McCoy Tyner & Freddie Hubbard : Hambourg 1986, un inédit en quartet

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Le concert ne faisait pas partie du festival de jazz de Hambourg - pour ce type d'enregistrement de haute qualité, la Fabrik et la NDR ont uni leurs forces, même au-delà du grand rassemblement annuel de jazz. Et le "salon vert", qui était autrefois une usine de munitions, vibre au son du jazz moderne tel qu'on le pratiquait à l'époque.

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On a déjà beaucoup parlé du "Carnegie Hall d'Onkel Pö", situé sur la Lehmweg à Hambourg-Eppendorf, à propos des enregistrements réalisés par le département jazz de la radio publique NDR dans le club "Onkel Pö" (nom court ou familier du lieu). Au fil des ans, ce club, souvent rempli de fans enthousiastes de toutes les nuances du jazz, est devenu au moins aussi célèbre et notoire que les musiciens qui s'y produisaient devant les micros et les caméras de la NDR. De nombreuses carrières se sont accélérées ici - ou (comme ce fut le cas pour l'inoubliable Al Jarreau) ont commencé au club, ou plus précisément sur la petite scène en face du bar, où la mémorable Harriett tirait de la bière.

L'autre salle de concert remarquable de Hambourg, toujours en activité aujourd'hui, est située à l'ouest de la ville, à Altona. La Fabrik (Usine) a commencé en 1899 en tant qu'usine de fabrication de l'entreprise de bois Hespe & Lembach (et a été transformée en usine de munitions à un stade ultérieur), avant d'être occupée et reprise en 1971. Il ressemble à un vieux crocodile échoué dans la Barnerstrasse, niché dans ce quartier diversifié. Ce lieu n'a jamais été le projet de quelques hommes d'affaires ambitieux et intéressés par la musique (comme ce fut le cas à "Onkel Pö", d'abord avec Peter Marxen, puis avec Holger Kass). C'est plutôt ici qu'une nouvelle ère politique a vu le jour. Un incendie en 1977 n'a pu que brièvement interrompre l'ascension du club - après une rénovation complète soutenue par la ville et une base de fans toujours plus grande, l'équipe de la Fabrik était plus forte que jamais.

Thomas Engel, qui était responsable de la programmation avec l'initiateur et propriétaire Horst Dietrich (décédé en 2014) dans les années pertinentes pour les archives NDR, se souvient : "Les années 80 ont été des années exceptionnelles dans ce pays. Et la Fabrik était le salon du mouvement de gauche. A l'époque, même le FDP avait une aile gauche... Cependant, la Fabrik était aussi un lieu où des compromis inattendus étaient trouvés. Les radicaux du mouvement écolo s'associent aux militants de droite et créent la Grüne-Alternative-Liste. Le programme musical est le plus diversifié de tous les temps. Où ailleurs pourrait-on découvrir les "Boys", les "Jailhouse Jazzmen" locaux, des groupes comme "Slime" et des voix comme celles de Veronika Fischer et Eric Burdon en une seule semaine ? Le point culminant du jazz était le groupe d'Alphonse Mouzon..."

"Wie der Jazz in die Fabrik einzog" (Comment le jazz a fait son entrée dans la Fabrik), c'est le titre d'un court recueil de souvenirs éclairant l'histoire de la Fabrik en tant que salle de concerts de jazz, qui accompagnera les albums jazz issus de ce lieu. S'il est vrai que l'orchestre de jazz de la NDR s'était déjà produit à la Fabrik à ses débuts, "l'histoire du jazz moderne à la Fabrik n'a vraiment commencé qu'un peu plus tard, vers les années 1983/84, lorsque le label "New" était déjà un peu dépassé", se souvient Thomas Engel. À l'époque, le festival annuel d'automne de Hambourg avait supprimé le mot "nouveau" de son titre. Qui peut dire ce qu'est le "New Jazz" de toute façon ? C'est certainement vrai aujourd'hui, mais était-ce déjà le cas à l'époque ? Charlie Parker était-il la référence ou plutôt Peter Brötzmann, Frank Zappa, le Willem Breuker Kollektief et le monde des musiques improvisées ? Une bande de fans de la Fabrik s'est penchée sur cette question et a redéfini les limites de cette chose appelée "jazz" ; une bénédiction pour certains, un signe d'agitation et de déclin pour d'autres. Il allait certainement à contre-courant de la scène spécifique de Hambourg, qui venait de s’affirmer, avec son effronterie et son chic, pour le plus grand plaisir de l'industrie locale du disque". D'ailleurs, "Onkel Pö" faisait plutôt partie de cette scène…

Le trompettiste Freddie Hubbard s'y était déjà produit ; l'enregistrement live d'un concert en 1979 a été publié dans la série "Onkel Pö" d'enregistrements provenant des archives de la NDR. En 1986, il était sur la scène de la Fabrik en tant qu'invité à se joindre au trio de l'un des pianistes majeurs du jazz contemporain : McCoy Tyner, dont le toucher extrêmement puissant ajoutait toujours une qualité percussive très énergique à son jeu virtuose. McCoy Tyner est décédé en mars 2020. Les enregistrements de 1986 (il avait alors 58 ans) le montrent au sommet de sa gloire, maître d'une expressivité unique qui le caractérisait en tant qu'artiste. Sa performance au piano et le charisme exceptionnel de la trompette de Hubbard (né la même année que Tyner (1938) mais décédé en 2008) sont remarquables, mais aussi le bassiste Avery Sharpe, né en 1954, ainsi que Louis Hayes, qui, à l'âge de 80 ans, est encore aujourd'hui l'un des percussionnistes modernes les plus résistants. 
Michael Laages
(extrait du communiqué de presse en anglais - traduction E. Lacaze / A. Dutiilh)