Clifford Jordan, les sessions Strata East (2/2)

Clifford Jordan, les sessions Strata East (2/2)
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1968-73 : les jazzmen afro-américains découvrent l'autogestion et le saxophoniste Clifford Jordan signe un chef d'œuvre. Un éblouissant coffret Mosaic.

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À la fin des années soixante, de très nombreux jazzmen afro-américains passés par les arcanes du jazz free et marqués par les revendications du black power souhaitent s’émanciper des contraintes du business du disque et des clubs en prenant eux-mêmes le contrôle de leurs modes de production.

Des clubs réticents à la nouvelle vague ? Les musiciens vont créer la scène des lofts new-yorkais… Pas d’appel du Newport Jazz Festival ? Ils vont créer leurs propres festivals sur les campus universitaires, dans des églises ou des galeries d’art… C’est dans ce contexte que le saxophoniste Clifford Jordan produisit une série d’enregistrements en hommage à son ami disparu Eric Dolphy en 1968 et 69. Lorsque le pianiste Stanley Cowell et le trompettiste** Charles Tolliver** co-fondèrent le label Strata-East en 1971, pour publier leur album « Music Inc. », Clifford Jordan les sollicita pour éditer sa série de séances encore inédites, ses Dolphy series, enregistrées avec Pharoah Sanders,** Charles Brackeen**,** Cecil Payne**, Ed Blackwell, Wilbur Ware et lui-même.

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La session sous le nom de Wilbur Ware ne fut publiée qu’en 2012 et celles d’Ed Blackwell (une moitié avec Don Cherry, l’autre exclusivement avec des percussionnistes) ne l’avait jamais été avant ce coffret de 6 CD qui s’ouvrant sur l’album « In The World » de Clifford Jordan lui-même, enregistré en deux séances du printemps 1969. L’une avec Don Cherry à la trompette, et Albert Heath à la batterie, l’autre avec avec Kenny Dorham, Roy Haynes et Ed Blackwell, le tromboniste Julian Priester, le pianiste Wynton Kelly et les bassistes Wilbur Ware et Richard Davis étant présent dans les deux cas aux côtés du saxophoniste.

Le coffret se clôt par ce qui est un chef d’œuvre méconnu de l’histoire du jazz, le plus beau disque enregistré sous son nom par Clifford Jordan, « Glass Bead Games ». Ce fut à sa sortie un double LP, entrecroisant deux quartets enregistrés le même jour, le 29 octobre 1973 au Minot Sound Studio de White Plains : Clifford Jordan au sax ténor avec d’une part Stanley Cowell (piano), Bill Lee (contrebasse) et Billy Higgins (batterie) et d’autre part Cedar Walton (piano), Sam Jones (contrebasse) et ce même Billy Higgins. Des compositions majestueuses, souvent en hommage à de grands disparus, et un feeling irrésistible…

Clifford Jordan avait participé à quelques riches heures de Charles Mingus, Horace Silver ou Max Roach et avait déjà sorti des albums en leader chez Blue Note. Là il passe dans une autre dimension.

En six CD, pas un seul standard à l’horizon. Juste des hommes debout, libres et indépendants. Strata-East continuerait son histoire sur près de 50 albums, dont le fameux « Winter in America » de Gil Scott-Heron. Mais c’est Clifford Jordan qui annonça le printemps… Comme de coutume, sous la houlette de Michael Cuscuna, Mosaic Records a fait un travail de haute couture en matière de rééédition : un essai de Willard Jenkins et de nombreuses photos inédites de Martin Bough viennent éclairer la musique.

Coffret Clifford
Coffret Clifford

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