Propos sur Bach d'Arnold Schönberg (1946)

Bach / Arnold Schönberg (autoportrait), 1910
Bach / Arnold Schönberg (autoportrait), 1910
Bach / Arnold Schönberg (autoportrait), 1910
Bach / Arnold Schönberg (autoportrait), 1910
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S’il délaisse la tonalité pour composer avec la totalité des douze sons chromatiques, Arnold Schönberg (1874-1951) n’en reste pas moins l’un des plus grands connaisseurs et théoriciens de la musique tonale. Dans le panthéon des compositeurs qui ont compté pour lui, Bach occupe une place privilégiée.

« Quand on a pris connaissance de la souplesse contrapuntique des thèmes de Bach, qui tient très certainement à ce que sa pensée se développe instinctivement en termes de contrepoint multiple et donne ainsi une carrure particulière aux voix d’accompagnement, et qu’on passe ensuite au contrepoint de Haendel, on se prend à trouver le contrepoint de Haendel nu et sommaire, et ses voix d’accompagnement fort médiocres.

Bach est également supérieur à Haendel sur d’autres points. Compositeur de théâtre, Haendel sait toujours commencer son œuvre par un thème caractéristique et souvent excellent. Mais ensuite, sauf quand il se borne à répéter son thème, son écriture baisse de qualité, n’apportant plus qu’une « pacotille » : dessins en accords brisés, vides de sens, dénués d’intérêt et tout juste bons pour un recueil d’exercices.

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Alors que chez Bach les passages de transition et de rôle secondaire abondent en trouvailles originales, témoignages constants d’invention, d’imagination et d’expression. Les voix d’accompagnement ne dégénèrent jamais en banalités chez Bach et pourtant il sut écrire des mélodies aisées et parfaitement équilibrées dont la beauté, la richesse, le pouvoir d’émotion dépassent tout ce que purent jamais produire un Keiser, un Telemann et un Carl Philipp Emanuel qui le trouvaient démodé.

Et tandis que Bach, comme je viens de le dire, édifiait œuvre après œuvre un style nouveau, ses contemporains réussirent à ne pas s’en apercevoir. Ceux-ci ne virent naturellement pas davantage que Jean-Sébastien avait été le premier à innover une technique qui se révéla indispensable à la vitalité de la “musique nouvelle” : le développement par variation, d’où naquit le style des grands classiques viennois. »

SOURCE : Arnold Schönberg, « La musique nouvelle, la musique démodée, le style et l’idée » (1946), dans Arnold Schönberg, Le style et l’idée, écrits réunis par Léonard Stein, traduit de l’anglais par Christiane de Lisle, Paris, Buchet/Chastel, 1977, p. 97.

Jean-Sébastien BACH
Variations Goldberg BWV 988
Variation n° 13
Arrangement pour cordes de Dmitry Sitkovetsky
Britten Sinfonia, Thomas Gould (dir.)
Disque : Harmonia Mundi HMU 807633 (2015)

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