Un évènement majeur, une avant-première. Jusqu’ici inédit, l’enregistrement de Thelonious Monk pour Les Liaisons dangereuses 1960 de Roger Vadim, vient de paraitre en double Vinyle, avec un livret somptueux (Sam Records / Saga).
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“J’avais un copain fou de jazz qui faisait partie de la bande à Boris Vian, Claude Léon, ingénieur chez LTC, qui connaissait pratiquement tous les metteurs en scène. Nous avons naturellement parlé de la venue prochaine de Monk et, comme j’étais au courant du tournage des "Liaisons dangereuses", je demandais à Léon d’arranger une rencontre avec le cinéaste Roger Vadim qui, avec “Sait-on jamais” et le Modern Jazz Quartet, avait déjà concrétisé un heureux mariage entre le jazz et le cinéma. Venu chez moi écouter quelques disques Riverside, il en était reparti emballé par la musique de Monk “ confia Marcel Romano à Jacques Ponzio & François Postif (« Blue Monk – Portrait de Thelonious », Actes Sud, 1995). Entre la conversion de Vadim à la musique de Monk et la réalisation de la bande sonore des “Liaisons dangereuses”, une bonne année s’écoulera. Douze mois émaillés d’incidents, de dérobades, d’atermoiements et de rendez-vous manqués.
Pourtant Marcel Romano et Thelonious Monk se connaissaient bien. Ils s’étaient rencontrés pour la première fois à Paris en juin 1954, à l’occasion du 3ème Salon du Jazz. Trois années passèrent puis, à l’occasion d’un séjour de Marcel Romano à New York en septembre 1957, des retrouvailles particulièrement chaleureuses se déroulèrent au Five Spot de New York.
Au mois de mai 1958, durant le Festival de Cannes, Roger Vadim reçut l’aval du producteur Carlo Ponti pour réaliser une version modernisée du roman épistolaire de Choderlos de Laclos "Les liaisons dangereuses", paru en 1782. Une première esquisse du scénario étant établie en juillet, Marcel Romano télégraphia au manager de Monk, Harry Colomby : « Interested in Thelonious Monk Music for Movie… ». Tout semblait aller pour le mieux dans le meilleur des mondes lorsque, alors qu’il se rendait à Baltimore assurer un engagement au Comedy Club, Thelonious Monk fut arrêté le 15 octobre 1958 par la police de New Castle, Delaware. En compagnie de Charlie Rouse et de Nica de Koenigswarter, il tombait sous l’inculpation de possession de stupéfiants. Laissé en liberté sous caution, il se verra retirer la fameuse carte qui lui permettait de se produire dans les clubs new-yorkais. S’en suivit une dépression sévère qui le conduira au Sanatorium de Long Island.
Du 23 février au 30 avril 1959, à Paris-Studio-Cinéma Billancourt - à Megève et Deauville pour les extérieurs - , Roger Vadim tournait "Les liaisons dangereuses"… Devant l’impossibilité de faire venir Monk à Paris, donc de le voir figurer dans le film, Vadim tourna une séquence montrant Kenny Dorham, Barney Wilen, Duke Jordan, Paul Rovère, Kenny Clarke en train de jouer dans le club “Chez Miguel”. Ils apparaîtront à l’écran mais l’on entendra les Jazz Messengers qui enregistreront les compositions de Duke Jordan, auteur de cette partie de la musique. Est-ce à ce moment ou à la naissance du projet concernant “Les liaisons dangereuses” que fut tenté un essai de musique d’accompagnement inspiré des grands thèmes de Mozart ainsi que le rapporte Claude Brulé, l’un des co-adaptateurs du roman de Choderlos de Laclos ? Peut-être. En tout cas ce fut un échec et Vadim vint ou revint vers Monk.
Selon Jazz-Hot, pour superviser à New York la musique des “Liaisons dangereuses”, Roger Vadim et Marcel Romano devaient s’envoler le 15 mai. En fait, seul le second partit… à la fin juin, la musique devant être livrée impérativement avant le 31 juillet. Venu avec un script détaillé comportant, pour chaque séquence à illustrer, un chronométrage précis, Marcel Romano le soumit à Monk qui… demanda à voir le film. La projection d’une copie de travail, sonorisée par Vadim avec des extraits de disques du commerce, fut organisée le 23 juillet. Le lendemain seulement, escorté de Nellie son épouse et de ses deux enfants, Monk vint voir le film avec Harry Colomby, Marcel Romano et Nica de Koenigswarter.
Bien décidée à convaincre Monk de signer le contrat, à l’issue de la projection la baronne avait invité tout le monde dans sa propriété de Weehaken. Après avoir joué au ping pong, cuisiné pour ses enfants, pianoté et regardé la télévision, Monk repartit comme il était venu. À l’aube du 26 juillet seulement, à l’issue d’une nouvelle soirée chez Nica, installé dans sa voiture, prêt à partir, Monk rendit les armes et apposa sa griffe sur les neuf feuillets du contrat.
