Notre écoute est nourrie par l'explication de l'oeuvre... mais l'explication nous aide-t-elle à mieux apprécier l'oeuvre écoutée ? Ce "Tendez l'oreille !" prend la forme d'une expérience : une écoute 'vierge', une explication, puis une réécoute. Mieux avec ou sans ? Ecrivez-nous !
Un texte est fait d'écritures multiples, issues de plusieurs cultures et qui entrent les unes avec les autres en dialogue, en parodie, en contestation ; mais il y a un lieu où cette multiplicité se rassemble, et ce lieu, ce n'est pas l'auteur, c'est le lecteur. L'unité d'un texte n'est pas dans son origine, mais dans sa destination, mais cette destination ne peut plus être personnelle : le lecteur est un homme sans histoire, sans biographie, sans psychologie ; il est seulement ce quelqu'un qui tient rassemblées dans un même champ toutes les traces dont est constitué l'écrit.
Roland Barthes, La mort de l'auteur, 1968
Dans La mort de l'auteur, Roland Barthes met en garde, dans le domaine littéraire, contre les dangers de prendre en compte la vie de l'artiste dans l'appréciation de l'oeuvre : c'est au destinataire de donner un sens à l'oeuvre. Barthes est souvent convoqué dans le domaine de l'art contemporain pour bien établir qu'il n'a pas besoin d'être expliqué. "L'explication est un traître à l'art." (The Guardian, 15 juillet 2008)
Et en musique ? Cette chronique n'est pas une plaidoirie ou un réquisitoire pour ou contre la parole musicale. Certaines oeuvres parlent d’elles-même aux sens, d’autres sont plus hermétiques. Tous les auditeurs ont un vécu et une culture, et selon : certains considèrent que l'explication "muséifie" l’oeuvre, et en profitent moins parce qu’elle devient objet d’investigation plutôt qu'objet de plaisir ; d'autres ont un peu plus ce besoin d’en savoir plus pour plus apprécier.
La musique possède son réseau de métaphores, de symboles et de significations. Est-il pour autant nécessaire de comprendre ces codes pour l'apprécier ? Tout dépend de l'explication : doit-elle être biographique sur le compositeur ? les interprètes ? peut-elle n'être que technique et musicale ?
Notre écoute est clairement plus active lorsqu'on nous donne des éléments musicaux à écouter. Et surtout gardons à l'esprit que le contexte historique et biographique ne fait pas l’oeuvre. L’oeuvre, c’est l’oeuvre, et non l’histoire au sein duquel l’oeuvre fut conçue.
Qu’est-ce qui, alors, dans la parole à la radio, va aider à apprécier la musique ? est-ce de savoir que Mozart avait tel âge quand il a composé tel ou tel opéra ? ou est-ce de savoir que si Berlioz utilise le cor anglais dans ce qu’on va entendre, cela symbolise pour lui la nostalgie et le regret du temps qui passe, ce qui par conséquent va teinter l'air complètement différemment… ? est-ce d'en dire le moins possible pour laisser l'auditeur complètement vierge ?
Beaucoup de questions, mais une chose est sûre : tous les auditeurs ne veulent pas la même chose, et ça, c’est bien de le savoir.
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