Abdullah Ibrahim propose un nouvel album solo tout droit venu de Bavière, sa nouvelle terre d’élection : “Dream Time” qui paraît chez Enja/l’Autre Distribution, est l’enregistrement d’un concert dont la sérénité déclenche l’enthousiasme – et l’un des plus beaux autoportraits de ce musicien.
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L’effet fascinant que la fusion de ces fragments de mémoire retraçant une vie mouvementée exerce sur l’auditeur se renouvelle à chaque audition : une musique et un message à fleur de peau.
Un calme au pouvoir ensorcelant. Des sons à peine audibles en introduction, se métamorphosent peu à peu en une mélodie. Des thèmes récurrents ; la mélodie intégrale reprend une seconde fois, soulignée par de petits détails surprenants, aboutissant à un accord qui est aussi une ouverture. Elle est suivie, dans le même style, par une autre mélodie. Une mélodie aux reflets mélancoliques, nous plongeant dans une atmosphère de rêverie lyrique – et aboutissant elle aussi à une fin ouverte. Qui peut-être n’en est justement pas une. Mais plutôt une transition. À bientôt 85 ans (il est né le 9 octobre 1934 au Cap), le pianiste sud-africain Abdullah Ibrahim maîtrise l'art de la transition comme aucun autre. Depuis toujours, ses concerts nous tiennent littéralement en haleine : le passage d'une mélodie à l'autre se fait en continu, pendant plus d’une heure et il émane de l'ensemble une beauté à la force toute spirituelle. Cette musique va bien au-delà de ses seules notes.
Quand on écoute ce pianiste se produisant en solo, on a l'impression d'assister au récit de toute une vie. Il tisse une toile musicale, reprenant plus tard certains fils de l’ouvrage, en abandonnant d’autres, et établit ainsi avec son public une discrète et lente communication jalonnée des moments fascinants qui constituent la mémoire. Loin de défiler en accéléré, elle semble bien au contraire s’écouler tel un fluide indolent capable de ralentir le temps. Il émane de ces soirées dont la tranquillité est la revendication d’une liberté tout archaïque une rare intimité : en se plongeant dans la musique d’Abdullah Ibrahim, l’auditeur découvre une proximité et une limpidité peu courantes.
Ces enregistrements ont été réalisés en 2019, un dimanche après-midi de mars, dans la grande salle de spectacle de l'auberge Hirzinger à Söllhuben, petit village bavarois dans la région du Chiemgau. Depuis quelques années, Abdullah Ibrahim s’y produit très volontiers car il vit désormais dans la région où il a rejoint celle qui est devenue sa compagne. Le musicien se sent à l’aise dans cette salle qui doit son ambiance à la fois intime et ouverte à sa charpente apparente – une atmosphère expliquant le caractère organique et harmonieux du long récit musical présenté ce soir-là.
S’agit-il d’un medley ? C'est ainsi que l'on appellerait spontanément un mélange de divers thèmes... s'il s'agissait d'autres musiciens. Chez Abdullah Ibrahim, le terme décrit certes le processus technique mais passe totalement à côté de l’essentiel. Un medley fonctionne comme une réponse condensée donnée aux auditeurs s’attendant à entendre un pot-pourri de grands succès – ou comment satisfaire chacun d’eux en lui offrant un petit bonbon musical. Chez Abdullah Ibrahim, les mélodies ne sont justement pas ces bonbons mais participent d'une identité musicale unique en son genre. Elles ne fondent pas dans la bouche en une petite minute mais se glissent doucement dans notre épiderme… et ne le quittent plus. Cet enchaînement de mélodies illustrant presque sept décennies d’une vie professionnelle consacrée à la musique ne cherche pas à créer un effet immédiat : son action lente se veut pérenne. Pas question de mitrailler le public en misant sur un effet de reconnaissance : nous assistons à une longue et sereine succession de légers gestes musicaux. Ils évoquent la dynamique d’une quête d’harmonie faite d’humanité et de sens de la communauté.
