Enregistrer des intégrales « on a besoin dans la vie de projets un peu fous »

Les mains qui se promènent sur le clavier de ce clavicorde appartiennent à Benjamin Alard. Nous sommes dans l’appartement parisien du musicien, organiste, claveciniste et clavicordiste qui s’est lancé depuis 4 ans dans un projet titanesque, l’enregistrement de l’intégrale des œuvres pour clavier de Jean-Sébastien Bach. Un projet né d’une passion tout aussi immense pour le compositeur. « La musique de Bach m’habite depuis longtemps, j’ai un rapport particulier avec elle, elle structure ma vie, mon travail, ma vie de musicien. J’ai donc essayé au mieux, enfin je suis en train d’essayer au mieux, de faire quelque chose de complet et de montrer que cette musique peut avoir beaucoup de facettes différentes ».

« C’est une passion donc c’est incessant »

Depuis 2018, Benjamin Alard a sorti chez Harmonia Mundi 5 volumes de son intégrale. Le pianiste Geoffroy Couteau a quant à lui déjà enregistré l’intégrale des œuvres pour piano seul de Brahms, et il se consacre actuellement à celui de ses œuvres pour piano en musique de chambre. Et tout comme pour Benjamin Alard, ce projet occupe une large place dans sa vie. « C’est une passion donc c’est incessant, tout ramène à ça et évidemment j’ai regardé tous les manuscrits qu’on pouvait trouver en ligne, j’ai lu beaucoup, j’ai cherché à être le plus juste possible. Ce qui était assez passionnant à faire c’était de recouper, de mettre en parallèle. Un des grands intérêts d’une intégrale c'est le sens que les œuvres prennent les unes vis à vis des autres ».

L’intégrale des œuvres pour piano de Brahms interprétée par Geoffroy Couteau est sortie en 2016 chez La Dolce Volta. Depuis, avec le temps, son interprétation de la musique du compositeur a naturellement évolué. « Des fois c’est un peu gênant, je me dis que j’ai déjà envie de réenregistrer parce que c’est plus du tout ce que je ferais maintenant. Mais je trouve que c’est bien de ne pas être attaché à une image, parce que c’est une photographie d’un moment. Je l’ai rejouée plusieurs fois en concert après et forcément c’est sûr que c’est différent mais heureusement. Quand on aime vraiment quelque chose on a envie d’y retourner parce qu'on pense à avoir à affiner quelque chose. »

« Si j’avais vraiment mesuré ce que ça représentait comme engagement et comme travail, je ne sais pas si je l’aurais fait »

L’aventure brahmsienne est bientôt bouclée pour Geoffroy Couteau, il ne lui reste qu’un seul volume de l’intégrale pour la musique de chambre. Benjamin Alard est lui encore en plein dans Bach, et pour un certain temps. « Très franchement, et je ne voudrais pas que ça paraisse curieux de dire ça, mais je pense que si j’avais vraiment mesuré ce que ça représentait comme engagement et comme travail, je ne sais pas si je l’aurais fait. Mais ça veut dire que c’est un peu fou. Mais c’est ça qui est bien aussi, on a besoin dans la vie de projets un peu fous ».

« Au bout du 6ème volume on est à peine au quart du voyage », ajoute le musicien marathonien de Bach. Il s’apprête à sortir le cahier 1 du Clavier bien tempéré, le 25 mars prochain.