France Musique rend hommage à Charles Aznavour, avec les archives de l’INA. On retrouve l’artiste sur scène dans un extrait d’un récital enregistré à l’Olympia en 1965, et au micro de Luc Bérimont, en 1956, dans une interview très riche, où il évoque son enfance, ses débuts, et sa vie d'artiste.
Pour écrire des chansons d'amour, je me mets dans la peau d'une personne amoureuse, je travaille devant la glace, je regarde mes attitudes...et j'écris immédiatement..."
Charles Aznavour ( La Parole est à la nuit, 1956)
Charles Aznavour sur la scène de l'Olympia (Extrait - INA 23 janvier 1965)
L'amour c'est comme un jour
Tu exagères
Et pourtant
Isabelle
C'est fini
Si tu m'emportes
Qui ?
Bon anniversaire
Je ne crois pas
Il te suffisait
Je te réchaufferai
A ma fille
La Mama
"La parole est à la nuit", Luc Bérimont reçoit Charles Aznavour (INA 1956)
Une demi-heure d'entretien où Charles Aznavour évoque son enfance, ses débuts, son rapport à la musique et à la chanson...
Extraits :
Je vivais entre la contrebasse, le cymbalum et les violons
« Je suis né à Paris, dans un milieu de « commerçants-artistes », mes parents étaient artistes en Arménie dans leur pays, et comme la langue ne leur permettait pas de continuer leur métier en France, ils ont ouvert des restaurants. Mon père s’est ruiné à faire venir de pays étrangers des orchestres qui lui plaisait à lui. Dans un tout petit restaurant de la rue de la Huchette, qui est devenu le Théâtre de la Huchette, il avait fait venir un orchestre de neuf musiciens hongrois, il y avait des danseurs, et on ne pouvait pas mettre de tables, car ce n’était pas un cabaret. Je voulais danser à l’époque et j’apprenais à danser avec ces Hongrois qui étaient là. Chose bizarre, ils m’apprenaient à danser la danse russe. J’avais 7 ou 8 ans .../… Je servais les clients à table, ça m’amusait beaucoup et ça me faisait quelques pourboires, ce qui me permettait d’acheter des disques, j’avais une très belle collection de disques, je vivais entre la contrebasse, le cymbalum et les violons…Mon père a eu cette grande chance pour moi d’être ruiné un jour, je dis cette grand chance, car sans cela, je n’aurais jamais fait ce métier, j’aurais été restaurateur…Nous avons été nous installer rue du Cardinal Lemoine, et en face, il y avait l’Ecole du spectacle…et c’est là que j’ai décroché mon premier rôle dans une pièce, « Emile et les détectives », qui s’est joué à la Comédie des Champs Elysées. »
Je n'avais qu’une idée en tête, c’était de chanter !
« Je n'avais qu’une idée en tête, c’était de chanter ! J’allais simplement dans les maisons de disques, et tout mon argent de poche y passait. En 1939, au Casino de Paris, j’ai dû aller au promenoir un mois de suite, toutes mes économies sont passées à aller voir Chevalier dans une revue où il y avait Joséphine Baker et Nita Raya... /...J’étais uniquement musette à l’époque, j’insiste bien là-dessus, je ne connaissais que l’accordéon, la guitare et puis la batterie qu’on jour avec beaucoup de roulements. J’ai rencontré Pierre Roche, qui lui avait horreur du musette, et moi le jazz, je ne savais pas ce que c’était. Il m’a initié au rythme, et moi, je l’ai initié au musette, il m’a appris à ne plus mettre des pantalons à larges pattes en bas, à ne pas avoir des rouflaquettes, à enlever ma casquette, à me couper les cheveux, et à ne pas parler argot, car je parlais uniquement argot, j’ai été élevé uniquement dans la rue, où je passais mon temps. J’avais aussi une grande passion, j’étais enfant de chœur à la Paroisse St Séverin. Avant d’aller à l’école, j’allais faire la messe, j’étais vraiment très heureux. »
Quand j’écoute de la musique symphonique, j’ai l’impression d’être un corps mort, baigné de notes
« Une belle chanson m’amène un très grand plaisir, une sérénité que je recherche, et je ne la trouve que dans la chanson. La grande, grand joie, je ne la trouve que dans la chanson. La musique symphonique me donne autre chose, j’ai l’impression de ne plus exister quand j’écoute de la musique symphonique, j’ai l’impression d’être un corps mort, baigné de notes. Je ne peux pas écouter Bach debout, faut que je me couche. C’est un grand bain, j’ai l’impression de toucher quelque chose d’intouchable et d’être le seul à le toucher de cette manière. J’adore Bach, c’est le premier pour moi, j’aime beaucoup Beethoven, et quand j’ai envie d’en prendre un grand coup sur la tête, j’écoute Wagner, j’ai l’impression de voir des grandes colonnes, des monuments immenses et imposants, je ne sais pas pourquoi ça me rappelle la Grèce où je n’ai jamais été. Wagner, fait grec, je ne pourrais pas dire pourquoi. Comme lorsque je lis un livre, il faut qu’il me donne quelque chose, il y a des tas de gens que je ne peux pas lire. Je lis très peu d’ailleurs, car si je lis beaucoup, je ne peux plus écrire, je trouve une perfection qu’on ne trouvera jamais dans la chanson et ça m’ennuie…la chanson me semble vaine… »
« Lorsque j’écris des chansons d’amour, je me mets dans l’ambiance. Je me mets dans la peau d’une personne qui serait amoureuse ou jalouse. Je travaille énormément devant ma glace, j’ai besoin presque de me faire pleurer pour dire des choses tristes, il y a un côté un peu Guignol de la chose, je suis une sorte de clown qui va de glace en glace, je me promène chez moi en regardant dans les glaces, je regarde mes attitudes, et quand je me suis vraiment mis dans le bain, j’ai les larmes aux yeux, et là, j’ai l’impression que la chanson est faite ! Je dispose des feuilles de papier un peu partout dans la pièce, sur le piano, sur la table, sur la chaise…/…et à ce moment-là, il faut que j’écrive immédiatement ! »
« J’ai voulu être chanteur, de toutes mes forces, et j’ai réussi à l’être, mais dès le moment où j’ai eu ce que je voulais, je me suis rendu compte que j’avais cherché ce que j’aimais le moins des deux. J’étais prêt à abandonner l’écriture pour chanter, et lorsque j’ai réussi à chanter, je me suis rendu compte que sans écrire, j’aurais moins bien vécu que sans chanter…/… J’avais confiance, je savais que ça marcherait, il y a deux choses dont je suis sûr, j’ai l’impression que je ne mourrai jamais et j’étais sûr que ça marcherait…»
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