« Dizzy Atmosphere : Dizzy Gillespie at Zero Gravity » de Dave Douglas, un hommage à l’un de ses héros, paraît chez Greenleaf.
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- Dave Douglas à la Une
« J'ai en quelque sorte évité de travailler sur Dizzy pendant de nombreuses années, car j'avais l'impression que le sujet était si vaste que je ne voyais pas par où commencer », dit-il. « D'abord, il faut se concentrer sur l'incroyable jeu de trompette. Ensuite, il y a l'intégration de l’ensemble de son œuvre enregistrée. Ensuite, il y a la personnalité - sa spiritualité mais aussi son humour, tout. Ayant réalisé beaucoup de projets jusqu’à présent, j'ai finalement senti que je pouvais y aller, sans me défiler ».
- Jason Palmer “The Concert : 12 Musings For Isabella”
- Webber-Morris Big Band “Both Are True”
Les musiciens honorent leurs héros de diverses manières. Certains peuvent remplir un album avec les morceaux fétiches d'un artiste qu’ils adorent, tandis que d'autres composent des élégies, nous donnant un I Remember Clifford ou un G_oodbye, Pork Pie Hat_. Mais trop souvent, on constate que l'hommage s’autocensure dans une forme d'imitation, comme si un artiste ne pouvait être vraiment honoré que si l'on se rapproche de ses plus célèbres succès.
Dave Douglas n'est absolument pas d'accord. Depuis le « Stargazer » inspiré de Wayne Shorter et l'hommage à Mary Lou Williams dans « Soul on Soul », jusqu'à la façon dont ses deux albums avec le groupe Riverside ont évoqué la musique de Jimmy Giuffre et de Carla Bley, ses projets d'hommage ont tenté de saisir l'héritage d'un artiste dans sa globalité. Il s'intéresse moins à la reprise de morceaux célèbres qu'à l'exploration des idées harmoniques et rythmiques qui les sous-tendent, ainsi qu'à l'évocation de la personnalité qui a animé ces enregistrements originaux.
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« Dizzy Atmosphere : Dizzy Gillespie at Zero Gravity » témoigne de cette démarche et plus encore, offrant une perspective non seulement sur le grand maître du bebop, mais aussi sur sa curiosité et sa générosité. Mais ce n'était pas un projet facile pour Dave Douglas. “Dizzy Atmosphere” a commencé comme un programme de concert, destiné à Jazz at Lincoln Center en février 2018. Pour cela, Dave Douglas a réuni un sextet comprenant Ambrose Akinmusire à la trompette, le guitariste Bill Frisell, le pianiste Gerald Clayton, la bassiste Linda May Han Oh et Joey Baron à la batterie. « Je n'avais pas vraiment prévu d’enregistrer le programme à ce moment-là », se souvient Douglas. « Je voulais juste le créer. »
Mais après avoir vécu avec le souvenir de la création pendant un certain temps, Douglas a commencé à imaginer une version enregistrée du programme, avec un ensemble de musiciens un peu différent. Cela tenait en partie à la disponibilité des musiciens d'origine - « Les agendas de tout le monde sont tellement fous », dit-il - mais aussi à sa propre conception du projet.
