Nos smartphones deviennent-ils des instruments de musique ?

L'orchestre national des jeunes aux Etats-Unis en pleine performance au Carnegie Hall
L'orchestre national des jeunes aux Etats-Unis en pleine performance au Carnegie Hall ©Getty - 	Hiroyuki Ito
L'orchestre national des jeunes aux Etats-Unis en pleine performance au Carnegie Hall ©Getty - Hiroyuki Ito
L'orchestre national des jeunes aux Etats-Unis en pleine performance au Carnegie Hall ©Getty - Hiroyuki Ito
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Le téléphone portable est de plus en plus appréhendé comme un instrument de musique et intègre l’univers symphonique. L’Orchestre national de Lille donnera très bientôt un « concert smartphone », le 20 janvier, sous la baguette d’Alexandre Bloch. Un exemple parmi d'autres.

Le 20 janvier prochain, l'Orchestre national de Lille donnera un concert « smartphone » très particulier. Quelques jours avant le concert, les spectateurs peuvent télécharger une application baptisée Smartphony sur iPhone ou Androïd, qui permettra de jouer au chef d’orchestre, le temps d’un concert. Lorsqu’il viendra écouter les 80 musiciens interpréter Le Sacre du printemps de Stravinsky, le public sera, pour une fois, prié de ne pas éteindre son téléphone. Il pourra diriger l’Orchestre depuis son portable en influençant les tempi et les nuances… Le maestro tiendra compte des requêtes des spectateurs : toutes les données lui seront transmises sur un pupitre numérique.

Les nouvelles technologies sont le cheval de bataille de l’Orchestre national de Lille, depuis l’arrivée de son nouveau chef, la saison dernière. Alexandre Bloch se revendique comme un chef connecté, voire carrément geek. La phalange a noué un partenariat de trois ans avec la startup Waigéo, qui a développé son application, et prévoit de réaliser, chaque année, un projet associant musique et numérique.

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L'orchestre lillois n'est pas le premier à tenter l'expérience, mais presque. C’est en fait l’Orchestre de Picardie qui a été pionnier, avec un projet réalisé en partenariat avec le Grame, centre national de création musicale situé à Lyon. Cette fois, il s’agissait d’intégrer le smartphone dans l’orchestre et de mêler les sons du téléphone portable à ceux des cordes et des cuivres.

L’année dernière, un chœur de 20 lycéens « smartphonistes » a ainsi participé, aux côtés de l’orchestre, à la création de Geek Bagatelles du compositeur Bernard Cavanna, à la Philharmonie de Paris, dont voici un extrait :

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On reconnait quelques bribes de la 9e symphonie de Beethoven, dont la partition est inspirée. L’Orchestre de Picardie a fait développer une application au Grame et chaque smartphoniste était équipé d’un téléphone dans lequel étaient enregistrées plusieurs bande-sons. Chaque téléphone était relié à une enceinte et les smartphones agissaient en opposition à l’orchestre ou s’intégraient en proposant des sonorités nouvelles. Pour le faire sonner, les smartphonistes le penchaient à l’horizontale ou à la verticale en suivant le chef. Il y avait même un smartphone solo !

D’autres applications permettent de transformer les smartphones en instruments de musique. Après le Grame de Lyon, l’Ircam, à Paris, est bien évidemment très actif sur le sujet. L’institut de recherche a développé un dispositif appelé Mogees, qui, une fois connecté à un smartphone, transforme n’importe quelle surface en instrument de musique à reconnaissance gestuelle, grâce à un capteur de mouvement.

Au-delà de l’anecdote et de la dimension un petit peu marketing des « concerts smartphone », transformer nos téléphones portables en instruments permet, déjà, d’ouvrir les portes de l’orchestre et d’inciter les novices à venir écouter un concert symphonique, découvrir une œuvre du grand répertoire en s’amusant.

Mais de telles initiatives sont également avant-gardistes et pertinentes pour la musique contemporaine. Les nouvelles interfaces artistiques permises par le numérique, comme nos smartphones, démultiplient les possibilités d'expression musicale. Les potentialités sonores sont infinies, mais leurs modalités de contrôle expressif plus limitées qu'avec les instruments acoustiques. Le numérique s’impose bien en complément et non en opposition aux instruments traditionnels.

Ce qui compte, finalement, en faisant ainsi participer le public, c’est la prise de conscience du geste instrumental et l’acquisition, le temps d’un concert, de premières notions musicales. Ainsi impliqué dans l’œuvre, grâce à son téléphone, le spectateur développe une écoute active, il comprend mieux le travail du chef d’orchestre et des musiciens.

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