Compositeur de musique contemporaine réputé, le Moscovite s'est exilé en France, avec sa femme et ses trois enfants. "L’art contemporain est une forme d’opposition politique", juge-t-il. Portrait.
Une enfance tranquille sous Brejnev, dans une famille de l'intelligentsia russe où l'on ne "parlait pas de guerre", où l'on écoutait Chostakovitch mais aussi du jazz. Le jeune Dmitri Kourliandski se destine d'abord à une carrière de flûtiste. Un cursus qui l'amènera en France, raconte-t-il : "Lorsque j’avais 19 ans, j’ai habité à Paris. J’ai étudié au conservatoire du IXe arrondissement et j’ai commencé à me préparer pour rentrer au CNSMD." Mais à cause de problèmes aux lèvres, Dmitri doit arrêter la flûte. Pourquoi pas alors devenir compositeur ? "C’était à Paris que j’ai écouté pour la première fois la musique de Ligeti, Boulez…", se souvient-il. C’était mon premier contact avec la musique contemporaine. J’allais à la Fnac acheter des CD pour écouter leur musique."
À son retour à Moscou, Dmitri s'inscrit donc au Conservatoire Tchaïkovski pour étudier la composition. Après une "crise de création", il commence alors à trouver ses propres "formes de musique", son propre "son". Compositions bruitistes, souvent qualifiées de "saturationnistes", bruits de mastication, de voitures, d'horloges... Une musique résolument contemporaine qui n'est plus vraiment en odeur de sainteté en Russie. "Toutes ces années, cela n’a pas été facile de créer des institutions de musique contemporaine, il y avait toujours des résistances. Si notre société musicale était assez conservatrice, c’était quand même possible", raconte le Moscovite. "Mais aujourd'hui, l'idéologie qui a tendance à devenir dominante est complètement contre les compositeurs contemporains."
"Toutes mes activités étaient détruites en Russie"
"Toutes mes activités étaient détruites en Russie", poursuit-il, parce que c'étaient des initiatives internationales, pas que pour les compositeurs russes mais pour tout le monde." Des activités aujourd'hui menacées face à la politique isolationniste du gouvernement russe. Le compositeur collaborait aussi avec un théâtre dramatique à Moscou, dont il était directeur musical. Engagé en faveur de son art, Dmitri avait créé en 2005 Structural Resistance, un groupe de six compositeurs dont l'objectif était de lier les artistes contemporains et de promouvoir les jeunes talents. Il a aussi fondé il y a 12 ans une académie de jeunes compositeurs à Tchaïkovski, une ville dans la région de l’Oural.
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Lorsque la guerre éclate, il devient alors inconcevable pour le compositeur de rester ("je ne vois pas de possibilité de continuer, ni économique, ni morale"), d'autant que sa femme, Anastassia, est journaliste politique, spécialisée dans le traitement des actions en opposition à Poutine. "Pour elle ça devenait vraiment dangereux de rester". Ils vendent leur appartement à Moscou, laissent de l'argent pour leurs parents, réservent des billets d'avion et atterrissent fin mars à Paris avec leurs trois enfants, de 3, 12 et 14 ans. "Nous sommes dans un hôtel. L’ambiance est très calme, surtout après la tension immense que nous avons connue à Moscou. Mais ça ressemble un peu à une salle d’attente. Nous étudions des possibilités pour quitter cette salle d’attente, pour aller dans le vrai monde."
Avec l'aide de l'Atelier des artistes en exil (auquel France Musique a consacré un reportage) et de l'Institut français à Moscou, lui et sa famille cherchent à acquérir un statut durable. Pour le moment, ils ont des visas touristiques, valables trois mois seulement. Pendant ce temps, Dmitri écrit toujours. La musique de l'opéra Eurydice, notamment, encore joué au Théâtre de l'Athénée en avril dernier. Le compositeur connaît bien la France, pour y avoir vécu donc mais aussi pour y avoir participé à plusieurs académies, et enseigné plusieurs fois à Royaumont. Il a plusieurs projets en cours, en France, en Belgique et en Suisse.
"Nous imaginions que la censure russe allait être de plus en plus forte. Nous étions prêts à cela, prêts à résister, continuer. Mais nous n’étions pas prêts pour la guerre", souffle Dmitri. Malgré tout, le fait de composer de la musique contemporaine constitue selon lui un acte politique en soi : "Les compositeurs contemporains connus en Europe sont tous contre la guerre. Parce que je crois que l’art contemporain est une forme d’opposition politique, un instrument de critique." La "grande culture" est complexe, "fait des individus complexes, capables de penser", conclut Dmitri. Et donc capables de mieux résister aux régimes totalitaires.
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- 08h07
Märchenerzählungen op 132 : Lebhaft nicht zu schnell - pour clarinette alto et piano ROBERT SCHUMANN (Compositeur)Märchenerzählungen op 132 : Lebhaft nicht zu schnell - pour clarinette alto et piano, ADRIEN BOISSEAU
Album Robert Schumann : Musique de chambre (2015)Label OEHMS CLASSICS
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