

Depuis trois ans, le rendez-vous bi-mensuel des 1001 Nuits du jazz, au Bal Blomet à Paris, fait salle comble. Il était temps d’en avoir une témoignage enregistré.
Au sommaire aujourd'hui
- Raphaël Imbert & Johan Farjot invités de Alex Dutilh
10 CD à gagner en répondant correctement à la question posée par Alex Dutilh. Cliquez sur "contactez-nous" et laissez vos nom, prénom et adresse postale COMPLETE. 1 CD pour les 10 premières bonnes réponses. Bonne chance !
L'idée de départ de ces 1001 Nuits ? Des "concérences" bimensuelles qui affirmaient que l'on pouvait aimer le jazz sous toutes ses formes, le jouer, le raconter, le penser, le mettre en scène avec des invités prestigieux et des jeunes pousses de la génération montante, pour le bonheur d'un public qui ne serait pas qu'initié !
- 3 invitations pour 2 à gagner pour le concert de Bedmakers samedi 07 mars au Moulin à Jazz à Vitrolles (13) avec Charlie Free. Cliquez sur "contactez-nous" et laissez vos nom et prénom. 1 invitation pour 2 pour les 3 premières bonnes réponses.

De quoi le jazz est-il le nom ? En mars 2016, c'est sur cette question étrange et pénétrante, que nous avons ouvert cette série inédite des "1001 nuits du jazz au Bal Blomet". Guillaume Cornut, le maître des lieux, Johan Farjot, pianiste et chef d'orchestre aux talents multiples, et moi-même, Raphaël Imbert, saxophoniste et amoureux des phrases tant musicales que littéraires, promettions avec un optimisme interrogateur une cinquantaine de ces soirées, pour mieux circonscrire les 1001 nuits symboliques et mythologiques. Après tout, au delà de l'enthousiasme que nous affichions pour l'idée, c'était un pari osé, et rien ne permettait de deviner quels en seraient la perception et le succès.
Trois ans plus tard, le pari semble gagné ! Nous affichons complet à chaque soirée, une audience attentive et joyeuse est au rendez-vous, constituée d'habitués, de curieux, de passionnés, de gens du quartier, ce quartier historique du Montparnasse vibrant des années folles qui retrouve ainsi une part de son swing patrimonial et créatif! Le Bal Blomet, cet ancien relais de poste du 18ème siècle, est de fait l'un des plus anciens clubs de jazz d'Europe, lui qui a fait naitre dès 1924 la rencontre entre l'intelligentsia parisienne de cette époque (Robert Desnos et les surréalistes étaient à quelques mètres plus loin dans la rue Blomet), la communauté antillaise qui porte haut les musiques créoles, et la culture du jazz afro-américain avec la présence des artistes de passages ou ceux qui s'installent dans ce vivier fertile. De Jacques Prévert à Joséphine Baker, en passant par Sidney Bechet ou ... , ce lieu mythique fut le lieu de la découverte et de la création parisienne d'une nouvelle musique, d'une nouvelle pensée, d'une nouvelle culture, faite de métissage, de mélange, de transgression.
Quel meilleur endroit donc pour raconter l'histoire de cette musique multiple et généreuse ? Et quelle meilleure question pour entamer cette série régulière, et vous inviter, après les exemples de nos soirées que vous venez d'écouter, à méditer sur le sujet ? D'ailleurs, vous avez échappé en écoutant ce disque aux flots de paroles que je déverse habituellement lors des soirées Blomet, il n'y a pas de raisons que vous n'en ayez pas un peu à la fin de cet album, que j'espère vous avez apprécié !
Donc, de quoi le jazz est-il le nom?
