L'Azawan, la musique des griots de Mauritanie. Reportage réalisé à l'occasion du colloque organisé par l'Institut Français de Nouakchott sur l'Azawan "hommage à Michel Guignard".
Colloque "Autour de la Musique Maures", à l'Institut Français de Nouakchott :
À l’occasion de la parution de la traduction en arabe de l’ouvrage de Michel Guignard Musique, honneur et plaisir au Sahara, l’Institut français de Mauritanie (IFM) et le Centre de Recherche et d’Etude sur l’Ouest Saharien (CEROS) s’associent pour organiser – en partenariat avec le Ministère de la Culture et l’Université de Nouakchott Al Aasriya – un colloque sur la notion d’azawan.
L’azawan, la musique des griots maures est une musique “savante“ en ce que le musicien dispose d’un cadre explicite et élaboré à l’intérieur duquel il peut créer de nouvelles pièces. C’est un système original : il s’agit d’une musique foncièrement modale, mais qui diffère des nombreuses musiques modales savantes traditionnelles, maghrébines et orientales, sur beaucoup de points. Par la multiplicité de ses structures musicales, le système offre au musicien toute une gamme de possibilités pour choisir le mode et la forme les plus adaptés aux différents thèmes évoqués par les chants.
L’azawan a été le fruit original d’influences diverses : la société maure a profité des contacts intimes qu’elle a eus avec des cultures variées de la région sud saharienne occidentale, puis avec celle des bédouins arabes qui se sont approprié l’ensemble musical qu’ils ont trouvé en arrivant. Ils y ont imposé leur langue et ont vigoureusement contribué à son développement. L’originalité de cet ensemble est de ne pas avoir laissé l’une de ces musiques s’imposer de façon exclusive, mais de les avoir intégrées au sein d’un système singulier.
Dans un premier temps, azawan ne connut que peu d’innovations. Au moment où Michel Guignard entreprenait ses premières recherches sur l’azawan, la structure sociale, économique et culturelle des maures n’avait pas été fortement bouleversée par la colonisation et restait foncièrement nomade. Nouakchott, la capitale, se réduisait à quelques bâtiments. Le pays connaissait une décennie de pluies régulières qui permit aux activités traditionnelles de se dérouler conformément à la tradition. Au contraire, dans les années qui suivent, la Mauritanie accumula des difficultés qui eurent des conséquences considérables et souvent irréversibles.
Une sècheresse extrême s’abattit sur le pays pendant plusieurs années et extermina les troupeaux. Elle obligea les populations à rejoindre les axes pour y chercher des secours. La capitale, Nouakchott, vit sa population croître de façon impressionnante. L’urbanisation et la disparition progressive des grands campements de chefferie entraînèrent l’installation des griots dans les agglomérations, dans des habitations urbaines où leurs relations avec leurs auditeurs habituels perdirent peu-a-peu le caractère d’extrême familiarité et de connivence caractéristique de la culture nomade.
Par ailleurs, dès les années 1960 – et avec une nette accélération à partir des années 1980 – l’introduction de nouveaux instruments, les bouleversements politiques et sociaux assortis aux exigences grandissantes d’un contexte international omniprésent ont progressivement et durablement modifié les pratiques de l’azawan.
Autour d’une approche scientifique pluridisciplinaire complétée par des éclairages apportés par des musiciennes et musiciens professionnels, ce colloque se propose de questionner les fondements théoriques de la musique traditionnelle maure, comme support pour une réflexion sur les enjeux et perspectives contemporaines de sa pratique.
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Présentation de Michel Guignard :
Michel Guignard a suivi un parcours atypique. Polytechnicien, il est aussi diplômé en psychosociologie, discipline qu’il a pratiquée pendant plusieurs années dans les structures de formation de l’Armée de Terre française. Mais c’est à la Mauritanie qu’il a consacré l’essentiel de ses recherches. Au total, un séjour de deux ans et demi comme officier dans le nord du pays (1962-1965), quatre mois de nomadisation individuelle (1965), deux missions du CNRS avec l’anthropologue française Germaine Tillion (1966 et 1967), un séjour d’un an à Nouakchott (1972-1973) et de nombreuses missions plus courtes, lui ont permis d’approfondir sa connaissance du pays où il s’est régulièrement rendu jusqu’à sa maladie et son décès.
Toutes ces pérégrinations lui ont permis de rencontrer de nombreux griots, iggâwen, musiciens professionnels maures de statut héréditaire. Il fut rapidement et définitivement séduit par la beauté et l’originalité de leur art, ainsi que par la manière, conviviale et interactive, dont se déroulaient les séances de musique sous la tente. Elles lui permirent également de voir de près la structure sociale des maures dans toute sa complexité, notamment dans les grands campements de chefferie où tous les éléments de la société étaient représentés. Il put alors étudier de plus près la place particulière que les iggawen occupent dans la société et se concentrer sur l’étude méthodique de leur musique. Germaine Tillion l’incita à poursuivre ses premières investigations dans le cadre d’un doctorat à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes où elle animait un séminaire. Il en résulta en 1975 la première édition d’un ouvrage sur la question qu’il nomma Musique, honneur et plaisir au Sahara. Une deuxième édition enrichie grâce à une fréquentation assidue de la société maure et de sa musique était publiée en 2005. L’auteur a travaillé à une troisième édition dont il accompagna la traduction jusqu’à son décès.
L’ouvrage de Michel Guignard constitue une contribution majeure à l’œuvre de sauvegarde de l’azawan. Cependant, cet ouvrage n’est pas accessible à la majorité de la population mauritanienne. Écrit en français et distribué à un prix relativement élevé, il est aujourd’hui introuvable dans les librairies mauritaniennes.
Le Centre d’études et de recherches sur l’Ouest saharien (CEROS) et Michel Guignard ont travaillé, en partenariat avec d’autres, à la traduction de l’ouvrage en arabe, basée sur une troisième version française. Le SCAC a contribué au financement de l’édition de cette traduction. C’est dans le prolongement de cette démarche que l’IFM et le CEROS s’engagent dans l’organisation d’un colloque international en hommage à Michel Guignard et à son œuvre.
Programmation musicale de l'émission :
Monina Mint Oliyen
Jamb el B (Suite) Leçon de Ardin
Collectage de Michel Guignard
BNF
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Michel Guignard
Extrait du film entretien avec Michel Guignard de Elena Morato
ELENA MORATO
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Ahmed Well Dandanni
Mode Karr
SELAF ORSTOM
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Nasserhallah
Nasserhallah à la harpe / Collectage de Michel Guignard
BNF
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Chaykh Well Bacha
1er mode Karr Partie Noire / Collectage de Denise Perret
OCORA
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Sidati Abba et Mounina Eyda
Concert en 1958 de Sidati Abba et Mounina Eyda / Collection privée de Ahmed Ould Abba
ABBA
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Lemrabot Ould Elkadi Ould Ingdhey
Tidinit de l'école de l'Ouezst enregistré au Colloque autour de l'Azawan à l'Institut Français
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Cheikh Ould Abba et Cheikh Ould Lebiyal
L'école du Tagant avec Cheikh Ould Abba et Cheikh Ould Lebiyal
Enregistré au Colloque autour de l'Azawan à l'Institut Français
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Contes et proverbes / Collectage de Michel Guignard
BNF
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Mhammed / Al Hamal Ment Dendanni / Sektu
5ème mode le Btayt / Collectage de Denise Perret
OCORA
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Ms Vatrna Nema
Biadh Vagho / Collectage de Deben Bhattacharya
ARC MUSIC
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