Júlio Resende, un piano empreint de saudade

• Júlio Resende à la Une

La façon dont Júlio Resende envisage le fado sous l'angle du jazz est quelque chose de nouveau, mais elle s'est développée de façon totalement naturelle à partir de ce qui avait été expérimenté auparavant. Ses intentions n'ont rien à voir avec le crossover. Comme il le dit : "Je ne sais vraiment pas si ce que je fais est du fado ou du jazz. C'est peut-être les deux. Je ne veux pas m'engager, car si vous vous engagez, vous arrêtez de vous développer. Je préfère bouger librement, comme les sons eux-mêmes."

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"Depuis 1992, ACT a construit sa propre “union européenne des musiciens”", écrivait le Times (UK) en 2020, "favorisant une liberté de mouvement entre les nationalités et les genres, et nous a donné une impression authentique de ce qu'est le continent." Cette déclaration prend une résonance particulière et redevient pertinente avec la signature d'un artiste nouveau pour ACT, le pianiste portugais Júlio Resende.

" Fado Jazz" marque ses débuts sur le label, révélant une autre dimension du jazz européen, qui a été relativement peu entendue : l'art de Júlio Resende ne consiste pas seulement à traduire la mélancolie douce-amère du fado dans le langage du jazz, mais aussi son côté plus léger. Júlio Resende est un véritable pionnier dont le profil au Portugal est déjà considérable. Il remplit les salles de concert classiques, il a figuré en bonne place dans les charts pop portugais, l'hommage qu'il a rendu en 2013 à la "reine du fado", Amália Rodrigues, a été particulièrement bien accueilli, et il s'est également produit en duo avec la légende du piano classique Maria João Pires. Sa musique a également été entendue en accompagnement de séries sur HBO et Netflix. Le grand journal espagnol "El Pais" dit de lui : "L'approche du fado par Júlio Resende rappelle ce que Keith Jarrett fait avec les standards du jazz" ; et Alex Dutilh de rajouter : "Júlio Resende, la dernière découverte de la scène portugaise, est aussi la plus prometteuse. Son jeu est à la hauteur de pianistes tels que Stefano Bollani ou Yaron Herman".

Pour les Portugais, le fado est tout sauf une pièce de musée, c'est une musique qui représente une attitude envers la vie. D'une part, c'est l'histoire qui est vécue, d'autre part, elle est en constante évolution. Elle porte en elle tout un pan de l'histoire, depuis les récits sur l'angoisse des jeunes filles et des femmes lorsque leurs marins et leurs hommes les quittent pour la haute mer, en passant par l'oppression du régime de Salazar, puis les espoirs de la révolution des œillets dans les années 1970, jusqu'au Portugal vivant et cosmopolite d'aujourd'hui. Et tout comme la société s'est métamorphosée, les variétés de fado et la façon dont elles sont perçues ont également changé. Les icônes de cette musique sont des héros nationaux, tandis que les jeunes interprètes s'adressent tout naturellement au public de leur génération, ce qui ouvre inévitablement le fado à d'autres influences, comme la musique pop et les traditions musicales d'autres cultures.

Presque tous les titres de "Fado Jazz" sont des compositions originales de Júlio Resende, ce qui montre clairement qu'il ne se préoccupe pas d'adapter ou de reconfigurer le passé, mais plutôt de développer la musique. L'ouverture Vira Mais Cinco en est un exemple. On y trouve une mélodie irrésistible, le son unique de la guitare portugaise, l'instrument ressemblant à un luth qui fait partie de la gamme traditionnelle du fado et qui crée un timbre unique à partir des influences de l'Afrique du Nord et de l'Europe du Sud qui sont si caractéristiques de cette musique. Mais il y a aussi le piano, les percussions et la contrebasse, qui ne sont en aucun cas des personnages classiques du fado, mais qui sonnent néanmoins comme s'ils lui avaient toujours et naturellement appartenu. Et enfin, le morceau danse en 5/4, ce qui lui donne une tournure aussi inhabituelle qu'organique. Ce sont ces liens qui rendent la musique de Resende si nouvelle et intéressante, tout en étant accessible et naturelle.

Le fado, dans ses formes traditionnelles et modernes, est devenu populaire bien au-delà des frontières du Portugal, et ce, au moins en partie, grâce aux voix merveilleuses associées à ses principaux représentants, et à leur capacité à transmettre des sentiments de manière si immédiate et si vivante. Mais son attrait ne s'arrête pas là : les mélodies qui s'adressent si directement au cœur et amènent le public au bord des larmes. Et elles sont nombreuses sur l'album "Fado Jazz" : des ballades comme Lira, Este Piano Não Te Esquece et la suite All The Things - Alfama - Are ou l’envoûtant Fado Blues et le tout simplement magnifique Tiro No Escuro jouent avec le sentiment de "saudade" (nostalgie et mélancolie) si typique du fado. Mais il y a aussi des pièces beaucoup plus légères, comme Vira Mais Cinco, Fado Das 7 Cotovias (en 7/4), le vif Fado Maior Improvisado ou le Tiro No Escuro inspiré du boléro. Et tout à la fin, nous entendons une voix, celle de la jeune et pourtant très populaire "fadista" Lina, qui, dans la composition Profecia de Júlio Resende, trouve une façon magique mais totalement dénuée de sentiments d'exprimer chaque nuance lumineuse. 
(extrait du communiqué de presse en anglais - traduction E. Lacaze / A. Dutilh)