Avec "Troubadours", Sylvain Rifflet démontre que l’amour-courtois est plus nécessaire que jamais. Il lui a fallu passer par l’Inde et par un trio fort singulier pour en trouver le chemin.
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- Sylvain Rifflet à la Une
"Je n'ai jamais fait de disque "modal" et j'avais envie de tenter cette aventure tout en m'assurant de rester aussi éloigné que possible des clichés du saxophoniste qui se lance dans la musique modale. Dans ce cas la référence à Coltrane est assez complexe à éluder. En me tournant vers un son hybride : musique modale et bourdons indiens, j'avais des possibilités musicales plus larges et plus intéressantes pour ce projet."
"À l'aube du XIIe siècle, en Limousin et dans les autres régions de l'actuelle Occitanie, naît une littérature moderne qui va influencer l'Europe entière. Les troubadours chantent l'amour, joie et jeunesse, dans une savante alchimie des mots et des sons. Grands seigneurs ou simples roturiers, ces poètes-musiciens, vont animer plus de deux cents ans de vie intellectuelle avec savoir et connaissance." (Gérard Zuchetto)
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Et bien voici un projet bien excitant… Décidément, Sylvain Rifflet (Victoire du Jazz 2016 avec "Mechanics", Meilleur Album de l’Année) prend un malin plaisir à "détricoter" tout ce qu’il entreprend dans ses albums précédents pour mieux nous régaler de ses curiosités les plus emballantes. Cherchant en permanence le contrepied et partant constamment dans des directions littéralement opposées, Sylvain Rifflet nous offre ici un de ses rêves : celui d’intégrer un jour des influences de musique médiévale (essentiellement profane) et la musique répétitive à un projet de musique modale. Voici donc "Troubadours", qui paraît chez Magriff/L’Autre Distribution, pour un déluge de poésie musicale d'amour-courtois et illuminé par trois ménestrels de haute volée.
L’idée n'était pas d'être dans l'exactitude historique mais plutôt dans une ambition imagée de ce que pourrait être aujourd'hui une musique poétique portée par une instrumentation simplissime : deux instruments à vent, un bourdon et quelques percussions. Sylvain Rifflet s'est inspiré des enregistrements de pièces de musique médiévale profane (souvent d'auteur inconnu) d’ensembles comme Alla Francesca, dirigé par Brigitte Lesne, ou Capella de Ministrers, pour s'approcher au plus près de l'idée qu’il se faisait de la musique des troubadours.
La musique médiévale monodique n'était accompagnée à ses débuts que par des percussions ou par un bourdon. Les phénomènes de tensions/détentes étant vraiment les sources de la musique modale. Cela se traduit par un jeu sur un mode (une série de notes), et la combinaison à partir de là de ces phénomènes avec la note jouée par le bourdon. Tel est le principe de base de la musique indienne, de manière très schématique.
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Pour réaliser ce bourdon, plutôt que d'utiliser des instruments d'époque, harmonium et shruti-box trouvent leur place. En 2017, suite à une tournée en Inde avec Mechanics, Sylvain Rifflet retrouve avec amour les sons de la musique indienne qu'il avait abordé (abordé, tant ils s'avèrent complexes et savants avec leurs propres codes) au Conservatoire de Paris avec Patrick Moutal. Il joue avec des musiciens indiens à Mumbai et s'achète une petite shruti-box dans une boutique de New Delhi. "Depuis j'en jouais régulièrement, en faisant des improvisations et je me suis dit qu'il serait idéal de mélanger ces sons avec ceux de mes instruments, de la trompette de Verneri Pohjola et des percussions de Benjamin Flament. Lorsque j'ai trouvé ce système qui me permet de les actionner au pied tout en jouant du saxophone, il devenait évident que je possédais là des objets sonores et poétiques fantastiques pour ce programme autour de ces premiers poètes de l'amour."
Les troubadours conviés à festoyer :
Sordello (da Goito), star des troubadours italiens né à la fin du XIIème siècle qui enleva à la demande de ses employeurs (Ezzelino III et Alberico da Romano) leur soeur Cunizza, et qui suite à ses amours avec cette dernière devra se réfugier en Provence. Sordello a écrit plusieurs sirventès (chansons qui n’ont pas l’amour, la "fin-amor", pour sujet) dans lesquels la satire personnelle revêt une forme vraiment originale, et quelques sirventès historiques. Le plus célèbre est celui qu'il composa sur la mort de Blacas (1237) où il invite les différents princes de la chrétienté à manger le coeur du héros. Plus tard plusieurs poètes le citeront, Dante (Alighieri 1265-1321) d'abord, puis Robert Browning (poème Sordello 1836), et enfin, Oscar Wilde. Ecrit à l'origine pour une pièce de danse chorale de la chorégraphe italienne Valéria Giuga, ce morceau, réécrit pour plusieurs saxophones et enregistré en Re-Re, ouvre au solo de Verneri, majestueux comme Sordello, et "présente" les acteurs de l'album.
