Depuis la rentrée de septembre, l’antenne de la Maîtrise de Radio France à Bondy a élargi son enseignement, auparavant réservé au primaire et au collège, au lycée. Une chance, selon les anciennes maîtrisiennes, pour qui l’arrêt de la maîtrise a laissé un grand vide. Suzana Kubik les a rencontrées.
C’est un concert aux tonalités festives qui se prépare à l’auditorium de Radio France ce dimanche matin. Au programme, une œuvre rare : la Messe des pêcheurs de Villerville composée à quatre mains par André Messager et Gabriel Fauré. Une rencontre entre deux compositeurs, et une autre, sur scène, entre les deux maîtrises de Radio France : les 16 chanteuses qui vont interpréter la Messe viennent à la fois du site historique du 16e arrondissement parisien, et du plus récent, situé à Bondy, en Seine Saint-Denis.
« Il n’y a qu’une seule maîtrise, rectifie Morgan Jourdain, chef de chœur et responsable du site de Bondy. La séparation géographique permet de travailler les programmes supplémentaires qui peuvent être interprétés distinctement sur deux sites, et les programmes communs comme celui-ci, qui permettent aux maîtrisiens des deux sites de chanter régulièrement ensemble. »
Lorsqu'elle a été créée en 2007, l'antenne de Bondy avait pour mission de briser l'image élitiste de la Maîtrise de Radio France, implantée dans le 16e arrondissement, à proximité de la Maison de la Radio.
« C'était la période où on a commencé à parler de la fracture sociale, il y a eu les émeutes de 2005, et il y a eu une envie de la part de Toni Ramon, directeur artistique de l'époque, d'ouvrir aux enfants qui ne connaissaient pas la radio, ne connaissaient pas la musique, l'opportunité d'être préparés pour pouvoir peut-être intégrer la maîtrise de Radio France. »
Mais aussi de prouver qu'on pouvait n'importe où trouver des voix et des enfants qui vont s'épanouir à travers une pratique vocale intensive, précise le chef de choeur.
Et parmi les spectaturs éblouis par les voix cristallines des maîtrisiennes, Nawel Bernaoui, très émue. Elle a 20 ans aujourd’hui et elle a fait partie de l'une des premières promotions de la maîtrise à Bondy, celle de 2008.
« Ça nous fait bizarre d’être du côté de ceux qui applaudissent. Cette sensation là, les salutations, ça nous manque. »
Nawel est venue au concert avec Tiffany Lemaître, sa camarade de pupitre pendant huit ans, de 2008 à 2016. Et pourtant, rien ne prédestinait ces jeunes filles à rejoindre la maîtrise de Radio France.
« C'est ma professeure de CP qui avait appelé ma mère parce que ce jour-là, j'étais malade et elle a insisté pour que je fasse l'audition… au final, j'ai été prise et par la suite, j'ai découvert que c'était un cursus musical qui offrait une découverte sur le lyrique, la musique classique, la formation musicale… en plus, à cet âge-là et dans la ville dans laquelle je vis, où on n'écoute pas forcément la musique classique, c'était hyper intéressant comme découverte. »
Une découverte d’un style et d’un répertoire, mais aussi des exigences d’un enseignement intensif propre au programme de la Maîtrise de Radio France. Cours de chant, de piano, disciplines théoriques, mais aussi des concerts et des tournées, une charge de travail considérable pour les maîtrisiens :
« Ça nous a appris à être autonomes, à organiser notre travail, se souvient Tiffany Lemaître. Comparé aux autres enfants qui n’ont pas fait de maîtrise, ça nous a appris la discipline et un professionnalisme assez tôt. Et même pour nous, pour notre propre culture musicale c’était une découverte incroyable de rencontrer des compositeurs, et des artistes qu'on ne connaissait pas forcément et qu'on n'aurait pas forcément rencontrés en dehors de la Maîtrise. »
Mais en 2016, l’enseignement de la maîtrise à Bondy s’arrêtait à la dernière année du collège. Un vrai déchirement pour Tiffany et Nawel : la seule solution pour continuer à chanter c’était d’intégrer la maîtrise à Paris.
« J'ai tenté de partir à Paris, mais pour le coup, les trajets étaient assez longs. Et pour une adolescente, c'était compliqué pour l'école, raconte Tiffany. Elle a dû renoncer, et du jour au lendemain, la musique ne faisait plus partie de son quotidien. J'ai essayé de continuer le chant au conservatoire. Mais ce n'est pas la même chose. L’enseignement à la maîtrise est beaucoup plus complet. »
« Moi, je ne suis pas allée à Paris, poursuit Nawel. Ca m'a fait une coupure nette. Ca m'a manqué, et jusqu'à aujourd'hui, je chante un peu dans ma chambre, mais ce n'est pas pareil. »
« On a passé quand même toutes nos après-midis à la maîtrise de l’âge de 7 ans jusqu’à nos 16 ans. Quand j’ai arrêté la maîtrise, j’ai ressenti un grand vide. La maîtrise me manque parce qu’elle nous a apporté énormément, » rajoute Tiffany.
Aujourd’hui, Tiffany fait des études de comptabilité, et Nawel étudie l’analyse de biologie médicale. Mais les deux jeunes femmes rêvent de renouer avec la maîtrise, et pourquoi pas, de participer dans des productions qui inviteraient les anciens à chanter aux cotés des maîtrisiens d’aujourd’hui.
Programmation musicale
- 08h10FRANCIS POULENC (Compositeur)Les Chemins de l'amour FP 106 - pour soprano et piano
, MARIE PERBOST
L'équipe
- Production
- Production