Tout comme il avait choisi Ambrose Akinmusire au Lincoln Center, Dave Douglas voulait présenter un jeune trompettiste pour l'enregistrement. « C'est ce que Dizzy a toujours fait dans son propre travail », dit-il, « en promouvant une génération de souffleurs qui lui succèderaient ». Ainsi, Dave Adewumi, que Dave Douglas a entendu pour la première fois lors d'un atelier de composition dans le cadre du programme Jazz Masters de Julliard, tient le rôle de Lee Morgan sur l'album. « Il n'y a pas un instant sur ce disque où j'ai l'impression que nous sommes en compétition, ou que l'on dirait deux trompettistes très différents qui se battent », dit Douglas. « J'ai l'impression que nous sommes sur la même longueur d'onde pour construire ce truc. Et je pense que c'est inhabituel pour deux trompettes qui jouent ensemble. »
En remplacement de Bill Frisell, Douglas a fait appel à Matthew Stevens, bien connu pour son travail avec Esperanza Spalding. « Il est évident que lorsqu'on fait appel à une nouvelle personne, la dynamique change », explique Douglas. « J'ai visualisé, dans l'écriture, les rôles que la guitare et le piano allaient jouer, et j'ai demandé à Matt de faire beaucoup de jeux très transparents, à l'octave, de type flottant », Douglas cite en exemple Mondrian, où le début est hérissé d'accords chatoyants et carillonnants de Stevens, et See Me Now, où une ligne de guitare fantomatique s'élève en contrepoint contre le piano. « Il flotte là-haut pendant que nous creusons tous dans la terre. »
Con Almazan, bien qu'il fasse allusion au Con Alma de Gillespie, est également une reconnaissance de la contribution du pianiste Fabian Almazan à l'album. « Quand j'ai écrit ce morceau, je pensais à Con Alma, c'est sûr », dit Douglas. Une partie de cette influence se fait sentir dans la façon dont la mélodie se décale entre les époques, mais l'allusion la plus évidente se produit lorsque Almazan commence à jouer une ligne d'harmonie chromatique descendante derrière la trompette de Douglas, un passage qui relie clairement le passé et le présent dans la musique. « C'est quand nous avons commencé à jouer la mélodie avec Fabian que j'ai compris ce que le titre devait être présent ici" confirme Douglas.
Douglas invoque les œuvres de Gillespie tout au long de l'album. Cadillac, par exemple, fait écho à la structure de Swing Low, Sweet Cadillac, avec une ouverture construite autour d'un simple ostinato et un final qui cite le spiritual Swing Low, Sweet Chariot. Mais ce n'est pas vraiment une reprise. « Je n'étais pas prêt à chanter », dit Douglas en riant. Il a plutôt composé des lignes entrecroisées pour sa trompette et celles de Dave Adewumi. « Mais dans ces passages, nous improvisons aussi », ajoute-t-il. « L’objectif est que nous construisons tout cela ensemble. C'est un appel et une réponse, un peu comme Dizzy et [James] Moody, sauf que eux, ils le chantent. »
Mondrian est un double hommage. Bien qu'il y ait une citation de la composition classique de Gillespie Bebop dans la tête, elle a également été inspirée par Broadway Boogie l’œuvre tardive du grand artiste abstrait néerlandais et fan de jazz, Piet Mondrian. Parfois décrit comme une représentation visuelle de la syncope, Douglas estime que ce tableau de 1942 ne capture pas seulement « l'émotion et l'excitation de New York de cette époque », mais qu'il correspond à la façon dont le bebop a propulsé le jazz des lignes à une seule note à l'harmonie chromatique utilisée aujourd'hui. Il y a encore plus de vibrations dans sa version du classique afro-cubain de Gillespie, Manteca, et cela vient en partie du fait que la vision de Douglas pour la musique met les éléments rythmiques au même niveau que la mélodie.
« J_'ai dit, OK, voici les éléments constitutifs qui composent la façon dont le groupe a joué ceci_ », dit-il. « Chacun y trouve son compte. » Le batteur Joey Baron et la bassiste Carmen Rothwell brillent particulièrement ici, Joey Baron offrant une performance aussi mélodieuse que rythmée. « Joey est vraiment un maître en la matière », dit Douglas. « Et quand vous entendez l'interaction entre Carmen et Joey, c'est juste magique. »
Carmen Rothwell est une jeune et magnifique bassiste que Dave a rencontrée dans le programme de Cuong Vu à l'Université de Washington il y a quelques années. Sa présence croissante à New York se fait fortement sentir sur cet enregistrement.
Au final, « Dizzy Atmosphere : Dizzy Gillespie at Zero Gravity” est autant une exploration qu'une évocation. Pour Douglas, la musique est le fruit d'une « plongée profonde dans son travail et d'une réflexion sur les raisons pour lesquelles cela est si important pour moi, et sur la manière dont je peux refléter cela d'une manière qui a quelque chose à voir avec la situation dans laquelle nous nous trouvons en 2020. J'espère que les gens l'entendront et seront curieux d'entendre davantage de sa musique ».