Eble (de Ventadour) soit Eble (II - Cantator) (XIème) initia Bernard de Ventadour. Tous deux comme leur suzerain Guillaume IX d’Aquitaine, premier grand troubadour, font partie de la première génération de troubadours en Limousin. Bernard eût un fils qu’il appela Eble (III), ce dernier épousa la femme pour qui son père avait écrit ses premiers poèmes. Ce morceau emprunte les codes caractéristiques de la musique modale médiévale. Au-dessus d'un bourdon, une simple mélodie en apparence, mais dans laquelle les tensions sont multiples ; avec tierce mineure et tierce majeure dans le même thème pour l’originalité. Eble est une des deux pièces en dialogue du saxophone et de la trompette.
Alberico (da Romano), à la fois condottiere (mercenaire et chef d’armée) et troubadour, fut podestat (maire) de Vicence puis de Trévise. Excommunié par le pape (Alexandre IV) il se réfugia dans son château (San Zenone degli Ezzelini). Assiégé par les troupes papales il se rendit en espérant la grâce pour lui et sa famille, qui fût massacrée sous ses yeux ! Il finit torturé et trainé par un cheval jusqu’à la mort dans les rues de Trévise. Une pièce soutenue par une rythmique qui illustre bien ce troubadour rebelle.
Béatrice (de Die) fut la plus célèbre trobairitz de la fin du XIIème siècle. On connaît peu de choses d’elle mais elle a laissé une chanson, belle et poignante, qui raconte son amour contrarié avec Raimbaut d’Orange, seigneur et troubadour lui aussi. Une introduction improvisée entre Verneri et Benjamin, puis le thème joue sur les tensions avec le bourdon posé par la shruti-box. Les improvisations de saxophone viennent agrémenter chaque phrase évoquant le motif de départ.
Na (de Casteldoza) (XIIIème) a laissé trois "cansos" sans musique. Le troubadour quercinois Uc de Saint Circ décrit sa "vida" ainsi : "Dame “Castellose” donc fut d'Auvergne, noble femme, épouse du Turc de Mairone, et elle aima Armand de Bréon, et elle fit sur lui ses chansons. Et c'était une dame fort gaie, fort instruite et fort belle". Pour révéler ce personnage mystérieux et séduisant, cette pièce à l'origine appelée "Elle...", met en scène en duo Verneri et Rifflet. La partition à la clarinette, entièrement écrite, est jouée en respiration circulaire en même temps que la shruti-box est actionnée, tandis que Verneri illumine la belle d’un sublime solo.
Bertran (de Born) (1140 – 1215), seigneur intrigant de son temps à la cour du Roi d’Angleterre, fût un proche des fils d'Henri II (Henri Plantagenet), Richard Coeur de Lion et Henri le Jeune. Quand on évoque ce seigneur, on songe aussitôt aux fameux vers de Dante Alighieri (1265-1321) (La Divine Comédie, Inferno, XXVIII, 112-142) qui évoquent son ombre terrible qui erre dans l’enfer, tenant dans une main sa tête en guise de lanterne, afin d’expier le crime d’avoir soulevé le fils Henri dit le Jeune Roi contre son père Henri II. Bertran de Born fut aussi considéré comme le chantre de l’indépendance du Midi, un condottiere besogneux et sans scrupule et un seigneur riche et charitable.
L'unique source pour connaître la vie de AzalaÏs (de Porcairagues) (XIIème) est une brève biographie en prose écrite au XIIIème siècle : "Dame Azalaïs de Porcairagues, une dame de haute noblesse et de culture, était originaire de la région de Montpellier. Elle s'éprit de sire Gui Guerrejat, le frère de sire Guillaume de Montpellier. Elle s'entendait à la poésie et composa à son propos maintes chansons de qualité". Mesure impaire pour sied avec légèreté à la Dame de Porcairagues.
