L’opéra au cinéma : une diffusion plus large pour des spectacles immersifs

Chaque saison, une dizaine d'opéras sont retransmis en direct depuis le Metropolitan Opera partout dans le monde, grâce au partenariat de nombreux cinémas.
Chaque saison, une dizaine d'opéras sont retransmis en direct depuis le Metropolitan Opera partout dans le monde, grâce au partenariat de nombreux cinémas. ©Radio France - Clément Buzalka
Chaque saison, une dizaine d'opéras sont retransmis en direct depuis le Metropolitan Opera partout dans le monde, grâce au partenariat de nombreux cinémas. ©Radio France - Clément Buzalka
Chaque saison, une dizaine d'opéras sont retransmis en direct depuis le Metropolitan Opera partout dans le monde, grâce au partenariat de nombreux cinémas. ©Radio France - Clément Buzalka
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Depuis maintenant 15 ans, l’opéra s’est invité dans 150 salles de cinéma en France. Chaque saison, dix pièces sont diffusées en direct depuis le Met de New-York, regroupant plus de 350 000 spectateurs. Pour autant, les maisons d’opéra ne voient pas ces diffuseurs comme des concurrents déloyaux.

À Albi, la préfecture du Tarn, la Scène nationale propose chaque année un programme très éclectique, basé sur des concerts, du théâtre, de la danse et du cinéma. Pourtant, les possibilités de monter un opéra sont réduites, par manque de moyens financiers et humains. Cependant, les aficionados d’art lyrique sont nombreux dans le Tarn. Et pour eux, la première maison d’opéra se trouve à Toulouse, à une heure de là. Si le trajet ne démotive pas les plus passionnés –beaucoup de Tarnais ont d’ailleurs un abonnement au Capitole de Toulouse-, la distance n’est pas un argument pour attirer de nouveaux publics à l’opéra. 

Contre les « déserts opératiques », plus de 150 salles de cinéma de l’Hexagone se sont liées, il y a une quinzaine d’années, au Metropolitan Opera de New-York, via la firme Pathé Live. Le but : diffuser, plusieurs fois par saison, des opéras en direct depuis la célèbre salle outre-Atlantique. Depuis 2006, de plus en plus de pays jouent le jeu. Ainsi, les représentations se jouent devant un public en présentiel, au Met, mais aussi devant près de 350 000 spectateurs partout sur la planète. Une vraie prouesse, que l’on doit simplement à des technologies de retransmission d’images en direct par satellite, sur le principe du direct télévisé. 

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Ainsi, samedi 29 janvier, il était 19h10 à Albi, et 13h10 à New-York, quand les premières notes de Rigoletto ont résonné. À Albi, dans le cinéma de la Scène nationale, une petite centaine de spectateurs est venue assister à la représentation de l’opéra de Verdi en direct depuis le Met, la cinquième diffusion d’opéra depuis le début de la saison. « Des opéras comme celui-là, seules les grandes maisons d’opéra peuvent les accueillir, question de prix, de techniques, etc, explique Céline Baïle, coordinatrice du cinéma de la Scène nationale d’Albi_. L’avantage, c’est que nous, petites structures, pouvons accueillir ce type de spectacles. Et nos spectateurs peuvent ainsi profiter de la magie de ces grosses grosses productions. » _

2 000 salles connectés à travers le monde

Quelques minutes avant le début du spectacle, Céline Baïle entre en salle de projection, capte les ondes spéciales venues de New-York, et sélectionne le sous-titrage en français. « Cela reste du spectacle vivant. C’est sûr, il y a l’écran qui interfère là-dedans, mais ce n’est pas du spectacle filmé. Il y a un gros travail au niveau de la réalisation. Je ne dis pas que c’est mieux qu’un spectacle, mais c’est du direct, et c’est cela qui est important pour nos spectateurs. Certains opéras sont retransmis en différé, et là, nombre de spectateurs ne viennent pas. Ils ne viennent que pour le direct, car ils retrouvent une magie de l’imprévu, du spectacle vivant. »

