Après l’annonce de la mise en place d’un couvre-feu en Ile-de-France et dans 8 métropoles, les salles de spectacle doivent s’adapter pour qu’à 21h, tout le monde soit rentré. Reportage à Paris, aux Bouffes du Nord.
A partir de 15h, aux Bouffes du Nord, la billetterie est ouverte. Les spectateurs appellent pour réserver mais aussi pour s’informer des changements d’horaires des représentations après l’annonce du couvre-feu il y a une semaine. Une annonce à laquelle a réagi très vite le théâtre, nous explique Sophie Darragi, sa secrétaire générale :
« Mercredi on était à deux jours de la première des Chiens de Navarre et on a pris tout de suite la décision de ne pas attendre de savoir s’il y aurait ou pas une dérogation pour retarder un peu le début des représentations pour les spectacles. On a pris le parti d’annoncer tout de suite 19h et ce dès la première représentation. »
Un communiqué de presse a été envoyé dès le vendredi matin avec les nouveaux horaires, et la billetterie a lancé un mail aux personnes qui avaient déjà réservé des places. Un service très sollicité depuis, par mail et par téléphone, explique Margaux Gauthier, chargée de la billetterie, « "Est-ce que c’est maintenu ? A quelle heure ? Mais moi j’habite trop loin je peux pas venir", ce sont les questions les plus récurrentes ».
« On pensait s’en être tiré après le printemps »
Si pour la pièce de Jean-Christophe Meurisse et Les Chiens de Navarre, la solution a été trouvée rapidement, parce que le spectacle dure une heure, tout se complique lorsqu’il s’agit d’une création de 3h30, comme Les Couleurs de l’air d’Igor Mijinsky. Production des Bouffes du Nord, elle doit être présentée au Théâtre La Piscine à Châtenay-Malabry à partir du 4 novembre. Il était encore envisagé hier après midi de diviser le spectacle en trois parties. Finalement il a été décidé en fin de journée, de transformer les trois premières dates en générales publiques gratuites, avant la première le 7 et le 8 novembre. « On navigue à vue », déclare Marko Rankov, directeur de la production :
« Nous on a un boulot qui consiste à anticiper, à prévoir, à planifier, donc c’est extrêmement difficile. On essaie de se projeter, on continue à monter des tournées sur les saisons prochaines, on continue à défendre des spectacles pour les saisons prochaines mais on sait qu’à chaque moment tout ça peut s’écrouler. On pensait s’en être tiré après le printemps et les centaine d’annulations qu’on a subies. Là on essaie de faire ce qu’on peut au jour le jour, et chaque jour que l’on passe avec des spectateurs dans la salle et un spectacle qui se joue c’est déjà ça de gagné. »
« Ça questionne beaucoup plus qu’on croit »
Avec le couvre-feu et l’horaire des spectacles qui est avancé, c’est l’essence même d’un secteur qui est questionné pour Olivier Poubelle qui dirige les Bouffes du Nord avec Olivier Mantei :
« On peut réinventer un modèle autour du spectacle à d’autres moments de la journée mais c’est vrai que ça questionne beaucoup plus que l’on croit. Moi je peux assumer de dire que je suis venu dans le milieu du spectacle parce que je ne voulais pas être chez moi le soir. J’avais envie de la nuit. Au travers de la fermeture de nos lieux, c’est aussi une relation à la nuit dans une société comme la notre qui est potentiellement en train de changer. Moi je fais pas partie de ces gens qui pensent qu’il faut faire des concerts l’après-midi, que l’on peut faire des pièces de théâtre à 17h, 18h, je crois que ça change quelque chose au-delà de l’heure à laquelle ça se fait ».
Pas d’autres choix pour le moment que d’avancer les spectacles. Le public s’est montré très compréhensif jusqu’ici affirme l’équipe des Bouffes du Nord. Comment va-t-il réagir aux concerts à 18h30 ou 19h en semaine à partir de lundi prochain ? C’est encore une inconnue.
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