L'actualité du jazz : Sarah Vaughan, Berlin 1969

Sarah Vaughan à Berlin en 1969
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Sarah Vaughan « Live in Berlin 1969 »
Sarah Vaughan « Live in Berlin 1969 »

Le saxophoniste alto Paul Desmond comparait son propre son à un dry Martini. On a dit du saxophoniste baryton Gerry Mulligan qu’il sonnait comme l’assemblage d’une bière et d’un schnaps. Le biographe de Sarah Vaughan diagnostique, lui, que sa voix est passée d’un vin élégant à un cognac velouté.

Dianne Reeves, qui a publié l’album “Celebrating Sarah Vaughan” en hommage à son héroïne, confirme cette impression : “L_a voix change, pas seulement avec l’âge mais aussi avec l’expérience et l’acquisition de connaissances. Quand on est jeune et innocent, on a souvent une voix haut perchée et murmurée. Dès que l’on en connait un peu plus de la vie, ça a une incidence directe sur la voix. Ce que j’aime chez Sarah Vaughan, c’est qu’elle a conservé son ton, malgré le fait que sa voix soit passée d’un bon vin à un cognac chic. C’est très rare - habituellement, les chanteurs perdent leur tessiture et le contrôle de leur voix._” (2001)

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Ce degré de contrôle, combiné avec une rare souplesse et sophistication lui ont valu son surnom de Divine, très tôt dans sa carrière. Un qualificatif qui était jusque là réservé aux actrices comme Sarah Bernhardt ou Greta Garbo. Sarah Vaughan a même été régulièrement comparée à des chanteuses d’opéra. Betty Carter avait un potentiel vocal accordé à celui de Leontyne Price, la première “black diva” de l’opéra, également admirée par Sarah Vaughan elle-même. Quand Mel Tormé à appelé la chanteuse de jazz “t_he diva_” (qui sonne légèrement moins surnaturel que “the divine”), c’était seulement à cause de son talent exceptionnel et certainement pas à cause de ses manières de diva, pas du tout dans les habitudes de Sarah Vaughan. Un autre surnom, beaucoup plus intime, révèle plus au sujet du caractère de Sarah : “Sassy” (impertinente) était réservé à ses amis proches, collègues ou fans inconditionnels. Une allusion à son sens de l’humour simple et insolent.

L’humour n’était pas ce qui caractérisait le public du Berliner Jazzstage dans les années 60-70. Au contraire, il avait la réputation d’être “le public de jazz le plus redouté au monde”. Tout comme le Modern Jazz Quartet et Stan Kenton, Duke Ellinton, Carla Bley, Sonny Rollins, Herbie Hancock, Tony Williams, Keith Jarrett et Ornette Coleman, Ella Fitzgerald, Carmen McRae et même Sarah Vaughan - tous ont été sifflés et hués. Parfois, des bouteilles, des oeufs ou des légumes ont été jetés sur scène. Le journal Die Welt a fait remarquer ce “renversement” offensant le public : ”Ceux qui sont venus sur scène à Berlin dans d’élégantes robes de soirée et ont chanté uniquement de magnifiques chansons, comme Sarah Vaughan à fait pendant son concert durant la guerre du Vietnam, ont été hués et bombardés avec des rouleaux de papier toilette en raison de leur méconnaissance des problèmes mondiaux.” (Josef Engels, Die Welt, 31.10.2014)

Durant sa précédente visite à Berlin (avec le pianiste Bob James), Sarah Vaughan avait été épargnée par le public. L’année 1967 avait été marquée par le mouvement hippy peace-and-love et le Berliner Jazzstage eu lieu quelques mois seulement après le “Summer of Love”. Seul le directeur artistique Joachim Berendt s’est senti provoqué quand trois grands journalistes musicaux allemands ont traversé le foyer de la Philharmonie avec un magnétophone diffusant “Sgt Pepper” en portant des cravates à larges fleurs. Et ont même balancé des choses sur scène pendant la performance de Sarah sur scène. Cependant, dans ce cas, les missiles étaient des lys blancs…

En 1969, c’était l’époque de la guerre du Vietnam. C’était aussi le moment d’un besoin restreint de jazz américain et le début d’une politisation intensive du jazz - ou plus précisément - d’une perception du jazz.” Christian Broecking, Berliner Zeitung, 3.11.2004). En 1969, les musiciens de free jazz à Berlin ont créé le collectif FMP (Free Music Production) pour pouvoir contrôler eux-même les conditions de production de leur musique. Electric-free et jazz-rock ont gagné en popularité, tandis que le jazz traditionnel des USA n’était pas seulement tombé dans le déclin mais avait perdu son attrait, représentant pour beaucoup un divertissement sophistiqué réservé à l’establishment.

Comble du décalage, Sarah Vaughan a surtout chanté un répertoire de ballades sentimentales, ce qui fut considéré comme un kitsch artificiel aux oreilles des puristes. Joachim Berendt, le critique allemand et patron du festival a répondu dans le magazine Jazz Podium et s’est référé à l’état d’esprit de Sarah :”Cette fois “Sassy” était t_riste et mélancolique et seule à Berlin__. Elle a pleuré dans l’après-midi comme le soir juste avant de monter sur scène. La qualité d’un musicien de jazz - spécialement pour les chanteuses - est la capacité à transformer immédiatement ses sentiments en musique. Elle avait le droit de choisir des chansons lentes représentants ses sentiments, surtout lorsqu’elle a chanté avec tant de classe, une fois de plus_”.

Les observateurs étrangers de ce festival ont par contraste été flattés de ce rejet ostentatoire. Ainsi, le journaliste anglais Richard WIlliams, lui-même directeur artistique depuis 2015 du Jazzfest Berlin, note dans un article de Melody Maker intitulé “Infamie” :”Sassy, la perle des chanteuses qui peut tout faire, a été huée et on peut dire que les auteurs de cette infamie ont de sales oreilles pleine d’eau croupie. Elle était formidable et a chanté superbement, et je ne souhaite pas faire d’autres commentaires sur ces crétins qui ont refusé d’entendre la beauté quand elle était devant eux”. (Melody Maker, 15.11.1969)

De toute façon, Sarah Vaughan n’a pas semblé s’en soucier plus que ça, tout du moins en apparence. L’enregistrement de ce concert prouve qu’elle ne s’est pas contenté de faire défiler son répertoire. Son trio accompagnateur, Johnny Veith, Gus Mancuso et Ed Pucci a propulsé son chant encore plus en avant. Sarah Vaughan a lâché tous les freins et a clairement montré, comparé aux autres grandes dames du jazz vocal, qu’elle était vraiment spéciale. Elle, qui a toujours refusé d’être considérée comme une “jazz singer”, serait mieux décrite comme une “styliste de la chanson”.
(notes de pochette de Karsten Mützelfeldt)

  • Sarah Vaughan – voix
  • Johnny Veith – piano
  • Gus Mancuso – contrebasse
  • Eddy Pucci – batterie
  • Enregistré le 9 novembre 1969 à la Philharmonie de Berlin

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