5 ans. La composition proprement dite prendra du retard à cause d'un travail d'orchestration, tandis que le directeur de l'Opéra-Comique refuse de monter un opéra qu'il juge "trop triste". Ce n'est là qu'un aperçu des péripéties que devra affronter Massenet avant sa première viennoise en 1892. Ce sera heureusement un triomphe.
Programmation musicale
Jules Massenet (1842-1912) Werther (1885-87) Acte I. Prélude
Orchestre Philharmonique de Londres, direction Michel Plasson
EMI 7695732
Jules Massenet (1842-1912) Werther (1885-87) Acte I. "Assez ! Assez !"
Jean-Marie Frémeau (le Bailli), Maîtrise et Orchestre de L'Opéra National de Lyon, direction Kent Nagano
Erato 0630-17790-2
Jules Massenet (1842-1912) Werther (1885-87) Acte I. Air de Werther "Alors, c'est bien ici la maison du Bailli"
Jerry Hadley (Werther), Orchestre de L'Opéra National de Lyon, direction Kent Nagano
Erato 0630-17790-2
Jules Massenet (1842-1912) Werther (1885-87) Acte I. Duo de Charlotte et Werther "Il faut nous séparer"
Anne Sofie von Otter (Charlotte), Jerry Hadley (Werther), Orchestre de L'Opéra National de Lyon, direction Kent Nagano
Erato 0630-17790-2
Jules Massenet (1842-1912) Werther (1885-87) Acte I. Duo de Charlotte et Werther "Mais vous ne savez rien de moi"
Anne Sofie von Otter (Charlotte), Jerry Hadley (Werther), Orchestre de L'Opéra National de Lyon, direction Kent Nagano
Erato 0630-17790-2
Jules Massenet (1842-1912) Werther (1885-87) Acte I. Duo de Charlotte et Werther "Rêve, extase, bonheur"
Jerry Hadley (Werther), Anne Sofie von Otter (Charlotte), Orchestre de L'Opéra National de Lyon, direction Kent Nagano
Erato 0630-17790-2
Jules Massenet (1842-1912) Werther (1885-87) Acte II. Duo de Johann et Schmidt "Vivat Bacchus"
Frédéric Caton (Johann), Gilles Ragon (Schmidt), Orchestre de L'Opéra National de Lyon, direction Kent Nagano
Erato 0630-17790-2
Jules Massenet (1842-1912) Werther (1885-87) Acte II. Air de Sophie "Frère, voyez, Voyez le beau bouquet"
Patricia Petibon (Sophie), Orchestre Symphonique de Londres, direction Antonio Pappano
EMI 5568202
Jules Massenet (1842-1912) Werther (1885-87) Acte III. Air de Charlotte "Va laisse couler mes larmes"
Gaelle Arquez (Charlotte), Orchestre National Bordeaux-Aquitaine, direction Paul Daniel
DGG 4816425
Jules Massenet (1842-1912) Werther (1885-87) Acte III. Air de Werther "Pourquoi me réveiller"
Ernest Van Dyck (Werther), avec accompagnement de piano (enregistré en 1903)
EMI 5858282
Jules Massenet (1842-1912) Werther (1885-87) Acte IV. Duo Charlotte Werther "Ah ses yeux se ferment"
Roberto Alagna (Werther), Angela Gheorghiu (Charlotte), Orchestre Symphonique de Londres, direction Antonio Pappano
EMI 5568202
Ne manquez pas Werther en version de concert : https://www.francetvpro.fr/contenu-de-presse/8697949
Extraits des journaux
Le Gaulois 29 décembre 1892
LA LÉGENDE DE «WERTHER»
Werther était prêt à passer à l'Opéra-Comique. Les rôles étaient sus, les décors équipés, les costumes essayés, la répétition générale imminente. Tout à coup, M. Massenet se dit qu'il serait peut-être opportun de changer de ténor. Et il changea de ténor. Les études recommencèrent. Bientôt, le nouveau ténor fut en possession de son rôle et rien ne s'opposait plus à la représentation de la pièce, lorsque M. Massenet crut bon de changer.de baryton. Et il changea de baryton. On se remit au travail avec ardeur. Au bout de quelque temps, on croyait n'avoir plus qu'à frapper les trois coups mais M. Massenet eut l'idée de changer de basse chantante. Et il changea de basse chantante. Cela occasionna un léger retard. Cependant, il vint un jour où la basse chantante se déclara prête à paraître devant le public. Ce fut à cette époque que M. Massenet prit le parti de changer de première chanteuse. Et il changea de première chanteuse. Ce n'était pas fini.
Quand M. Massenet eut successivement changé tous ses interprètes, il s'attaqua à l'orchestre, changeant tour à tour les violons, les altos, les violoncelles, les pistons, les clarinettes, les flûtes et même la grosse caisse. Puis il demanda qu'on changeât le directeur; ce qui fut fait.. Alors, il eut envie de changer de théâtre et, sans hésiter, il promena son Werther dans tous les établissements artistiques de la capitale, depuis l'Opéra jusqu'à l'Eldorado, en passant par le Grand-Théâtre et celui de Déjazet. Puis il fit changer les vers du librettiste. Puis il changea une à une toutes les notes de sa partition. Et, ne voyant plus rien à changer, il permit enfin que son œuvre fût livrée aux amateurs dont l'anxiété serait difficile à décrire. Enfin, le grand jour arriva.
Déjà la foule avait envahi le théâtre. Les journalistes étaient à leur place, les gens du monde de même, les ministres aussi. Un grand silence précédait l'audition de cet ouvrage si attendu depuis trente-sept ans. M. Danbé fils leva alors son bâton de chef d'orchestre. Dans un instant, les premières notes de l'introduction allaient se faire entendre. Il n'y avait plus à y revenir, on allait connaître Werther ! Mais à ce moment, M. Massenet s'élança, pâle, éperdu, et, d'une voix tonnante, s'écria : Attendez il faut encore que je change de chemise !
De M. L. Kerst, Le Petit Journal 17 janvier 1893
Il est impossible, si l'on possède seulement quoique sentiment d'art, de ne pas subir l'enveloppement de tout soi qui se dégage de la musique de Werther. C'est une de mes meilleures soirées du théâtre, et je suis aise d'en envoyer, par la grande voix du Petit Journal, mes reconnaissants mercis.
De M. Charles Darcours, du Figaro
Nous aurions voulu entrer dans le détail d'une parution qui fourmille d'inspirations heureuses, d'envolées superbes, et dont la haute conception se développe avec des éléments d'une puissance inconnue jusqu'à ce jour dans l'œuvre de M. Massenet.
De M. A. Montel, du Voltaire
Telle est donc cette œuvre si impatiemment attendue. Elle est digne de la plus respectueuse estime. M. Garyatro l'a mise en scène luxueusement et lui a donné une interprétation de premier choix.
De l'Evénement
Le public a accueilli avec faveur cette œuvre que la misère de notre organisation artistique avait contraint M. Massenet de la faire d’abord représenter à Vienne. Il a fêté le retour à la scène française d'un des maîtres de la musique contemporaine.
De M. Ginisty, du Petit Parisien
Cette partition, en résumé, a surtout de la puissance, on y retrouve la sûreté de main, la richesse d'harmonie et la chaude coloration qui sont propres à M. Massenet. C'est une œuvre de sentiment et d'émotion.
De M. A. Biquet, du Radical
Werther a obtenu un beau succès ; plusieurs pages de la partition ont été redemandées par toute la salle, et le nom du compositeur a été acclamé.
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