Dans la salle, beaucoup sont des aficionados de l’opéra. Ils viennent chercher ici de nouvelles mises en scène ou des découvertes. Béatrix et Jacques sont abonnés à ces spectacles diffusés. Ils ne le regrettent pas, loin de là, même s’ils l’avouent, il leur manque quelque chose. « Ce n’est pas pareil parce qu’en spectacle réel, il y a une émotion dans la salle, qu’il n’y a pas ici, témoigne Béatrix, tout de même subjuguée par les détails des images, qu’elle n’aurait pas perçus dans le public classique. Il y a quand même le filtre du film, qui retire quelque chose de la voix, de la vraie voix. » La réalisation vidéo, quant à elle, n’a pas été totalement du goût de son mari Jacques. « On nous impose une vision, insiste-t-il_. Quand on est dans une salle, si on veut regarder plutôt le ténor ou le baryton, on fait ce que l’on veut. Ici, il y a trop de plans serrés, ce qui nous empêche de voir l’action des autres artistes sur scène. Quand on connaît l’œuvre, ça va, mais sinon, on pourrait manquer des détails. »_ Bref, pour le couple, ces diffusions ne remplaceront jamais les spectacles à l’opéra. 

Le cinéma veut-il jouer des coudes avec les opéras ?

Alors qu’en dit la maison d’opéra la plus proche, à Toulouse ? Voit-elle ces diffusions comme de la concurrence déloyale ? Pas vraiment, témoigne Claire Roserot de Melin, administratrice générale du théâtre et de l’orchestre du Capitole. « C’est une manière de toucher un public différent. Je suis convaincue que beaucoup de personnes découvrent l’opéra par ce biais-là. Des spectateurs assidus de cinéma peuvent profiter de ce canal pour entrer dans l’univers de l’opéra, qu’ils ne connaissaient pas auparavant. » 

Ce nouveau modèle, que personnellement, Claire Roserot de Melin avoue ne jamais avoir eu l’occasion de tester, s’implante dans les territoires sans jamais faire défaut aux maisons d’opéra. « On ne fait pas la même chose, poursuit l’administratrice générale du Capitole_. Ce qu’on propose sur une scène n’a rien à voir avec une retransmission au cinéma. Les deux peuvent non seulement coexister, mais doivent coexister. Je ne crois pas à la concurrence qu’on se ferait l’un et l’autre, mais plutôt à une émulation. Le secteur culturel le démontre souvent : plus il y a d’offre, plus il y a de demande. Cela fait donc vivre l’activité opéra dans différents lieux et en direction de différents publics. »_

Aussi, le même soir, le Capitole jouait Carmen, et à 500 mètres de là, au cinéma Gaumont place Wilson, on diffusait le Rigoletto du Met. Pas de concurrence, ni pour l’un ni pour l’autre. D’ailleurs, les deux salles étaient pleines

« On se doit d’avoir un accès à la culture très large, autant, en ce qui concerne le cinéma, aux blockbusters qu’aux films plus intimistes, affirme Daniel Paulard, directeur d’agglomération des cinémas Gaumont de Toulouse_. Et l’opéra fait partie de cet accès culturel qu’on doit présenter. On peut parler du Metropolitan Opera, comme de la Comédie française ou du Bolchoï. Ces trois programmes permettent de proposer une programmation différente de ce que l’on fait habituellement, et qui est d’autant plus riche, qu’elle nous permet d’élargir nos horizons au cinéma. »_ D’ailleurs, ces diffusions ne mettront jamais un terme à la création dans les maisons d’opéra. Ce genre d’événements ne tuera pas le spectacle vivant, tout simplement parce que pour retransmettre une pièce, il faut qu’elle soit jouée sur une vraie scène, devant une vrai public. 

Pas simplement un spectacle filmé

Une séance enrichie car la diffusion de l’opéra comprend aussi un tour dans les coulisses, une présentation des décors et des artistes, ainsi que des interviews durant l’entracte. Reste que pour assurer la diffusion, des conditions doivent être remplies. Il y a quelques mois, une retransmission d’un ballet du Bolchoï avait été perturbée par une tempête de neige. Samedi, New-York s’est réveillée sous 40 centimètres de manteau blanc. Pas assez pour faire taire Rigoletto.

Programmation musicale

  • 08h08
    Preludes op 28 : Prelude en mi min op 28 nº4
    Preludes op 28 : Prelude en mi min op 28 nº4
    Maria Joao Pires
    Preludes op 28 : Prelude en mi min op 28 nº4

    Frederic Chopin

    Album Chopin / Concerto nº2 / Preludes / Pires (1994)
    Label DEUTSCHE GRAMMOPHON

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