Dans la nuit du lendemain, l’enregistrement commença au Nola’s Penthouse. Monk avait convoqué Charlie Rouse, Sam Jones, Art Taylor, ses partenaires au tout récent Festival de Newport, et, en tant qu’invité exceptionnel, Barney Wilen venu à New York depuis Newport où il s’était également produit. À la demande d’Art Blakey, Barney devait remplacer Hank Mobley lors de la mise en boîte du reste de la partition des “ Liaisons dangereuses” interprétée par les Messengers.
Impossible pour Thelonious Monk de composer quoique ce soit d’original. Il réinterpréta donc six de ses thèmes plus un spiritual, laissant à la discrétion de Vadim et de son conseiller musical, Maurice Leroux, le soin d’en disposer. Claude Brulé : « Le résultat fut admirable et terrifiant. Car Thelonious, tout à son inspiration, ne s’était absolument pas soucié du chronométrage de chaque séquence et la bande sonore qui revint à Paris durait trois heures : le double du film ! Il fallut un repiquage d’une extraordinaire minutie pour arriver, sans trahir les richesses de la musique, à condenser cet enregistrement devenu fameux (“Mon journal des “Liaisons” in “Les liaisons dangereuses 1960”, René Julliard, Paris, 1960). »
Crepuscule with Nellie en piano solo accompagne le générique avant que Well You Needn’t ne s’impose durant la réception donnée chez les Valmont. Les dissonances de Ba-Lue Bolivar Ba-Lues Are, Pannonica, Crepuscule with Nellie, la délicatesse de Light Blue, commentent, non sans ambiguïté, la teneur des lettres échangées entre Valmont et Juliette ou leurs agissements. Seul We’ll Understand It Better, By and By que l’on entend au cours du cheminement de Mme de Tourvel en direction d’une chapelle enneigée relève de l’illustration au premier degré. Un thème qui prend une toute autre résonnance lorsqu’il sera repris quand cette dernière cède à Valmont.
Situés en contrepoint, parfois en opposition de l’action, les thèmes de Monk ne la soulignent pas mais agissent à la façon d’une sorte de commentaire “off”. Une démarche assez novatrice dans le cinéma français d’alors qui sera celle de l’immense cinéaste qu’était Alain Resnais. La musique de Thelonious Monk est présente durant un peu moins de trente minutes sur les cent onze que dure Les liaisons dangereuses. Débarrassée du parasitage venu des dialogues, elle prend toute sa valeur. D’autant plus que la présence du tandem rythmique Sam Jones/Art Taylor ne fut que fugitive dans la discographie de Monk et que la présence d’un second ténor tenu par Barney Wilen dans certaines versions de Ba-Lue Bolivar Ba-Lues Are, Rhythm-a-Ning et Crepuscule with Nellie représente une instrumentation inédite.
(d’après les notes de pochette d’Alain Tercinet dans le livret de 48 pages accompagnant la publication de ces inédits)
Sortie le 29 avril sur
Sam records / Saga)
Charlie Rouse, Barney Wilen (sax ténor)
Thelonious Monk (piano)
Sam Jones (contrebasse)
Art Taylor (batterie)
Enregistré au Nola Penthouse Studio de New York le 27 juillet 1959
Le coffret 2 LPs est sortie le 22 avril en exclusivité pour le Disquaire Day - Edition Limité et numéroté à 5000 copies dans le monde. Quelques copies seront disponibles sur le site de
Sam Records à partir du 29 avril minuit.
Sortie en double CDs et digital le 16 juin. La version LP simple sortira le 10 octobre, jours anniversaire des 100 ans de Monk.
Programmation musicale
Thelonious Monk « Les Liaisons dangereuses »
Crepuscule with Nellie (Thelonious Monk)
Sam Records / Saga 5051083116923
Thelonious Monk « Les Liaisons dangereuses »
Pannonica (Thelonious Monk)
Sam Records / Saga 5051083116923
Thelonious Monk « Les Liaisons dangereuses »
By and By (We'll Understand It Better By and By) (Charles Albert Tindley)
Sam Records / Saga 5051083116923
Thelonious Monk « Les Liaisons dangereuses »
Light Blue (Thelonious Monk)
Sam Records / Saga 5051083116923
Thelonious Monk « Les Liaisons dangereuses »
Six in One (Thelonious Monk)
Sam Records / Saga 5051083116923
Jules Farmer « Complete 1959 Imperial Recordings »
Stella By Starlight (V. Young, N. Washington)
Blue Moon 877
Henri Texier « Le coffret JMS »
Amir (Henri Texier)
JMS 042-2
Gaël Horellou « Identité »
Identité (Gaël Horellou)
Breakz 004
Thomas de Pourquery « Sons of Love »
Simple Forces (Thomas de Pourquery)
Label Bleu 6723
Jacques Thollot « Tenga niña »
Tenga niña (Jacques Thollot)
Nato 777701
Eddie Palmieri « Sabiduria »
La Cancha (Eddie Palmieri)
Ropeadope 824833014672 "
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