En langue d'oc, trobar signifie "trouver". Trobaire ou trobador désignent le "trouveur". Le "trouveur" est à la fois créateur, compositeur, jongleur et interprète de poésie et de musique : le trobar. Moine, seigneur ou roturier, professionnel ou amateur, il est trobador par talent ou par métier, connaisseur de belles lettres et inventeur de poésie, chercheur, sculpteur ou peintre des notes. Il défend son art en public, devant les confrères, les initiés et les dames, et il tend à se dépasser et à s'élever.
Où écouter Sylvain Rifflet
- A Paris (75) jeudi 21 et vendredi 22 novembre à 20h à l’ Atelier du Plateau pour la parution de “Troubadours”
- A Persan (95) samedi 23 novembre à 20h30 au Conservatoire à Rayonnement Communal dans le cadre de Jazz au Fil de l’Oise
- A Quimper (29) mercredi 27 novembre à 20h au Théâtre de Cornouaille
- A Caen (14) mardi 10 décembre à 20h à l’ Auditorium Jean-Pierre Dautel du Conservatoire
- A Paris (75) samedi 09 mai à 20h30 au Studio 104 de la Maison de la Radio dans le cadre des concerts Jazz sur le vif de Arnaud Merlin
- Toutes les dates sur le site de Sylvain Rifflet
Sylvain Rifflet (saxophones, clarinettes, shruti-box)
Verneri Pohjola (trompette)
Benjamin Flament (percussions)
Sandrine Marchetti (harmonium)
Programmation musicale
- 18h06
Sordello (da Goito) Sylvain RiffletSordello (da Goito)Sylvain Rifflet. (Compositeur), Sylvain Rifflet (saxophone ténor, clarinette, clarinette basse, harmonium, shruti-box), Verneri Pohjola (trompette), Benjamin Flament (percussions)
Album Troubadours (2019)Label MAGRIFF - 18h09
Eble (de Ventadour) Sylvain RiffletEble (de Ventadour)Sylvain Rifflet. (Compositeur), Sylvain Rifflet (saxophone ténor, clarinette, clarinette basse, harmonium, shruti-box), Verneri Pohjola (trompette), Benjamin Flament (percussions)
Album Troubadours (2019)Label MAGRIFF - 18h13
Alberico (da Romano) Sylvain RiffletAlberico (da Romano)Sylvain Rifflet. (Compositeur), Sylvain Rifflet (saxophone ténor, clarinette, clarinette basse, harmonium, shruti-box), Verneri Pohjola (trompette), Benjamin Flament (percussions)
Album Troubadours (2019)Label MAGRIFF - 18h19
I'vo'bene - 18h23
It's Allright With Me Stan GetzIt's Allright With MeCole Porter. (Compositeur), Stan Getz (saxophone ténor), Steve Kuhn (piano), John Neves (contrebasse), Roy Haynes (batterie)
Album Getz at The Gate (2019)Label Verve - 18h31
Don’t give up The William SingersDon’t give upAlbum World spirituality classics 2 : The time for peace is now (2019)Label LUAKA BOP - 18h36
Little Person Brad MehldauLittle PersonJon Brion. (Compositeur), Brad Mehldau (piano), Larry Grenadier (contrebasse), Jeff Ballard (batterie)
Album Blues and ballads (2016)Label NONESUCH RECORDS - 18h41
Stay As Sweet As You Are Betty CarterStay As Sweet As You AreMack Gordon. (Compositeur), Harry Revel. (Compositeur), Betty Carter (voix), Mulgrew Miller (piano), Christian McBride (contrebasse), Lewis Nash (batterie)
Album It's Not About the Melody (1992)Label VERVE - 18h49
Freedom Ranky TankyFreedomRanky Tanky. (Compositeur), Calvin 'CL' Baxter II. (Compositeur), Quiana Parker. (Compositeur), Clay Ross. (Compositeur), Quiana Parler (voix), Clay Ross (guitare, voix), Charlton Singleton (trompette, voix), Kevin Hamilton (basse), Quentin E. Baxter (batterie, percussions)
Album Good time (2019)Label RESILIENCE MUSIC - 18h53
Summer Meditation Erik SkovSummer MeditationErik Skov. (Compositeur), Erik Skov (guitare), Dustin Laurenzi (saxophone ténor), Emily Kuhn (trompette), Euan Edmonds (trombone), Kitt Lyles (basse), Gustavo Cortiñas (batterie, cymbales)
Album Liminality (2019)Label OA2 (22169)
L'équipe
- Production
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- Réalisation