Moteurs vrombissants et sirènes stridentes : comment en finir avec la pollution sonore ?

L'un des projets lauréats du concours propose de remodeler la place du Châtelet, à Paris
L'un des projets lauréats du concours propose de remodeler la place du Châtelet, à Paris ©Radio France - Louis-Valentin Lopez
L'un des projets lauréats du concours propose de remodeler la place du Châtelet, à Paris ©Radio France - Louis-Valentin Lopez
L'un des projets lauréats du concours propose de remodeler la place du Châtelet, à Paris ©Radio France - Louis-Valentin Lopez
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Un concours, dans le cadre de la Semaine du Son de l'Unesco, récompense les projets d'étudiants et d'architectes fraîchement diplômés. Objectif : repenser le paysage sonore des places des grandes villes, que nous traversons au quotidien.

Comment lutter contre le fléau de la pollution sonore dans les grandes villes ? C'est l'une des questions posées lors de la Semaine du Son de l'Unesco, qui se tient en ce moment. En ville, nos oreilles sont exposées en moyenne à un brouhaha de 70 décibels. Pour y pallier, un concours, intitulé "Place au Son", récompense les projets d'étudiants ou d'architectes tout juste diplômés. Objectif : repenser le paysage sonore de ces places que nous traversons au quotidien.

Nous sommes place du Châtelet, dans le 1e arrondissement de Paris. Ses cafés, son théâtre, mais aussi son ballet incessant de voitures, le chant strident des sirènes. Elsy Mandelbrot aimerait bien changer tout cela grâce à son projet : "Cela se présente comme une passerelle sur laquelle on peut grimper, qui permet d'avoir un point de vue imprenable sur le pont au Change". Une passerelle en cristaux "phononiques", autour de la fontaine du Palmier. La jeune architecte, lauréate du concours Place au Son, explique le concept : "Ce sont des dispositifs de pièges à son. On peut régler le filtrage, cela va permettre de choisir les sons que l'on veut laisser passer et ceux que l'on souhaite isoler. Il s'agissait s'imaginer un écran protecteur qui ressemblait à tout sauf à un mur anti bruit."

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Elsy Mandelbrot et Florence Tajan, architecte d’intérieur, ont travaillé ensemble sur le projet
Elsy Mandelbrot et Florence Tajan, architecte d’intérieur, ont travaillé ensemble sur le projet
© Radio France - Louis-Valentin Lopez
Une modélisation de la passerelle en cristaux phononiques, place du Châtelet
Une modélisation de la passerelle en cristaux phononiques, place du Châtelet
© Radio France - Louis-Valentin Lopez

Remodeler le paysage sonore, c'est aussi l'objectif de Felipe Sierra, que nous retrouvons Place de la Nation. Cet autre lauréat a pu compter sur sa formation de musicien au conservatoire : "Au moment de composer un espace, il faut y réfléchir comme si c'était une pièce de musique." Il propose dans son projet une Place de la Nation remodelée, végétalisée notamment, avec des arbres aux feuillages denses qui absorbent le son, et des dispositifs pour se réapproprier l'environnement sonore : "Un grand dispositif conique, par exemple, qui serait placé en-dessous d'un arbre de manière à ce qu'on puisse s'asseoir et écouter l'arbre. Proposer de nouveaux paysages sonores, qui sont présents, mais qui sont masqués par les voitures."

La place de la Nation imaginée par Felipe Sierra et Daniela Castelblanco
La place de la Nation imaginée par Felipe Sierra et Daniela Castelblanco
© Radio France - Louis-Valentin Lopez

"Composer des paysages sonores vivants"

Il ne s'agit pas de dénaturer les places mais de créer une harmonie, somme tout très musicale, nous dit Cécile Regnault, architecte qui enseigne les ambiances sonores : "L'objectif est de recomposer des paysages sonores vivants, capables de réenchanter nos vies. Le travail collaboratif avec des musiciens et des compositeurs est essentiel pour que demain les architectes puissent imaginer autre chose que de se protéger, se mettre derrière des barrières. Filtrer les sons, amener des sonorités nouvelles, mieux travailler sur les sons du passé..."

Car le bruit des villes est aussi un enjeu de santé public : du stress, de la pression artérielle, on estime que ce bruit est responsable de 2800 décès cardiovasculaires par an. Les mairies ont bien conscience du problème : "les villes ont mis en place des observatoires, des micros un peu partout, des prises de mesures, ils font de la modélisation et des cartes de bruit", souligne Cécile Regnault.

Mais pourquoi cela reste-t-il insuffisant ? Christian Hugonnet, président fondateur de la Semaine du Son, a en partie la réponse : "Nous sommes dans un climat où nous sommes tous rétiniens. Nous regardons le monde, nous sommes depuis l’enfance dans l’observation, pas forcément dans l’écoute. Le politique, comme tout architecte ou urbaniste, n’est pas forcément construit dans l’écoute. Dans les écoles d’architectures, je dis aux étudiants : 'pensez sonore !' Il faut entendre d’abord pour mieux construire demain."

Pour une place publique, c’est indéniablement le revêtement de sol qui est important. Penser à de sols qui ne sont pas forcément lisses, qui peuvent être rugueux, à base de terre, végétaux, en relief… Pourquoi toujours vouloir travailler sur des surfaces lisses ? Et s’il y a des passages de voiture, il faut penser à un asphalte qui soit absorbant, nous savons aujourd’hui concevoir un asphalte qui absorbe le bruit de roulement des voitures" - Christian Hugonnet

Cela est peut-être d'ailleurs un enseignement positif de l'épidémie de Covid-19. "On sait désormais, peut-être plus qu’hier, depuis la pandémie, qu’une ville calme est une ville un peu différente d’une ville bruyante. On a contemplé nos villes à travers l’absence de circulation. Quand le son est agréable, on regarde mieux sa ville."  Et redécouvrir les bruits de pas, le chant des fontaines... et le récital des oiseaux.

3 min

Programmation musicale

  • 08h05
    Gaspard de la nuit : scarbo
    Gaspard de la nuit : scarbo
    Maurice Ravel (Compositeur)
    Gaspard de la nuit : scarbo

    Samson Francois

    Album Maurice Ravel : L'oeuvre pour piano seul (1967)
    Label EMI CLASSICS (CMS 7691402)

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