Dès son arrivée à Leipzig et parallèlement à la composition régulière de nouvelles cantates dominicales, Jean-Sébastien Bach construit de vastes édifices liturgiques : ...
... pour la semaine sainte, il compose dès avril 1724 une première Passion, selon Saint-Jean, puis une deuxième en 1727, la Saint-Matthieu, monumentale, aux proportions jusque-là jamais atteintes ; il orne également les cérémonies funèbres des plus beaux Motets, et les fêtes de la Nativité et du Nouvel An d’un répertoire somptueux comprenant notamment un Magnificat.
A sa réputation d’organiste exceptionnel s’ajoute celle de compositeur hors-norme qui dépasse très largement la ville de Leipzig au milieu des années 1720. Dans un ouvrage publié en décembre 1728 destiné à recenser la culture nécessaire à la constitution de « l’honnête homme » de l’époque (Der Biedermann), l’auteur présente les trois plus grands compositeurs allemands du temps : « Telemann est l’un des trois maîtres de la musique qui font aujourd’hui honneur à notre patrie. Haendel est admiré à Londres de tous les connaisseurs, et monsieur le maître de chapelle Bach est en Saxe à la tête de ses pairs ». Jean-Sébastien reçoit d’ailleurs à Leipzig bon nombre de visites de musiciens éminents, tandis que ses élèves formés à l’orgue autant qu’à la composition commencent à rayonner à travers le pays.
Seulement voilà, le rayonnement de son grand art, sa production liturgique monumentale, sa renommée en tant qu’organiste et expert en facture d’orgue, contrastent de plus en plus avec sa situation de cantor et les traitements infligés par les autorités de Leipzig. Le cahier des charges qui le lie à la municipalité est très strict et n’évolue sur aucun point au fil des ans. Bach n’a par exemple pas le droit de sortir de la ville sans en demander l’autorisation au Bourgmestre, on encore, ne peut accepter aucun office en dehors de sa charge sans le consentement du Conseil municipal. Que ce soit du côté de l’Université ou de ses liens avec le recteur de l’école Saint-Thomas, chaque demande est sujet à querelles ; il lui faut fournir des efforts considérables pour faire aboutir des initiatives qui lui semblent pourtant être de première nécessité, lorsqu’il s’agit par exemple du recrutement des instrumentistes ou d’une rémunération concernant une de ses nouvelles œuvres. Et pour couronner le tout, il perçoit exactement le même salaire pendant les 27 années de son « cantorat ».
Jean-Sébastien Bach se heurte quotidiennement aux autorités qu’il estime n’avoir que « trop peu de goût pour la musique ». Sept années après son arrivée à Leipzig, on peut sentir le découragement et les désillusions du cantor en lisant la longue lettre envoyée à son ami Erdmann datée du 28 octobre 1730 où il se plaint des autorités « sujettes à de trop fréquentes quintes d’humeur » et de sa vie leipzigoise qui « se passe dans une contrainte presque perpétuelle, objet de l’envie et de la persécution ». Pour échapper aux esprits locaux trop étriqués ne lui fallait-il pas à présent se tourner vers Dresde et tenter d’atteindre la cour de Saxe ?
Jean-Sébastien Bach
Passion selon Saint-Jean BWV 245
Choral « Ach Herr lass dein lieb Engelein »
Ricercar Consort
Direction Philippe Pierlot
Disque : Mirare MIR 136 (2011)
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