

Etrange trouvaille, mais qui n'est pas inexplicable. Lorsque l'on joue "Get Out Of Town" (extrait de "Leave It To Me", 1938), la ressemblance est frappante : tout le langage de Wagner y est, à la note près. Et si Broadway, et donc le jazz plus tard, avait repris ce que Wagner avait laissé ?
Christophe Dilys a fait l'expérience cette semaine de déchiffrer au piano "Get Out Of Town", chanson de Cole Porter tirée de la comédie musicale Leave It To Me (1938). Dès la deuxième mesure, nous y reconnaissons un des accords les plus célèbres : celui de l'ouverture de l'opéra Tristan et Isolde de Richard Wagner.

Est-ce volontaire, de la part de Cole Porter ?
Toute ressemblance avec des personnes existantes....
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Il y a fort à parier qu'il s'agit d'une coïncidence... mais la ressemblance est troublante : tous les accords de "Get Out Of Town", lorsqu'ils sont joués avec une certaine pesanteur, rappellent le langage de Wagner.
Mettez-vous à la place des compositeurs de Broadway, au début du XXe siècle. Alors que dans les salles de concert, la musique atonale commençait à se faire entendre, ces musiciens avaient plutôt besoin d’un langage musical consonnant, fait d’accords et de mélodies "fredonnables". Ils ont donc été chercher l’inspiration harmonique dans la musique tardive du XIXe siècle. La musique de Wagner, et de ses collègues, était alors parfaite pour les fondations de cette musique de Broadway, et du jazz par la suite : la musique de Wagner était encore tonale, il y avait encore la notion de tension et de résolution, mais avec des accords tellement enrichis de notes chromatiques et intéressantes que les accords de tensions sonnaient de façon extrêmement savoureuse.
Le langage tonal et les accords du XIXe siècle … ont donc survécu à la musique atonale : ils sont juste cachés dans le jazz au XXe siècle.
Et l'inverse est également valable
Lorsque nous jouons "Am Stillen Herd", tiré des Maîtres chanteurs de Nuremberg de Richard Wagner, en libérant le rythme, nous ne sommes pas loin des sonorités d'un standard de jazz.

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