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On retrouve ici bon nombre de références à d’anciens enregistrements. Même s’il manque Mannenberg, qui fut autrefois l’hymne du mouvement anti-apartheid, Blues for a Hip King est tout autant un message iconique de la musique sud-africaine et se retrouve au coeur de cet enregistrement. On aura déjà reconnu Capetown District Six, morceau empreint d’une intensité dramatique sous-jacente et rappelant une exaction raciste particulièrement exécrable : l’expulsion forcée de tout un quartier multiethnique transformé en zone résidentielle pour les Blancs.
Après s’être enfui de son pays natal en 1962, Ibrahim y est retourné en 1990 et s’est produit en 1994 lors de l’investiture de Nelson Mandela, le premier président noir du pays. Les thèmes empruntés à l’Afrique du Sud ne sont toutefois pas repris sous une forme accrocheuse mais font partie intégrante de la vie remarquable de cet homme qui est une icône de la musique. Et sont bien entendu des mélodies comptant, grâce à leur tonalité toute spécifique, parmi les airs les plus remarquables de l’histoire mondiale du jazz. Cet enregistrement d’une heure, sans aucune pause, renferme d'autres thèmes célèbres évoquant l'Afrique d’Ibrahim : le superbe Whoza Mtwana par exemple ou bien Sotho Blue qui est un véritable enchantement. On retrouvera également, dans cette mosaïque illustrant toute une vie consacrée à la musique et dont plusieurs reprises du thème Blue Bolero sont le fil directeur, des compositions comme For Coltrane et un hommage à Duke Ellington à qui le pianiste doit sa carrière internationale.
Il n’y a aucune solution de continuité dans cette oeuvre : la musique afro-américaine qui fascinait déjà Abdullah Ibrahim à l’époque lointaine où il s'appelait encore Dollar Brand entre tout naturellement en symbiose avec les morceaux en forme d’hymne devenus représentatifs de la musique africaine. Abdullah Ibrahim les considère de toute façon comme un tout. Le passé et le présent fusionnent dès qu'il les interprète avec l’expression d’une lenteur et d’une tranquillité propres. La musique, ou plus exactement son esprit, devient un message hors du temps.
Roland Spiegel. (Extrait de texte du CD).
Programmation musicale
- 18h07
Blue Bolero Abdullah IbrahimBlue BoleroAbdullah Ibrahim. (Compositeur), Abdullah Ibrahim (piano)
Album Dream Time (2019)Label enja (ENJ96762) - 18h08
Capetown District Six Abdullah IbrahimCapetown District SixAbdullah Ibrahim. (Compositeur), Abdullah Ibrahim (piano)
Album Dream Time (2019)Label enja (ENJ96762) - 18h12
Sotho Blue Abdullah IbrahimSotho BlueAbdullah Ibrahim. (Compositeur), Abdullah Ibrahim (piano)
Album Dream Time (2019)Label enja (ENJ96762) - 18h15
Machopi Abdullah IbrahimMachopiAbdullah Ibrahim. (Compositeur), Abdullah Ibrahim (piano)
Album Dream Time (2019)Label enja (ENJ96762) - 18h15
Whoza Mtwana Abdullah IbrahimWhoza MtwanaAbdullah Ibrahim. (Compositeur), Abdullah Ibrahim (piano)
Album Dream Time (2019)Label enja (ENJ96762) - 18h19
The Balance Abdullah IbrahimThe BalanceAbdullah Ibrahim. (Compositeur), Abdullah Ibrahim (piano)
Album Dream Time (2019)Label enja (ENJ96762) - 18h22
Blue Bolero Abdullah IbrahimBlue BoleroAbdullah Ibrahim. (Compositeur), Abdullah Ibrahim (piano)
Album Dream Time (2019)Label enja (ENJ96762) - 18h25
The Anticipation Duke EllingtonThe AnticipationDuke Ellington. (Compositeur), Duke Ellington (piano)
Album An Intimate Piano SessionLabel Storyville (1018485) - 18h29
Dreamtime Abdullah Ibrahim, EkayaDreamtimeAbdullah Ibrahim. (Compositeur), Abdullah Ibrahim (piano), Cleave Guyton Jr. (flûte), Lance Bryant (saxophone ténor), Marshall McDonald (saxophone baryton), Andrae Murchison (trombone), Noah Jackson (contrebasse), Will Terrill (batterie)
Album The Balance (2019)Label Gearbox (GB1554CD) - 18h36
Trianon
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