(extrait du communiqué de presse en anglais - traduction E. Lacaze / A. Dutilh)
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Le 18 mars 1990, aux petites heures du matin, deux voleurs sont entrés dans le musée Isabella Stewart Gardner de Boston, déguisés en policiers, et en sont sortis 81 minutes plus tard avec 13 œuvres d'art de certains des plus grands peintres de tous les temps. Trois décennies plus tard, les cadres qui contenaient ces œuvres d'art sont toujours vides. Ce vol non résolu reste le plus grand vol d'œuvres d’art de l'histoire.
Le trompettiste Jason Palmer est fasciné par ce remarquable mystère depuis qu'il a déménagé à Boston en 1997 pour étudier au Conservatoire de la Nouvelle-Angleterre. Pour commémorer le 30e anniversaire du vol, et en partie pour braquer à nouveau les projecteurs sur ce crime dans l'espoir de trouver des indices sur la localisation des œuvres d'art, il a composé une suite dédiée aux pièces manquantes « The Concert : 12 Musings For Isabella » qui paraît chez Giant Step Arts.
La douzaine de compositions de Jason Palmer, une pour chaque pièce volée (deux esquisses de Degas sont réunies en un seul hommage), est confiée à un sextet réunissant, à côté du compositeur, le saxophoniste Mark Turner ainsi que l'étoile montante Joel Ross au vibraphone, le batteur Kendrick Scott et le bassiste Edward Perez.
Du son >>>>>>> ICI
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"...un groupe aux contours déchiquetés qui a commencé à faire tourner la tête des musiciens." --Giovanni Russonello, New York Times
L'âge d'or du big band est terminé. L'époque où les 18 musiciens d'un groupe de swing pouvaient tourner ensemble dans tout le pays et gagner leur vie (un salaire de 52 semaines, en fait) en jouant la musique de Duke Ellington, Count Basie, Benny Goodman ou des Dorsey Brothers est révolue. Alors, le big band est-il mort en 2020 ? Loin de là. Les saxophonistes new-yorkaises Anna Webber et Angela Morris sont à l'avant-garde d'une vague de jeunes compositrices et compositeurs modernes qui veulent prolonger l’héritage.
Mais la situation a changé. Diriger un big band en 2020 est une entreprise de pure passion, un travail d'amour. Ce n'est plus un moyen de gagner sa vie en tant que musicien, ni une voie possible vers une reconnaissance internationale en tant que compositeur et chef d'orchestre. En fait, il est presque impossible de ne pas perdre d'argent dans une telle entreprise. Composer et arranger pour un big band prend beaucoup de temps, et le simple fait de réunir 18 musiciens dans une même pièce pour une représentation, sans parler des répétitions, est une tâche intimidante, pour ne pas dire plus.
Pourtant, il existe une nouvelle génération de compositeurs, petite mais déterminée, qui, malgré toutes les difficultés que présente cette activité, s'est engagée (et même accrochée) à explorer les possibilités de composition que seule cette formation de grand ensemble offre. Dans le New York Times, Giovanni Russonello a qualifié ce big band de "vaisseau aux possibilités grandioses", et les amateurs de jazz moderne ont la chance d'assister à la révolution de cette nouvelle génération, qui exploite la puissance de ce format classique d'une manière jamais entendue auparavant.
Bien qu'il existe un précédent pour ce qu'ils font, aucun autre ensemble ne ressemble au Webber/Morris Big Band, un ensemble de 18 musiciens composé des improvisateurs les plus brillants et les plus demandés de New York, âgés pour la plupart de moins de 40 ans. Je suis sûr que toutes deux citeraient comme influences Duke Ellington, Charles Mingus et d'autres compositeurs de l'âge d'or du big band, mais leur principale inspiration peut être plus directement reliée aux grands ensembles modernes de John Hollenbeck (avec qui Anna Webber a étudié la composition), Darcy James Argue (avec qui Angela Morris a étudié la composition), Maria Schneider, Jim McNeely et Bob Brookmeyer. Leur premier album, « Both Are True », qui paraît chez Greenleaf, place Anna Webber et Angela Morris dans le peloton de tête de la nouvelle génération des compositeurs/leaders de New York, aux côtés de Miho Hazama, Brian Krock, Remy LeBoeuf et Jihye Lee, qui ont tous reçu une reconnaissance internationale pour des albums en big band parus ces cinq dernières années.
