Julia Wolfe versus Ludwig van Beethoven

Julia Wolfe versus Ludwig Van Beethoven
Julia Wolfe versus Ludwig Van Beethoven - cantaloupe music / wikimedia commons
Julia Wolfe versus Ludwig Van Beethoven - cantaloupe music / wikimedia commons
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Dernier match de l'été, qui verra s’affronter la musique acide et en surtension de la compositrice américaine Julia Wolfe, avec la puissance tellurique de Beethoven

Ludwig van Beethoven (1770 – 1827) versus Julia Wolfe (née en 1958)

  • Feu tellurique

Beethoven, on pourrait dire qu’on ne connait que lui. Quant à Julia Wolfe, compositrice américaine qui fonda l’ensemble Bang on a Can, avec ses collègues Michael Gordon et David Lang, est plutôt peu connue en France. En tous cas, ce qui frappe au premier abord si l’on joue leurs musiques respectives l’une à la suite de l’autre, c’est le feu tellurique qui les consume. Quelle puissance dramatique, quelle intensité. On découvre cet univers avec la première œuvre que Julia Wolfe compose pour le groupe Bang on a Can All-Stars…oui oui, des « all stars » comme une équipe de basket ! Guitare électrique et batterie sont de sortie, pour une très agressive pièce inspirée par les déhanchées du funk et de la Motown…le titre de l’œuvre : Lick 

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Julia Wolfe
Lick
Bang On A Can All-Stars
Cantaloupe Records (2011)

Ludwig van Beethoven
Symphonie n°5 « I. Allegro con brio »
Les Siècles
François-Xavier Roth, direction
Harmonia Mundi (2020)

Et quelle musique plus intense, plus puissante dramatiquement que la 5e Symphonie de Beethoven et son premier mouvement si célèbre ? D’ailleurs, autant la musique de Julia Wolfe travaillait la notion de répétition…autant, elle est aussi présente dans cette 5e Symphonie.

  • Rythme

Que ce soit dans ce mythique début de la 5e Symphonie de Beethoven, ou dans Lick de Julia Wolfe, on est stupéfait d’une chose : c’est la nervosité de la vie rythmique. Tout grouille, se répond, comme dans un ping-pong de sons où se croisent les rythmes et les timbres. 

Ecoutez cet extrait de la dernière Sonate pour piano du Maître de Bonn. Le mythique opus 111. En un tout petit peu plus de 2 minutes de piano seul, on a l’impression d’avoir écouté une véritable symphonie. Ca change tout le temps, ça part dans tous les sens, avec au centre…le rythme…le rythme…le rythme…

Ludwig van Beethoven
Sonate pour piano Op.111 « I. Maestoso, Allegro con brio »
Daniel Barenboim, piano
Deutsche Grammophon (1984/1999)

Julia Wolfe
My lips from speaking « III. »
Lisa Moore, piano
Cantaloupe Music (2011)

Rythme et piano : ça parle à Julia Wolfe ! La compositrice américaine écrit My Lips From Speaking, une œuvre pour 6 pianos, qui s’inspire du gospel et autres spirituals…et de la chanson Think d’Aretha Franklin. Accrochez vos ceintures, parce que vous n’allez plus tenir en place tellement ça déménage !

  • Musiques populaires

Après cette folle musique qui vient en ligne directe des racines étasuniennes, on est quand même en droit de poser justement l’influence des musiques populaires chez Julia Wolfe, et chez Beethoven. Pour le titan germanique, on pense quasi immédiatement à sa Symphonie Pastorale, la 6e, et spécifiquement à son Scherzo, qui reconstitue une immense fête villageoise. Julia Wolfe quant à elle, s’inspire des musiques traditionnelles dans de nombreuses œuvres. Personnellement, j’aime par-dessus tout son oratorio Steel Hammer, où le banjo et les voix droites sans vibrato lyrique, croisent les voix légendaires d’un pays qui vit au-travers du mythe et du parfum que dégagent ne serait-ce que les noms des Etats Georgia, Tennessee, Ohio, Kentucky.... Mais avant ça…un petit air irlandais… arrangé par Beethoven.

Ludwig van Beethoven
Vingt Chants Irlandais « III. »
The British Light Dragoons
Brillant Classics. (2014/2015)

Julia Wolfe
Steel Hammer « The States »
Trio Medieval
Bang On A Can All-Stars
Cantaloupe Music (2014)

Ludwig van Beethoven
Symphonie n°6 « III. Joyeuse assemblée de paysans »
Gewandhausorchester
Riccardo Chailly, direction
Decca (2011)

  • Le Quatuor à cordes

De l’orchestre, de la voix, l’énergie des musiques traditionnelles…mais si l’on repense aux pièces pour piano que l’on entendait tout à l’heure, un des gros points de comparaison que l’on pourrait faire entre Beethoven et Julia Wolfe, c’est leur amour commun, pour le quatuor à cordes.

Julia Wolfe
Dig Deep
Ethel Quartet
Cantaloupe Music (2011)

Dans son emblématique quatuor Dig Deep, qui signifie « creuser en profondeur », Julia Wolfe compose une musique qui décrit la puissance industrielle des puits de pétroles. C’est d’ailleurs l’image choisie pour la pochette de l’album qui regroupe 3 de ses partitions pour quatuor à cordes. On se fait très vite l’image. Une chaleur écrasante, un paysage désertique, l’air est lourd et oppressant, et on est tout sauf tranquille et apaisés...

Et Beethoven, c’est le champion du monde toutes catégories du quatuor à cordes. Virtuosité des alliages, langage qui se renouvelle avec une force sidérante, vigueur, imprévisibilité… Ecoutons un extrait du finale du 16e quatuor. C’est la dernière œuvre de Beethoven. Le ton y est presque léger, mais très grinçant, avec des sautes d’humeur constantes…c’est un peu lui qui se décrit dans ses pages ?

Ludwig van Beethoven
Quatuor n°16 Op.135 « IV. Grave ma non troppo tratto – Allegro »
Quatuor Ebène
Warner (2019)

Julia Wolfe
Four Marys
Cassatt String Quartet
Cantaloupe Music (2011) 

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Et tout en contrastes avec les brusques changements beethoveniens, Four Marys est la perle cachée des quatuors de Julia Wolfe. Dans une immense toile acide et méditative, la compositrice réinvente le son du dulcimer, cet instrument à cordes traditionnel que l’on joue notamment dans la région des montagnes des Appalaches. Avec ses résonances, ses vas et viens et son harmonie statiques et mouvante, la partition est enivrante, et nous fait voyager bien loin.

Four Marys de Julia Wolfe, par le Cassatt String Quartet, est extrait d’un beau volume qui s’intitule Julia Wolfe « string quartets », que l’on trouve chez Cantaloupe Music, un label fondé par la compositrice. 

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