L’Opéra de Nice-Côte d’Azur entame sa nouvelle saison lyrique avec Akhnaten, un opéra du compositeur américain Philip Glass. Pourtant, les œuvres des minimalistes sont le plus souvent absentes des programmations des maisons françaises.
Les opéras français tournent-ils le dos à la musique minimaliste ? Question légitime quand on voit que la grande majorité des maisons françaises ne programment pas, ou très peu, les pièces de Philip Glass, Steve Reich ou encore John Adams. Cette saison, -et c'est inédit-, l'Opéra de Nice ouvre avec Akhnaten, un opéra de Philip Glass, datant du début des années 1980. Cela fait maintenant plus d'un an que les musiciens et chanteurs de l'opéra de Nice travaillent sur la pièce. Si Akhnaten a été victime d'un report, l’an dernier, à cause du confinement, cet opéra de Philip Glass a surtout été très peu donné en France. Une seule fois avant Nice, en 2002 à l'Opéra national du Rhin.
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Cette affiche peu conventionnelle a donc demandé plus de travail à Léo Warynski, le directeur musical. « En France, il y a toujours des débats qui animent la musique contemporaine et la définition de l’opéra d’aujourd’hui, explique le chef d’orchestre_. Cela constitue un frein pour certains programmateurs. D’autant plus que Philip Glass n’est pas un compositeur bien vu, car il a un côté facile d’écoute. On sait toutes les polémiques qui peuvent animer le monde contemporain autour de l’esthétique musicale. Donc je pense que Philip Glass est un compositeur qui peut intimider ou dérouter dans la programmation. »_
Une pièce difficile à monter, pour les artistes
Pour le maestro, il existe aussi dans cette œuvre une difficulté posée par la musique elle-même, qui nécessite beaucoup de temps pour être bien interprétée. « C’est une musique qui a l’air simple en apparence, c’est une musique minimaliste, poursuit Léo Warynski_. En réalité, elle est très difficile à réaliser, car on doit trouver dans cette pièce une forme de naturel. Ce naturel ne s’obtient qu’après de longues répétitions et d’imprégnation de l'œuvre. C’est peut-être cela aussi qui peut décourager, car ce n’est pas une musique déjà dans les ADN des orchestres français. Le temps d’atteindre une interprétation idéale, cela demande beaucoup d'entraînement, de répétitions et de courage. »_
Du temps, et des moyens, plus importants qu’à l’accoutumée, doivent donc être dégagés par l'opéra pour donner ce type de pièces et permettre à l'œuvre d'infuser chez les artistes. Car la partition seule ne révèle pas tous ses secrets à la première lecture. « Philip Glass est un compositeur qui n’écrit pas tant de détails sur sa partition, explique le chef d’orchestre_. A l’opposé de la musique contemporaine, qui aime beaucoup sophistiquer la notation et la préciser énormément. Ce n’est pas le cas de la musique de Philip Glass, qui laisse beaucoup de libertés à l’interprète. Il faut savoir tout interpréter : des tempi aux nuances, de sorte à les adapter aux artistes et à la salle. »_
Une programmation attractive pour les jeunes publics
Rendre cet opéra, méconnu en France, pourtant très populaire aux Etats-Unis, le plus accessible à tous, c'est l'objectif de l'orchestre et des chanteurs. D'ailleurs, cette production vise notamment le jeune public, peu initié à l'opéra.
« Je dis moi-même aux étudiants de venir voir Akhnaten_, car ils n’ont pas d’a priori sur le reste du répertoire, mais aussi parce que Philip Glass est pour moi le précurseur de la musique électro_, analyse Bertrand Rossi, le directeur général de l'Opéra de Nice Côte d'Azur, et par ailleurs grand fan de Philip Glass_. On retrouve la musique répétitive et minimaliste dans la musique électro aujourd’hui. On entend cette musique dans les dancefloors tous les jours. Je pense donc que c’est une musique pour eux, et je sais qu’ils seront nombreux lors des représentations d’Akhnaten. »_
« Je regrette que les minimalistes ne soient pas assez joués, car ils représenteraient une porte ouverte pour le grand public. Le grand public, qui a peut-être peur de l’opéra, du classique, pourrait sans s’en rendre compte entrer dans l’univers du minimalisme et de Philip Glass par cette pièce notamment. » - Fabrice Di Falco, contre-ténor interprète du rôle d’Akhénaton dans cet opéra de Philip Glass, à l’opéra de Nice.
L’égyptien ancien, la langue peut inquiéter les programmateurs
Une vraie porte d'entrée sur l'opéra, c'est ce que défend aussi Fabrice Di Falco, tenant du rôle d'Akhenaton, dans cet opéra. Plus que sur son interprétation, qui est ici très sobre, le contre-ténor veut parier sur la langue de l'œuvre, l'égyptien ancien, pour faire la différence, marquer le spectateur, et le transporter dans l'environnement de Néfertiti. « Peut-être que si on avait choisi l’italien, on se serait tous endormis rapidement, s’amuse le contre-ténor, qui jouera bientôt cet opéra à Helsinki_. Mais comme Glass a choisi cette langue égyptienne antique avec ce côté guttural, on permet de rentrer dans la peau d’un Egyptien ancien. Nous, artistes interprètes, devons transmettre au public qu’une langue doit être comprise, même s’il ne l’a pas apprise. »_
Beau pari, dans cette maison où l'on privilégie d'ordinaire les Verdi et les Rossini, que de donner un tout autre répertoire, et pourquoi pas marquer le début d'une longue et fidèle relation entre les minimalistes et les opéras français. D'ailleurs, d'après nos informations, l'Opéra de Paris a déjà prévu de programmer un opéra de Philip Glass, pour la toute première fois.
Programmation musicale
- 08h08
Carmina burana : Uf dem anger : Tanz Carl Orff (Compositeur)Carmina burana : Uf dem anger : TanzSimon Rattle (Chef d'orchestre), Orchestre Philharmonique de Berlin
Album Carl Orff : Carmina Burana (2005)Label EMI (5578882)
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