Propos sur Bach de Claude Debussy (1901)

Claude Debussy, vers 1908
Claude Debussy, vers 1908 - Félix Nadar
Claude Debussy, vers 1908 - Félix Nadar
Claude Debussy, vers 1908 - Félix Nadar
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De l’art de Jean-Sébastien Bach, Claude Debussy (1862-1918) retient ce qu’il nomme l’« arabesque musicale » qu’il décrit notamment dans la presse du début du XXe siècle, lorsqu’il prend la plume sous le pseudonyme de Monsieur Croche pour rendre compte des concerts de son temps.

« On trouve dans les cahiers du grand Bach cette “arabesque musicale” ou plutôt, ce principe de “l’ornement” qui est à la base de tous les modes d’art. (Le mot “ornement” n’a rien à voir ici avec la signification qu’on lui donne dans les grammaires musicales.)

Les primitifs, Palestrina, Vittoria, Orlando di Lasso, etc., se servirent de cette divine “arabesque”. Ils en trouvèrent le principe dans le chant grégorien et en étayèrent les frêles entrelacs par de résistants contrepoints. Bach en reprenant l’arabesque la rendit plus souple, plus fluide, et, malgré la sévère discipline qu’imposait ce grand maître à la Beauté, elle put se mouvoir avec cette libre fantaisie toujours renouvelée qui étonne encore à notre époque.

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Dans la musique de Bach, ce n’est pas le caractère de la mélodie qui émeut, c’est sa courbe ; plus souvent même, c’est le mouvement parallèle de plusieurs lignes dont la rencontre, soit fortuite, soit unanime, sollicite l’émotion. A cette conception ornementale, la musique acquiert la sûreté d’un mécanisme à impressionner le public et fait surgir les images.

Qu’on n’aille pas croire à quelque chose de hors nature ou d’artificiel. C’est au contraire infiniment plus “vrai” que les pauvres petits cris humains qu’essaye de vagir le Drame lyrique. Mais je dois ajouter que cette conception ornementale a aujourd’hui complètement disparu ; rendez-vous compte, on a réussi à domestiquer la musique… »

Référence :
Claude Debussy, « Compte-rendu du Concert Colonne du vendredi saint », dans La Revue blanche du 1er mai 1901, repris dans Claude Debussy, Monsieur croche et autres écrits, Paris, Gallimard, 1987, p. 34-35.

Le Bach du dimanche
1h 59

♫ Jean-Sébastien BACH
Concerto pour clavier en fa mineur BWV 1056
2. Largo
Maria Joao Pires, piano
Orchestre de Chambre de la Fondation Gulbenkian de Lisbonne, Michel Corboz (dir.)
Enregistrement de 1974
Disque : ERATO 0825646310654/1 (2014)

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