





À propos de la série
De Franco Corelli à Quincy Jones en passant par la musique de chambre de Mozart par le Quatuor Mosaïques, John Williams et Emmanuel Pahud, le chef d'orchestre et compositeur Alexandre Desplat dévoile quelques-unes de ses références musicales les plus chères.
La voix du ténor italien Franco Corelli dans l'air E lucevan le stelle extrait de l'opéra Tosca de Puccini
"Mon père aimait beaucoup l'opéra et avait une passion pour les ténors italiens. J'ai choisi Franco Corelli parce que c'est un chanteur que j'ai toujours admiré, non seulement pour sa musicalité incroyable, sa technique dingue mais aussi pour son sens du drame, au sens le plus pur du terme. Il est de la génération qui précède Pavarotti et il y a une profondeur d'âme dans sa manière d'interpréter qui est vraiment unique. À un moment dans l'air, il tient cette note avec une durée improbable, et donne malgré tout une émotion hors du commun."
La mélodie de For Gillian écrite par John Williams, dans le film The Fury de Brian De Palma
"Adolescent, j'écoute John Williams. Et il y a dans le film The Fury, que je ne connais d'ailleurs pas à l'époque, que je n'ai jamais vu, la pièce For Gillian. De mémoire c'était la deuxième plage du vinyle. L'orchestration, le développement de ce thème, qui est un art si difficile dont John Williams a vraiment une maîtrise incroyable, furent pour moi une révélation. Cette révélation va évidemment se poursuivre avec Star Wars, avec tous les films de Spielberg. John Williams restera le maestro de mon adolescence et de ma jeunesse. Et encore aujourd'hui, John Williams est le maestro."
L'ouverture du Quatuor en ré mineur de Mozart interprétée par Christophe Coin et le Quatuor Mosaïques
"Il est souvent dans ma tête. Il m'arrive beaucoup d'être dans un avion, sur ma Piaggio à Paris ou sur une bicyclette et d'avoir cette mélodie de Mozart qui me revient, mais toujours dans l'interprétation de Christophe Coin avec le Quatuor Mosaïques. Cette version est d'une profondeur, d'une beauté uniques. C'est merveilleux. Je crois que j'aime autant la musique de Mozart que les musiques dites "du monde", que l'on retrouve sur toute la planète, des musiques où la joie et le tragique sont mêlés. Je pense que c'est pour cela que j'aime tant Mozart et que j'ai eu beaucoup de mal avec la musique romantique du XIXe siècle, parce que justement il n'y avait pas cette dualité, cette complexité. Ce que l'on entend dans ce quatuor on le retrouve dans Don Giovanni bien sûr ou dans d'autres oeuvres de Mozart."
Sa Symphonie concertante pour flûte et orchestre avec l'Orchestre National de France et Emmanuel Pahud
"J'ai eu la chance d'enregistrer une symphonie concertante pour flûte et orchestre autour du thème de Pelléas et Mélisande que m'avait commandé l'ONPL avec John Axelrod il y a quelques années. Nous l'avons jouée ici à la Maison de la Radio avec l'Orchestre National de France et le grand Emmanuel Pahud. Je suis parti du texte et non pas de l'opéra de Debussy, surtout pas. Ne surtout pas m'approcher pour ne pas me brûler les ailes. J'ai plutôt tenté de m'intéresser aux personnages principaux. C'est ce que j'aime au cinéma, traiter la profondeur des personnages qui sont devant moi sur l'écran. J'ai par exemple traité Golaud comme quelqu'un de brutal et de violent. Golaud est un idiot et Mélisande est comme un oiseau pourchassé, une phrase le dit dans le texte. La flûte accompagne cette idée-là dans le premier mouvement. Et puis dans le deuxième mouvement il y a un passage du texte que j'aimais beaucoup. Golaud demande au petit garçon ce que font Pelléas et Mélisande, et le petit garçon répond: "Ils regardent la lumière." J'ai écrit une pièce en pensant à cette lumière qui apparaît à travers la fenêtre. Comme si j'écrivais à partir d'un poème finalement."
The Quintessence de Quincy Jones
"J'aurais pu choisir des compositeurs brésiliens - Edu Lobo, Jobim, Chico Buarque -, ou même de grands jazzmen comme Bill Evans ou Miles Davis. Et puis j'ai choisi Quincy Jones, peut-être pour cette corrélation entre ma passion du jazz et ce jazzman merveilleux qu'il était. Je dis "était" car il ne l'est plus aujourd'hui. Il est devenu compositeur de musiques de films et en a écrit énormément. On connait aussi son travail de producteur. Mais c'est un musicien hors-pair, francophile, qui a étudié ici avec Nadia Boulanger, que j'ai eu la chance de rencontrer et qui a toujours été d'une grande gentillesse et d'une grande bienveillance avec moi. Je pense à lui assez régulièrement, j'essaie de le voir quand je vais à Los Angeles. Il est très âgé maintenant. Quand on entend les arrangements de Quincy Jones, c'est d'une telle sophistication ! On sent sa connaissance du jazz et sa connaissance de la musique dite "savante", les deux sont mêlés et c'est tout ce que j'admire. Quintessence rassemble son orchestre de l'époque dans les années 1960 avec des solistes fantastiques: Phil Woods à l'alto, Freddie Hubbard à la trompette, Patricia Bown au piano... c'est un groupe de musiciens insensés de cette époque-là ! C'est de la musique pure, c'est génial."