Une question d'autant plus pertinente qu'elle concerne une musique dont personne ne sait exactement l'étymologie et la signification du nom ! Nous entrons désormais dans le coeur du problème, si problème il y a. Nous tous aimerions n'avoir que ce genre de problème, me diriez-vous, mais le problème n'en est pas moins délicat. Après tout, citez moi une autre musique où les musiciens, les mélomanes, les acteurs de celle-ci ne sont jamais d'accord sur sa définition et son essence. Quelle autre musique n'a strictement aucune idée de la signification de son nom ? Jazz ne veut rien dire, et la multitude des hypothèses concernant son étymologie, parfois plus nombreuses que les musiciens eux-mêmes, ne fait que souligner une identité à la fois fière, paradoxale et nébuleuse. On dit que cela vient du verbe français "jaser" (d'ailleurs, jazz s'écrivit longtemps avec deux s ou deux z au choix), qu'il vient d'un nom propre d'un pianiste lousianais qui s'appelait Jazz, ou d'un mot d'argot d'origine africaine qui désigne l'acte sexuelle. J'aime particulièrement l'étymologie qu'un jour Archie Shepp donna dans une interview : "le Jas, en occitan, c'est la maison. Le jazz est notre maison à tous!". En bon provençal, cette définition me convient assez, ne serait-ce que symboliquement! Et après tout, il y avait assez de sudistes parmi les nombreux français qui arpentaient les territoires américains, pour que l'hypothèse mérite que l'on s'y penche! Mais passons, ce qui compte, c'est que non content que le mot ne signifie pas grand chose, il est de plus assez contesté par les acteurs historiques de cette musique eux-mêmes! À la Nouvelle-Orléans, les musiciens des origines parlent de "rag" ou de "spiritual", voire de "Blues", jamais de jazz. Ensuite, le nom est considéré tout autant comme une manière de dévaloriser leur Art que comme une tentative de classifier leur musique d'un point de vue marketing, une façon de la capitaliser avec, de plus, de fortes connotations racistes. Les jazzmen et jazzwoman n'auront de cesse de donner d'autres termes à leur geste musical pour tenter de sortir de cette distinction : "Great Black Music", "American Classical Music", "Swing", "Americana" et bien d'autres encore.
Malgré tout, le mot "Jazz" est désormais entré dans les moeurs. Après tout, l'ambivalence et le mystère du mot conviennent somme toute assez bien à décrire l'indescriptible, cette relation étonnante de ce phénomène autant sociétale que musicale, fait de paradoxes, de retournements et d'interrogations. Il suffit que quelqu'un affirme avoir trouver la définition ou la description exacte de cette musique pour qu'immédiatement un fait ou un événement viennent en contester la pertinence ! C'est peut être la seule définition qui convienne, le jazz n'est jamais là où on attend qu'il soit! Il est communautaire et universel, sacré et profane, drôle et sérieux, improvisé et composé. Il a des origines claires et des ramifications infinies. Certains affirment qu'il est mort avec le premier disque enregistré en 1917, d'autres qu'il n'est toujours pas véritablement né ! Certain le voit dans les valses musettes de nos bals campagnards, d'autres dans les sambas de Bahia et les poèmes de la Bossa Nova. Il semble s'immiscer dans les lieders berlinois de l'entre-deux guerres, les expérimentations de l'avant-garde contemporaine, les chansons engagés de la Rive Gauche, le picking rural des fous du bluegrass, ou le hip-hop des ghettos de nos métropoles post-industrielles. Mon Dieu (lequel, après tout?), le jazz est nul part et partout! Vous n'y échapperez pas, ne résistez même pas, vous croyez ne pas le comprendre, ne pas l'aimer, qu'il n'est pas pour vous, que c'est le délire de quelques musiciens égocentriques (ce qu'il est, évidemment!), et bien vous venez de comprendre à l'instant qu'il est fait pour vous, quoiqu'il arrive !
Le jazz est la première musique du monde. Il est le résultat d'un non-dit, d'une absence, d'une dénégation. La mémoire d'un crime contre l'humanité impensable qu'est la mise en esclavage systématique de tout un peuple fut à ce point contestée, combattue et méprisée qu'elle créa en réaction l'un des actes de résistance les plus originaux. De l'expérience interdite et clandestine africaine des origines, est né un geste poétique, spirituel, politique et universel. Pour la première fois de l'histoire de l'Humanité, l'ensemble des communautés, des cultures et des expériences en présence furent inscrites dans un même geste créatif, représentant l'ensemble de ces humanités nombreuses. Une musique Arlequin, un universel diversifiel, le paradoxe à la fois ultime et originel du génie populaire d'un peuple "rhyzome", pour reprendre l'image allégorique chère au philosophe et poète Édouard Glissant.
