Quel est le point commun entre Nina Simone, Alma Mahler, Fanny Mendelssohn, Julia Perry, Henriette Renié, Rebecca Clarke ? Pression familiale, interdits sociaux, occultation de l'histoire par un milieu exclusivement masculin : aujourd'hui, nous abordons le silence subi ou imposé aux musiciennes.
Le mot “compositrice” apparaît dans le dictionnaire de l’Académie Française dans les années 1930, alors que le féminin de troubadour, existait dès le 13ème siècle. La première compositrice à l’Académie des Beaux-Arts, Edith Canat de Chizy, a été élue en 2005... et sur l’ensemble des compositeurs contemporains, la Société des Auteurs a donné un chiffre éloquent : si les étudiantes représentent 52% des élèves au conservatoire, parmi les compositeurs professionnels, le chiffre tombe à 10%, ce qui veut dire que neuf compositeurs sur dix sont des hommes.
Alma Mahler (1879-1964)
Femme brillante, élève de Zemlinsky, Alma Mahler devra abandonner la composition après son mariage avec Gustav, qui prétexte qu'il "ne peut y avoir qu'un seul génie dans un foyer". Et bien sûr, ce génie est masculin.
Le premier responsable du silence des compositrices, c'est souvent la famille.
Fanny Mendelssohn (1805-1847)
C'est à la fois son père et son frère Felix, qui tiennent Fanny Mendelssohn en-dehors de la carrière musicale. Son père lui dit, l’année de ses quinze ans : "La musique restera pour toi un ornement". Et lorsque Goethe vient à la maison, Fanny doit rester à l’écart dans sa chambre.
Clara Schumann (1819-1896)
Pour Clara Schumann, le sacrifice est double. Elle devra d’abord se dévouer à son mari Robert, puis après la mort de celui-ci, à leurs enfants. En 1839, elle écrivait déjà dans son journal: “une femme ne doit pas prétendre composer - aucune n’a encore pu le faire et cela devrait être mon lot ? Ce serait une arrogance que seul mon père autrefois m’a donnée".
Mademoiselle de Kerkado (1785-?)
Au début XIXe siècle, malgré le succès d’un ouvrage au Théâtre de l’Opéra-Comique en 1805, les réactions négatives des interprètes et de certains membres du public affluent lorsqu'on apprend que le compositeur est en réalité une compositrice ! Mademoiselle de Kerkado a aujourd'hui disparu de la vie musicale alors qu’elle avait obtenu en son temps le type de succès qui ouvrait grandes les portes de l’Opéra-Comique.
Lili Boulanger (1893-1918)
Au début du XXe siècle, la place des femmes dans la musique est de plus en plus forte. Il existe un réel élan féministe. Soudain, apparaît la vedette, l’étoile filante, Lili Boulanger, qui décède malheureusement en 1918, l'année de ses 25 ans. Elle avait remporté le Prix de Rome en 1913, signé un contrat avec Ricordi ; une situation de rêve pour un compositeur.
Lili Boulanger laisse une oeuvre riche et dense quand la maladie l’emporte.
Rebecca Clarke (1886-1979)
Elle a dû se battre contre son père, très autoritaire, pour pouvoir étudier la composition. Altiste célèbre de l’entre-deux-guerres, Rebecca Clarke joue avec les plus grands, et se fait remarquer pour sa musique de chambre. Lors d'un concert à Londres, elle fait passer certaines de ses œuvres sous un pseudonyme par peur d'occuper trop de place dans le programme... Evidemment, la critique de l'époque dédaigne Rebecca Clarke et encense l’imaginaire Anthony Trent !
Julia Perry (1924-1979)
Elève de la Julliard School, puis de Luigi Dallapiccola et Nadia Boulanger grâce à deux bourses Guggenheim, Julia Perry est une compositrice encore dans l'ombre. Il n'existe que peu de traces de ses partitions. En 1965, le chef William Steinberg participe à faire connaître sa musique en enregistrant sa "Short piece for orchestra" avec le New York Philharmonic Orchestra.
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Charlotte Sohy (1887-1955)
Pour conclure évoquons une compositrice qui résume un peu tout. Elève de Vincent d’Indy, sa symphonie Grande Guerre de 1917 qui n’avait jamais été jouée de son vivant, a été interprétée l’année dernière (2019) par l’Orchestre Victor Hugo Franche Comté et la cheffe Debora Waldman.
Elle sera rejouée le 1er juillet 2021 aux côtés d'oeuvres d'Augusta Holmès, Mel Bonis et Marie Jaëll par l’Orchestre National de France à la Maison de la Radio.
Charlotte Sohy montre que les hommes ne sont pas l’ennemi. Son mari, Marcel Labey, lui aussi élève de d'Indy, l’a toujours soutenue !
Publication
Les compositrices en France au XIX° siècle
Florence Launay
Éditions Fayard
Des compositrices en France au XIXe siècle ? Peu de noms viennent à l'esprit des mélomanes, encore moins de musiques. L'ouvrage de Florence Launay révèle à quel point l'histoire de la musique ment par omission.
S'appuyant sur quelques travaux pionniers, mais explorant surtout une multitude de sources qui n'avaient pas encore été examinées sous cet angle, l'auteur dévoile une création musicale féminine d'une grande richesse. De plus du millier de femmes qui ont alors désiré s'exprimer par la création musicale, malgré les difficultés d'accès aux études de composition et les préjugés ambiants sur les capacités intellectuelles féminines, émergent une vingtaine de compositrices de haut niveau, des femmes qui ont écrit dans tous les genres musicaux, de la romance à l'opéra en passant par la musique de chambre et le répertoire symphonique, et qui ont connu le succès public et la reconnaissance de leurs confrères musiciens.
À travers les biographies et les productions de Julie Candeille, Sophie Gail, Hélène de Montgeroult, Pauline Duchambge, Loïsa Puget, Louise de La Hye, Louise, Bertin, Louise Farrenc, Clémence de Grandval, Augusta Holmès, Pauline Viardot, Pauline Thys, Marie Jaëll, Mel Bonis, Cécile Chaminade, Louise Héritte-Viardot, Henriette Renié, Armande de Polignac, Nadia et Lili Boulanger, évoquées en détail, se découvrent autant de parcours et d'oeuvres insoupçonnés dont la connaissance enrichit l'histoire de la musique.
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