Georges Brassens aurait eu 100 ans ce vendredi. France Musique s'est entretenu avec Joël Favreau, son guitariste de 1972 à sa mort. Et l'un de ses proches amis.
Quel endroit plus idéal pour rencontrer Joël Favreau que "Chez Walczak", le bistrot parisien où Georges Brassens avait ses habitudes ? "T'as quel âge toi maintenant ?", lui demande Jean-Louis, le maître des lieux. "82 ans", répond Joël. Les cheveux blancs argentés, mais les yeux rieurs d'un gosse. Joël Favreau a accompagné Georges Brassens à la guitare de 1972 jusqu'à la mort du chanteur, en 1981.
C'est au Théâtre National Populaire de Paris (TNP) qu'a lieu leur première rencontre. Nous sommes en 1966 et Joël Favreau, jeune guitariste, se rend dans la loge de Brassens pour le saluer. Il a 26 ans, et est quelque peu timide : "Quand je suis arrivé en face de lui, j’ai été très impressionné par son physique : il était extrêmement costaud, il avait un regard puissant, j’étais tout à fait intimidé." L'équivalent, pour lui, de "Molière ou Voltaire". Joël Favreau glisse alors un "bonjour monsieur". "Il s’est foutu de moi, m’a dit que j'étais glacé d’épouvante. Brassens avait la moquerie raffinée", se souvient le guitariste.
Je n’avais aucune idée de qui il était, pour moi c’était une photo sur des formats, les chansons que j’aimais et que je jouais, mais je ne faisais pas le lien avec une personne physique"
"Allô, c'est Georges. Tu veux bien venir jouer dans mes disques ?"
Les années passent. Georges Brassens perd son guitariste, Mimi Rosso. Nous sommes en 1972, et le chanteur pense alors à un certain jeune homme, qu'il avait taquiné il y a de cela six ans : "J’ai reçu un coup de fil : 'allô c’est Georges. Est-ce que tu veux bien venir jouer dans les disques avec moi ?' C’était un cadeau incroyable, même impensable pour un jeunot que j’étais", confie Joël Favreau, les yeux brillants. Il saute alors sur sa moto et fonce chez Brassens. "J’ai été accueilli par lui, et aussi une bande de Sétois qui étaient là, des copains qui étaient de passage. Ils m’ont bizuté. Ils m’ont dit : 'les deux premiers guitaristes de Brassens sont morts, est-ce que t’as mis tes affaires en ordre ?' Ça met à l’aise tout de suite...", rigole-t-il.
Le début de l'aventure Brassens pour Joël Favreau. Il ne sera jamais avec lui sur scène pendant les concerts, où l'artiste était secondé uniquement de Pierre Nicolas, son contrebassiste. Mais il l'accompagnera sur les plateaux télé ainsi qu'en studio lors des enregistrements. Le studio, passage obligé, mais pas forcément l'exercice préféré du chanteur, raconte Joël. "Il le faisait parce qu’il fallait le faire, mais, par exemple, il n’allait pas en cabine s’écouter. Quand on avait fait une prise, il restait dans le studio, demandait si ça allait, et si ça allait, on passait à la suivante", se remémore-t-il.
"On jouait tous les trois ensemble en direct, avec Georges et Pierre, dans un studio énorme, avec une cabine digne de la Nasa. On était bien petits au milieu de tout ça, un peu comme des cons, avec des paravents en train de tout enregistrer. Pratiquement en une seule prise, deux dans le pire des cas"
Peur de déranger
Joël Favreau accompagne par exemple Brassens sur l'album Fernande. Au fil du temps, des enregistrements, il gagnera l'amitié de l'artiste, mais n'osera jamais vraiment s'immiscer dans son intimité. Trop peur de déranger, ou de prendre trop de place. "Je n’étais pas tout le temps fourré chez lui, j’avais une sainte horreur de la simple idée de l’emmerder, ça m'épouvantait. J’ai peut-être même raté des occasions d’avoir une relation plus approfondie avec lui, parce que je ne voulais pas l’emmerder", regrette l'octogénaire, avec un air presque contrit. "Mais c'était aussi un timide, sous ses dehors bravaches."
Je voyais tellement de gens qui voulaient être sur la photo… Il m’a appris que certains fouillaient même dans ses corbeilles à papier, pour lui prendre des brouillons
Et Joël se souvient très bien de ses derniers moments avec Brassens, en mai 1981 : "C’était sur le tournage de l’émission 'Escale en Languedoc'. Je devais partir avant les autres. Je mangeais dans l’endroit où on était reçus, il y avait de la cuisine sétoise excellente. Il m’a regardé manger, d’un air goguenard. J’ai dû partir, et je le regrette encore. Je serais resté volontiers."
"Il reste vivant à travers tous ceux qui le chantent"
Brassens mourra quelques mois plus tard, le 29 octobre, emporté par la maladie. Mais restera avec nous, en quelque sorte, estime Joël Favreau. "Pour moi, il n’est pas mort entièrement. Ses chansons sont tellement vivantes qu’elles font partie de nous. On peut dire qu’on a intégré une partie de lui. Il reste vivant à travers tous ceux qui le chantent, tous ceux qui s’y intéressent", tient-il à souligner : "Et même quand les lampions du centenaire seront éteints, restera aussi ceux que ça intéresse vraiment, et plein de gens continueront de s’intéresser à ses chansons. Je serai heureux de les rencontrer à chaque fois que ce sera possible."
Chaque fois que je participe à un événement quelconque où Brassens est dans le coup, quel que soit l’événement, il y a toujours une ambiance spéciale, une espèce de bienveillance qu’on ne retrouve pas forcément ailleurs"
"Brassens, ce qu’on appelle un maître. Pas dans le sens maître/esclave, mais c’est quelqu’un qui a fait un bout de chemin, et qui le montre aux autres. Ses chansons sont une nourriture qui aide à grandir. Le prix, c’est de s’y intéresser. Si on les écoute d’une oreille inattentive, c’est un plaisir, bien sûr, mais on risque de rater la substantifique moëlle, comme disait Rabelais", poursuit Joël Favreau : "Il m’a donné une formation de base qui m’a aidé à avancer dans la vie."
Joël Favreau, également auteur-compositeur, continue de faire vivre l'héritage de Brassens. Et quand on lui demande d'entonner une chanson de Brassens, il se prête volontiers au jeu. Des reprises, un spectacle hommage, intitulé "Salut Brassens" : le guitariste continue et continuera, inlassablement, de faire vivre l'héritage de l'un des plus grands artistes du XXe siècle.
Programmation musicale
- 08h07
Symphonie n°2 en Ré Maj op 36 : 3. Scherzo Ludwig van Beethoven (Compositeur)Symphonie n°2 en Ré Maj op 36 : 3. ScherzoBernard Haitink (Chef d'orchestre), Orchestre Royal du Concertgebouw d'Amsterdam
Album Ludwig van Beethoven : Symphonies n°1 à 4 et 8 (1988)Label Philips (420228-2)
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