Résistant, libre, fier, spirituel, donc drôle et recueilli, les noms du jazz se dessinent donc clairement à notre esprit. Quand Ornette Coleman revendiquait tel un slogan l'expression "Free Jazz", ce n'était pas tant pour affirmer la redondance d'un pléonasme évident (le jazz est libre ou il n'est pas !) que pour déclarer que l'on doit libérer le jazz ! Le libérer de ses questions, de ses querelles, de ses débats byzantins, de ses systèmes, de ses catégories. Libérez ce qui doit rester libre, tel est le nom du jazz.
Programmation musicale
- 18h08
Blues for Angels (In Memoriam Didier Lockwood) Raphaël Imbert & Johan FarjotBlues for Angels (In Memoriam Didier Lockwood)Johan Farjot. (Compositeur), Raphaël Imbert (saxophone), Johan Farjot (piano), Elsa Moatti (violon 1), Irène Martin (violon 2), Hélène Hadjiyiassemis (alto), Stéphanie Huong (violoncelle), Denis Pitalua (contrebasse), Elvire Jouve (batterie)
Album Les 1001 Nuits du Jazz (2020)Label LA COMPAGNIE NINE SPIRIT / MUSIC DEVELOPMENT COMPANY (MDC022) - 18h13
The mooche Raphaël Imbert & Johan FarjotThe moocheDuke Ellington. (Compositeur), Raphaël Imbert (saxophone), Johan Farjot (piano), Pascal Mabit (saxophone), Quentin Lourties (trompette), Cyril Galamini (trombone), Louis Alleaume (trompette), Grégoire Oboldouieff (contrebasse), Jérôme Renaud (batterie)
Album Les 1001 Nuits du Jazz (2020)Label LA COMPAGNIE NINE SPIRIT / MUSIC DEVELOPMENT COMPANY (MDC022) - 18h23
Gravenstein Raphaël Imbert & Johan FarjotGravensteinDaniel Humair. (Compositeur), Raphaël Imbert (saxophone), Johan Farjot (piano), Damien Varaillon (contrebasse), Daniel Humair (batterie)
Album Les 1001 Nuits du Jazz (2020)Label LA COMPAGNIE NINE SPIRIT / MUSIC DEVELOPMENT COMPANY (MDC022) - 18h29
The Yemeni Merchant and the Three Different Colored Women Kip HanrahanThe Yemeni Merchant and the Three Different Colored WomenKip Hanrahan. (Compositeur), JT Lewis (batterie), Don Pullen (piano), Carmen Lundy (voix)
Album A thousand nights and a night (1996)Label AMERICAN CLAVE - 18h38
Whisper Not Al BellettoWhisper NotBenny Golson. (Compositeur), Al Belletto (saxophone alto, clarinette, voix), Willie Thomas (trompette, voix), Jimmy Guinn (trombone, contrebasse, voix), Fred Crane (piano, saxophone baryton, voix), Kenny O'Brien (contrebasse, voix), Tom Montgomery (batterie, trompette, voix)
Album The Al Belletto Quintet & Sextet 1954-1957 (2019)Label Fresh Sound (FSRCD988) - 18h44
The Road to Lisdoonvarna BedmakersThe Road to LisdoonvarnaTraditionnel Irlande (Compositeur), Robin Fincker (saxophone ténor), Mathieu Werchowski (violon), Pascal Niggenkemper (contrebasse), Fabien Duscombs (batterie)
Album Tribute To An Imaginary Folk Band (2017)Label Mr Morezon (MRM017) - 18h50
The Peacocks Sylvain RiffletThe PeacocksJimmy Rowles. (Compositeur), Sylvain Rifflet (saxophone ténor, harmonium, shruti box), Verneri Pohjola (trompette), Benjamin Flament (percussions)
Album Troubadours (2019)Label Magriff - 18h54
I Want a Little Girl Louis Armstrong & His Hot SevenI Want a Little GirlBilly Moll. (Compositeur), Murray Mencher. (Compositeur), Louis Armstrong (trompette, voix), Victor 'Vic' Dickenson (trombone), Barney Bigard (clarinette), Charlie Beal (piano), Allen Reuss (guitare), Red Gallender (basse), Zutty Singleton (batterie)
Album Intégrale Louis Armstrong vol. 12 1946-1947 ""New Orléans"" (2013)Label Frémeaux & Associés (FA 1362) - 18h57
Boogaloo Will VinsonBoogalooWill Vinson. (Compositeur), Will Vinson (saxophone alto), Sullivan Fortner (piano)
Album Four Forty One (2020)Label Whirlwind (WR4752)
L'équipe
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