Comme tous ces jeunes compositeurs, Anna Webber et Angela Morris tirent leur influence musicale d'un domaine autre que celui du big band traditionnel. Depuis les penchants minimalistes de Angela Morris sur Coral, qui comprend une improvisation prolongée à la trompette d'Adam O'Farrill sur un remous d'accords dilatoire, jusqu'au clin d'œil de Webber à Iannis Xenakis sur Rebonds, au cours duquel le guitariste Dustin Carlson gagnera certainement le cœur de tous les fans de David Torn ou de Marc Ducret (les fans de Anna Webber se souviendront peut-être que son album “Clockwise”, acclamé par la critique, a été entièrement écrit en hommage à ses pièces de percussion préférées des compositeurs du XXe siècle).
D'innombrables autres exemples sont présents tout au long de l'album : l'intro bruyante de And It Rolled Right Down, la chorale vocale qui clôt Climbing On Mirrors (oui, tout le groupe chante), ou encore l'improvisation multiphonique d’Anna Webber qui dure une minute avant de lancer un tour de force en solo sur les figures de fond de Angela Morris sur la chanson titre Both Are True. La liste est encore longue. Dans une interview accordée à Kurt Gottschalk en 2019, Anna Webber déclare que l'objectif est "d'essayer de faire en sorte que cela ressemble le moins possible à de la musique de big band", et Morris suit assez justement en disant : "C'est un défi intéressant que de reprendre une forme qui a un tel héritage et d'essayer d'en faire quelque chose de nouveau".
Du son et de l'image >>>>>>> ICI
Programmation musicale
18h02 - Dave Douglas « Dizzy Atmosphere »
Manteca (Dizzy Gillespie, Gil Fuller, Chano Pozo)
Dave Douglas (trompette)
Dave Adewumi (trompette)
Matt Stevens (guitare)
Fabien Almazan (piano)
Carmen Rothwell (basse)
Joey Baron (batterie)
Greenleaf
18h12 - Dave Douglas « Dizzy Atmosphere »
Pickin' The Cabbage (Dizzy Gillespie)
Dave Douglas (trompette)
Dave Adewumi (trompette)
Matt Stevens (guitare)
Fabien Almazan (piano)
Carmen Rothwell (basse)
Joey Baron (batterie)
Greenleaf
18h18 - Dizzy Gillespie « Swing Low, Sweet Cadillac »
Swing Low, Sweet Cadillac (Dizzy Gillespie)
Dizzy Gilllespie (trompette)
Mike Longo (piano)
James Moody (saxophone alto)
Frank Shifano (basse)
Candy Finch (batterie)
Impulse ! A 9149
18h26 - Red Mitchell « Simple Isn't Easy »
I'll Be Seing You (Sammy Fain, Irving Kahai)
Red Mitchell (piano, voix)
Sunnyside 1016
18h32 - Steve Lacy « Evidence »
The Mystery Song (Duke Ellington)
Steve Lacy (saxophone soprano)
Don Cherry (trompette)
Carl Brown (basse)
Billy Higgins (batterie)
New Jazz 8271
18h39 - Jason Palmer « The Concert : 12 Musings for Isabella »
Three Mounted Jockeys (Degas) (Jason Palmer)
Jason Palmer (trompette)
Mark Turner (saxophone)
Joel Ross (vibraphone)
Edward Perez (basse)
Kendrick Scott (batterie)
GiantStep Arts 004
18h51 - Webber / Morris Big Band « Both Are True »
Climbing on Mirrors (Anna Webber)
Angela Morris (direction, saxophone ténor, flûte)
Anna Webber (direction, saxophone ténor, flûte)
Jay Rattman (saxophone alto, saxophone soprano, flûte)
Charlotte Greve (saxophone alto, clarinette)
Adam Schneit (saxophone ténor, clarinette)
Lisa Parrott (saxophone baryton, clarinette basse)
John Lake (trompette, bugle)
Jake Henry (trompette, bugle)
Adam O’Farrill (trompette, bugle)
Kenny Warren (trompette, bugle)
Tim Vaughn (trombone)
Nick Grinder (trombone)
Jen Baker (trombone)
Reginald Chapman (trombone basse)
Patricia Brennan (vibraphone)
Dustin Carlson (guitare)
Marc Hannaford (piano)
Adam Hopkins (basse)
Jeff Davis (batterie)
Greenleaf
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